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Actualités - INTERVIEWS

Interview - L’ancien secrétaire général de l’Onu répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » Kurt Waldheim : Ne désespérez pas. Un jour, vous aurez votre indépendance(photo)

Toute une vie consacrée à l’édification, pierre par pierre, d’une impressionnante carrière de diplomate. Au service, notamment, des crises internationales pour lesquelles il recherchait, sans répit, les solutions pacifiques qu’il essayait d’imposer. Kurt Waldheim devient, en 1972, le quatrième secrétaire général des Nations unies. Jusqu’en 1981. En 1986, il est élu à la tête de l’État autrichien pendant six ans. Et c’est au cours de son mandat que seront votées à l’Onu les résolutions 425 et 426. Lorsque Ghassan Tuéni était ambassadeur à New York. Kurt Waldheim a quitté hier le Liban, après trois jours passés à Beyrouth. Il en a profité pour répondre aux questions de L’Orient-Le Jour. Insister, d’abord, sur ces deux résolutions pour l’application desquelles le Liban s’est battu, pendant près de vingt-cinq ans. Kurt Waldheim sourit, rappelle qu’il « s’est engagé sur tellement de missions onusiennes » qu’il lui est difficile de se souvenir de tous les détails. Sauf que ce dont il est sûr, c’est que « l’on n’a jamais assez des forces de l’Onu », qu’elles ont la confiance de la communauté internationale. Et en réaction à la révélation de Ghassan Tuéni (lire plus loin), il reconnaît qu’il aurait été « plus raisonnable », à l’époque, d’augmenter le volume du contingent onusien. « Cela aurait probablement pu éviter beaucoup de choses », ajoute-t-il. Il n’empêche, la naissance de la 425 « a été une décision très importante », dit-il, regrettant que les pays concernés « ne coopèrent pas toujours assez ». Au sujet du contentieux libano-onusien autour de la ligne bleue et des fermes de Chebaa, l’ancien secrétaire général des Nations unies aujourd’hui âgé de 84 ans, estime, sans trop s’attacher aux détails, que tout cela « n’est pas sage ». Kurt Waldheim rappelle que l’Onu avait toujours demandé la coopération des pays membres, mais qu’une prise de décision s’opposant à la volonté d’un État « ne pouvait rien résoudre ». Pour Kurt Waldheim, la situation au Moyen-Orient est « dangereuse » et elle ne peut se régler que par des négociations internationales. « Mais je ne vois pas de solution immédiate », indique-t-il. Sharon peut-il être l’homme de la paix ? « J’ai des doutes », avoue-t-il, avant d’appeler les deux parties à comprendre et à assimiler « les limites de l’autre, ce qu’il est capable d’accepter. Il faut être réaliste et faire des concessions ». Il est d’ailleurs clair que l’ancien n° 1 autrichien a toujours fait preuve d’une conscience aiguë des problèmes qui se posent au monde en développement – voire même d’une certaine prescience. Pour preuve, en 1972, il fait inscrire un point supplémentaire au cours d’une session extraordinaire consacrée aux mesures sensées prévenir le terrorisme. Pourquoi en est-on arrivé au 11 septembre ? « Parce que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires. » La réponse est claire. Et au sujet de la présence et de la tutelle syriennes, il rappellera, en parfait diplomate, sa confiance en la gestion par le Liban de ce dossier. « Mais ne désespérez jamais, vous aurez un jour votre indépendance. En Autriche, nous avons attendu dix ans. » Tout est dit... Et Jörg Haider ? « Je n’ai pas été content, mais il ne faut pas exagérer. Il n’a pas cette influence que les gens veulent bien lui donner – dans tous les cas, son parti ne peut rien faire sans la coalition. D’ailleurs, les sanctions européennes – et notamment françaises – contre l’Autriche étaient une erreur », sourit presque le diplomate aux yeux très bleus et toujours aussi perçants. « Devenir diplomate, pour moi, ce n’était pas une profession, c’était la profession. » Ces mots de Kurt Waldheim, s’ils confirment son cursus, s’ils ressemblent de très près à une confession, un doux aveu, sonnent aussi comme une excuse. Une justification. Du scandale qui avait éclaté en 1986, lors de sa candidature à la magistrature suprême en Autriche. On dit qu’il aurait été impliqué dans des massacres perpétrés sur les partisans yougoslaves en 1942 et la déportation des juifs de Salonique. Kurt Waldheim répond calmement à cette question, répète que tout cela a été « très mal interprété » et explique, à l’instar d’un Maurice Papon, qu’il n’avait fait finalement que son devoir, « contraint et forcé comme la majorité du peuple autrichien ». Assure qu’il n’a ni haine ni rancœur à l’égard de son peuple. Et avoue continuer à ne pas particulièrement apprécier l’œuvre géante laissée par Thomas Bernhard. De la dernière pièce du dramaturge, il avait dit à l’époque que c’était une véritable « insulte au peuple autrichien ». Le prix Kurt Waldheim Kurt Waldheim a décerné hier le premier prix Kurt Waldheim à Chantal Sarkis, après qu’elle eut gagné un concours organisé par la faculté de droit, de sciences politiques et de gestion de l’Université libanaise. Michel Pharaon, Ali Bazzi et Béchara Merhej représentaient respectivement Émile Lahoud, Nabih Berry et Rafic Hariri à la cérémonie de remise du prix. Et à laquelle assistaient, outre de nombreux ministres et députés, le recteur de l’UL Ibrahim Kobeissi et Ghassan Tuéni. Dont l’hommage à l’ancien chef de l’État autrichien a été particulièrement chaleureux. « Le Liban tout entier se rappelle encore cette nuit de mars 1978 où, grâce à votre diplomatie, les Nations unies nous ont redonné, avec les résolutions 425 puis 426, confiance et espoir. (...) Je vous dois de révéler devant cette instance officielle que, violant certaines règles du protocole, vous avez reçu l’ambassadeur à peine accrédité que j’étais, pour lui suggérer, six mois avant l’invasion israélienne, de renforcer substantiellement les observateurs de l’Onu, puisqu’il semblait politiquement impossible d’avoir, à l’époque, des forces onusiennes plus dissuasives. Quelle plus grande preuve de votre sagacité ? », a demandé Ghassan Tuéni. Ziyad MAKHOUL
Toute une vie consacrée à l’édification, pierre par pierre, d’une impressionnante carrière de diplomate. Au service, notamment, des crises internationales pour lesquelles il recherchait, sans répit, les solutions pacifiques qu’il essayait d’imposer. Kurt Waldheim devient, en 1972, le quatrième secrétaire général des Nations unies. Jusqu’en 1981. En 1986, il est élu...