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Actualités - CHRONOLOGIE

Siniora devra présenter un relevé mensuel du compte spécial sur la dette(photo)

«Je sens toujours cette odeur nauséabonde des Services. » Bassem el-Sabeh a pris la parole en premier, au tout début de la séance matinale. Pour s’attaquer, une nouvelle fois, « à ce pouvoir qui vise, régulièrement, les libertés politiques, démocratiques et médiatiques, et qui abuse de cette mentalité contre laquelle le Parlement s’est opposé ». Le député haririen de Baabda faisait évidemment allusion à la décision du procureur général Adnane Addoum d’entamer une procédure judiciaire contre la chaîne de télévision de Gabriel Murr. « Je suis opposé à ceux qui gèrent la MTV, mais il est de mon devoir de m’opposer à ceux qui foulent aux pieds la liberté de parole. Et nous ne pouvons pas cautionner cela dans un hémicycle présidé par Nabih Berry », lance-t-il à ce dernier, provoquant les applaudissements de ses collègues ainsi qu’un grand éclat de rire du chef du Parlement. Qui lui avait, quelques secondes plus tôt, reproché d’être hors sujet, puisqu’il s’agissait de débattre du décret 3220, relatif au renvoi au Parlement du projet de loi concernant la nomination des juges. « Au contraire, cette affaire est intrinsèquement liée au système judiciaire », s’insurge Bassem el-Sabeh. Quoi qu’il en soit, l’ancien n° 2 de l’État Hussein Husseini, toujours fidèle à son obsession – celle d’une justice « d’avenir, une justice indépendante » –, enchaîne, martelant son opposition à cette loi, « qu’elle ait été renvoyée ou pas par le chef de l’État, elle porte atteinte à l’indépendance de la justice ». Appuyé en cela par l’ancien Premier ministre Omar Karamé. Concrètement, la loi stipule qu’il est possible, au cours des quatre ans qui suivent, de nommer des juges civils et administratifs après l’organisation de concours oraux et écrits auxquels participeraient des avocats en exercice depuis dix ans. Et qui seraient âgés, au maximum, de 47 ans. Antoine Ghanem rappelle qu’il est contre le principe des nominations de magistrats hors cadre, « mais étant donné que l’Institut d’études juridiques diplôme 50 ou 60 personnes par an, et qu’il nous manque plus de 200 juges, nous avons accepté cette loi pour que les citoyens puissent en finir avec leurs problèmes ». Mikhaïl Daher, à qui Rafic Hariri est venu parler à l’oreille, estime que cette loi est « notre dernière chance ». Alors que pour Boutros Harb, l’important est que le gouvernement se conforme aux décisions prises par le CSM. C’est Nicolas Fattouche qui provoquera un mini-scandale dans l’hémicycle, en déclarant que « nous sommes soumis à la loi du parquet. Le procureur général Adnane Addoum a signé les résultats des concours de l’Institut des études juridiques, et la totalité des candidats reçus sont des enfants de juges. Les avocats dotés de magistères et de doctorats ont échoué. Il serait inadmissible qu’il y ait une quelconque hérédité à ce niveau-là, et je demande une enquête », supplie-t-il à l’adresse de M. Berry. « L’histoire ne pardonne pas », assène-t-il. Nabih Berry réagira avec beaucoup de véhémence un peu plus tard, affirmant que les juges libanais étaient « les meilleurs au monde » mais que, comme partout, il y en a que l’on peut critiquer. Il a également demandé au ministre de la Justice d’enquêter sur les révélations du député de Zahlé. Bref, Hussein Husseini demandera le renvoi du projet – il ne sera pas écouté : la loi est votée à 74 voix pour et deux contre. Hussein Husseini, justement, et Boutros Harb. Le lyrisme d’Ali Ammar C’était ensuite le tour du projet de loi visant à l’amendement de l’article 21 de la Constitution, celui relatif à l’abaissement de l’âge électoral à 18 ans. Pour un amendement constitutionnel, la présence des deux tiers de la Chambre est requise, soit 86 députés, il n’y en avait plus que 72 à ce moment-là. Nicolas Fattouche rappelle que ce projet revient, chaque année ou presque, sur le tapis. Ce en quoi il a raison – d’ailleurs, c’est à chaque fois la présidence du Conseil et celle de la Chambre qui font en sorte qu’il soit renvoyé aux calendes grecques. Il ajoute qu’il faudrait, ou l’adopter une fois pour toutes, ou ne plus en parler. Des députés de tous bords rappellent ensuite leur attachement à ce projet de loi. Nabih Berry sinquiète du quorum, et Hussein Husseini intervient alors. Priant la présidence de la Chambre d’assumer ses responsabilités et de reporter le débat si le quorum vient à manquer. « Il faut un consensus. » Boutros Harb acquiesce et évoque des sondages parus la veille dans la presse, avec des chiffres à l’appui sur le pourcentage de chrétiens et de musulmans si ce projet était adopté (72 % d’électeurs musulmans et 27 % de chrétiens selon le sondage publié par as-Safir). Il parle de dissensions confessionnelles, de crispations, rappelant qu’il est un des signataires du projet. Nabih Berry approuve le report, Rafic Hariri s’en mêle, donne raison à cheikh Boutros et martèle qu’il tient à rappeler « à tous les Libanais que le document d’entente nationale n’était pas basé sur des statistiques, mais sur le principe de coexistence. Ce pays est celui de tous les Libanais, les pouvoirs sont divisés équitablement entre les Libanais ». Omar Karamé sait « qui possède la majorité » et appelle à une séance très bientôt pour débattre de ce sujet. Nabih Berry se dépêche alors de remettre les pendules à l’heure : « Lorsque la présidence se rend compte qu’un sujet donné provoque presque une division ou une cassure, elle préfère un million de fois reporter ce sujet », soutient-il en abondant dans le sens de Boutros Harb et de Hussein Husseini. C’est le moment que choisit le député hezbollahi de Beyrouth Ali Ammar pour bondir de son siège et déclarer, le plus sereinement possible : « Ce sujet est tout sauf secondaire, c’est un sujet stratégique, lié au destin et à la dignité de toute la nation. Cette jeunesse représente les deux tiers, voire les trois quarts du pays, et pour des sujets bien moins importants, le Parlement se mobilise comme un seul homme. Alors que pour une loi liée au destin des deux tiers d’une nation, on réveille les appréhensions et les peurs ». « Je comprends ce qui a motivé votre report », insinue-t-il ensuite à l’adresse de Nabih Berry. Qui lui rétorque qu’il ne comprend rien du tout, que c’est juste un défaut de quorum, qu’il aurait dû renvoyer ce projet mais qu’il l’ajourne, « à la demande de deux de ses signataires ». Ali Ammar se déchaîne alors : « Même s’il y avait quorum, on aurait fait en sorte de l’effriter. » Provoquant un tollé dans les rangs du bloc Joumblatt et des députés kesrouanais. « Je respecte tout le monde, mais lorsque viendra le moment de la loi sur le cellulaire, tout le Parlement sera là pour signer, à l’aveugle, le projet d’anéantissement de la Chambre », poursuit le député hezbollahi, très mauvais voyant. Il s’attire une réplique très sèche de Nabih Berry. « C’est ton avis, mais tes mots sont déplacés, respecte le Parlement », lui assène-t-il. Résultat, résumé : le projet est reporté jusqu’à nouvel ordre. Siniora, seul responsable Troisième sujet à être ardument débattu : le projet de loi relatif à la création d’un compte spécial pour la gestion de la dette. Nicolas Fattouche demande d’emblée son renvoi en commissions, étant donné les deux versions contradictoires publiées par la commission des Finances et celle de l’Administration. Le député Sélim Saadé prend la parole et se lance dans une diatribe incendiaire contre la politique économique du gouvernement, affirmant que ce projet allait « augmenter l’endettement et le faciliter », qu’il allait « être utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été conçu. On parle de restructuration de la dette, mais il n’y a même pas de structure », conclut-il. Rafic Hariri lui répond sur-le-champ, se répétant plusieurs fois sur le même thème : « Ce n’est pas parce que nous avons commencé à payer que le gouvernement n’est pas capable de contracter des prêts. Cette loi est un outil parmi d’autres qui sert à réduire le service de la dette et non pas à faciliter l’endettement », martèle-t-il après avoir donné en exemple l’Allemagne, les USA ou le Japon. Précisant que les recettes ont augmenté, les dépenses diminué et que le gouvernement insiste sur la stabilité du taux de change de la livre libanaise, et que « cette politique ne changera pas ». Même son de cloche en fin de débat pour le ministre des Finances, alors que Hussein Husseini insiste sur le fait que le projet est anticonstitutionnel et qu’il faudrait « créer une caisse indépendante pour le service de la dette publique ». Le député de Tripoli Mohammed Safadi enchaîne avec presque autant de véhémence que Sélim Saadé, assurant qu’il ne savait absolument pas à quoi ont servi les trente milliards de la dette, et accusant Fouad Siniora de répondre, à chaque question qui lui est posée, par les même trois mots : « Je ne sais pas ». Et mettant l’accent sur le fait que le gouvernement « sait très bien quel plan il a en tête pour éponger la dette », mais « qu’il refuse que quiconque soit mis au courant de ce plan. ». Ce credo, somme toute souvent entendu dans la bouche du camp lahoudien, du « nous ne sommes mis au courant de rien », un grand nombre de députés le reprendra à son compte : Farès Boueiz, Robert Ghanem qui craint que ce compte ne relève pas de l’État ou de la Banque du Liban, Boutros Harb qui répète que le gouvernement est sans plan et ne dévoile pas ses buts – pour le projet de loi sur le cellulaire, il parlera de « complicité de crime » –, Assem Kanso qui affirme sérieusement que l’on peut éponger la dette publique par l’eau, le pétrole et le gaz libanais, ou Misbah Ahdab qui répond à Rafic Hariri en lui exposant cette alternative à laquelle le Premier ministre a souvent appelé : « L’alternative, c’est l’application de la déclaration ministérielle : revoir l’administration, cesser le gaspillage et les dissensions politiques pour redonner confiance à l’investisseur ». Fouad Siniora intervient ensuite, répondant notamment à Hussein Husseini qui lui avait asséné qu’il « valait mieux en pleurer qu’en rire » comme il le faisait, que pleurer ne sert à rien, et que l’heure était au travail en commun. Même Issam Farès applaudit. Le ministre des Finances parle ensuite de campagnes de démoralisation. « De la part de qui ? », s’insurge Hussein Husseini. « C’est entre eux, ça ne nous regarde pas », ironise Nabih Berry en allusion aux soubresauts d’un Exécutif bipolaire. Le grand argentier du gouvernement Hariri s’emploie ensuite à dissiper les craintes autour de l’article 5 du projet de loi. C’est ensuite le moment du vote. Avec un Nabih Berry toujours aussi déterminé à passer outre les récriminations « dans le cadre du règlement » de plusieurs élus. Nicolas Fattouche décide alors de se retirer de l’hémicycle. « Tu provoques un défaut de quorum », lui décroche le président de la Chambre. « C’est un moyen de s’exprimer », lui répond, placide, le député de Zahlé. « C’est ton droit », dit Nabih Berry, obligé alors de lever la séance – et le vote – jusqu’à 18 heures. Le projet sera voté en soirée – un vote nominal : neuf non et six abstentions. Il sera amendé trois fois. L’amendement le plus important stipule que le ministre des Finances sera seul responsable de ce compte, et qu’il est « tenu » de présenter au Conseil des ministres et au Parlement des relevés de compte mensuels. Hussein Husseini ayant rappelé à Nabih Berry que les députés avaient inclus cette clause dans chaque projet de loi à caractère financier, en lui demandant s’il avait jamais reçu quoi que ce soit. « Non », répond le n° 2 de l’État sans hésiter. « Mais vous ne les avez jamais demandés », s’étrangle Fouad Siniora. Nabih Berry le réduit alors au silence : « Ce n’est pas à nous de le faire. » Ziyad MAKHOUL
«Je sens toujours cette odeur nauséabonde des Services. » Bassem el-Sabeh a pris la parole en premier, au tout début de la séance matinale. Pour s’attaquer, une nouvelle fois, « à ce pouvoir qui vise, régulièrement, les libertés politiques, démocratiques et médiatiques, et qui abuse de cette mentalité contre laquelle le Parlement s’est opposé ». Le député haririen...