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Actualités - INTERVIEWS

Interview Élias Murr : « Quel que soit le vainqueur, c’est tout le Metn qui sera perdant »

Jamais campagne électorale n’a été aussi écœurante et n’a donné lieu à un tel déballage familial et politique. « Si je suis moi-même tellement dégoûté, que doivent ressentir les habitants du Metn ? », s’écrie Élias Murr. En un sens, dit-il, toute cette saleté a un aspect positif, puisqu’elle lui a permis de dépasser le stade de la révolte, le poussant à se consacrer à son rôle de ministre de l’Intérieur. Demain, précise-t-il à L’Orient-Le Jour, il sera à son ministère, veillant au bon déroulement de l’opération électorale et guettant la moindre bavure, de la part notamment de Georges Haoui, pour sévir. Entre-temps, il assure qu’un émissaire est venu lui proposer le retrait de son oncle, moyennant une somme d’argent. Au lendemain de sa prestation télévisée, Élias Murr est submergé d’appels, mais aucun ne parvient à lui arracher un sourire. C’est à contrecœur, dit-il, qu’il a dû clarifier certains points. D’ailleurs, il a hésité jusqu’au bout, espérant qu’un compromis serait trouvé et il a même souhaité quitter le pays, pour éviter d’être mêlé à cette bataille. Mais les attaques ont atteint un tel niveau, affirme-t-il, qu’il a dû riposter. Il avait pourtant vu venir les choses. « L’attitude de mon oncle ne m’a pas surpris, car, depuis trente ans, il entretient avec son frère aîné des rapports opportunistes et conflictuels. Il s’est d’ailleurs lancé dans les affaires parce que mon père lui a donné des parts. Mais, au cours de ces dernières années, il a accumulé les pertes et a commencé à vouloir nous faire chanter via sa chaîne de télévision. Il y a six mois, mon cousin Michel est venu au ministère pour protester contre le fait que mon père avait appuyé l’équipe La Sagesse de basket-ball, permettant à la LBCI de faire la couverture de tous les matchs, les privant ainsi d’un million de dollars de recettes publicitaires. Il m’a demandé si je pouvais lui débrouiller un contrat du même genre et en contrepartie, il mettrait sa chaîne à mon service. J’ai naturellement refusé, parce que je ne veux pas utiliser mes fonctions pour des affaires de ce genre, tout en lui précisant que si la MTV se lançait dans un projet, je ne m’y opposerais pas. Cette réponse ne convaincra pas mon père, m’a-t-il répondu. “ Je ne pourrais plus l’arrêter et la MTV mènera campagne contre vous. ” Depuis ce jour, cette chaîne boycotte les activités du ministère de l’Intérieur, même lorsqu’elles touchent directement les citoyens… » « Lorsque j’ai vu comment la chaîne couvrait les activités de Nassib Lahoud, Dory Chamoun et Michel Aoun, poursuit le ministre, j’ai compris que mon oncle préparait le terrain à un coup fumeux. Je me souviens pourtant d’un incident qui s’est produit en 1990, dans le salon paternel, en présence de témoins. Mon père était alors ministre de la Défense et mon oncle lui demandait d’enlever le général Aoun qui se trouvait à l’ambassade de France pour le pendre, car il avait bombardé la MTV. J’avais vivement protesté et voilà qu’aujourd’hui, le même Gabriel Murr se rapproche du général. Même chose avec cheikh Amine Gemayel, dont il avait dit pis que pendre en 1972, alors qu’il tenait le bureau électoral de mon père et qu’il avait découvert que cheikh Amine avait passé un accord secret avec Albert Moukheiber. Mais mon oncle est coutumier de ces volte face. Mon père l’a trop gâté et, lui a nourri à son égard de la jalousie et de la rancœur, tout en ne songeant qu’au profit matériel. D’ailleurs, la semaine dernière, j’ai reçu un émissaire qui m’a fait la proposition suivante : “ Gabriel serait prêt à se retirer de la course si on lui donnait de l’argent ”. J’avoue avoir considéré la question, puis je me suis dit qu’il n’y avait aucune garantie et il pourrait recommencer le mois prochain… » N’aurait-il pas été plus simple d’appuyer sa candidature ? « C’est lui qui a axé sa campagne contre nous et il s’est présenté sans nous consulter. Si mes grands-parents étaient encore vivants, il n’aurait jamais osé le faire. De toute façon, nous ne voulions pas avoir deux sièges pour la famille au Metn. Et la candidature de ma sœur nous a été imposée ». Pour le ministre, ce n’est pas une opposition qu’il a en face de lui, mais une dictature, qui utilise un média orienté pour l’insulter, lui et sa famille. Il interrompt soudain son discours parce qu’il vient de recevoir un coup de fil lui annonçant qu’il y a des éléments des FSI autour de la MTV. Le ministre contacte immédiatement le chef de la police de Beyrouth, le brigadier Walid Koleilat, et veut savoir ce qui se passe. Les FSI ont en fait reçu un télégramme annonçant une manifestation autour du siège de la chaîne et ils ont envoyé des agents, dans une mesure de pure routine, pour éviter les dérapages. « Retirez-les, dit fermement le ministre. Je ne veux pas qu’on exploite ce genre de mesure. » De cette campagne, Élias Murr dresse un constat terrible : « Nous sommes blessés et dégoûtés, le rassemblement de Kornet Chehwane est dans la tourmente et, pour couronner le tout, Georges Haoui, dont l’histoire au Metn est inscrite dans le sang et la rancœur, installe 50 personnes non originaires de la région, prêtes à créer des problèmes. Je tiens d’ailleurs à l’avertir, au moindre incident, je n’hésiterai pas à l’arrêter et à le déférer devant le parquet. Je possède d’ailleurs des informations selon lesquelles Haoui et son beau-fils Rafi Madayan s’apprêteraient à rééditer le passé de guerre et de haine et les mauvais coups. Je ne les laisserai pas faire ». Murr rappelle qu’il a senti une réelle tristesse chez le patriarche Sfeir, chez Mgr Audeh et chez Mgr Béchara à cause de ce qui se passe. « Tous auraient préféré un consensus autour de Ghassan Moukheiber. Mais l’autre camp n’a rien voulu entendre et les gens sont aujourd’hui si écœurés qu’ils bouderont, pour la plupart, les bureaux de vote. » Selon Élias Murr, lundi, quand tout sera fini, chaque Metniote devra se demander qui est responsable de cette situation. « Car, quel que soit le vainqueur, tout le Metn sera perdant, à cause de ce climat de haine et de mesquinerie. » Scarlett HADDAD
Jamais campagne électorale n’a été aussi écœurante et n’a donné lieu à un tel déballage familial et politique. « Si je suis moi-même tellement dégoûté, que doivent ressentir les habitants du Metn ? », s’écrie Élias Murr. En un sens, dit-il, toute cette saleté a un aspect positif, puisqu’elle lui a permis de dépasser le stade de la révolte, le poussant à se...