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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le PDG d’« an-Nahar » se retire de la course Gebrane Tuéni : La partielle du Metn est malheureusement une bataille de haine et de rancœur(photo)

Gebrane Tuéni est fatigué et dégoûté. Opposant de la première heure, lorsque peu de personnes osaient évoquer la présence syrienne au Liban, le PDG d’an-Nahar est resté fidèle à ses principes, même si cela lui a coûté parfois assez cher. Et s’il est entré à Kornet Chehwane, c’est parce qu’il avait enfin cru à la formation d’un groupe d’opposition décidé à agir de manière harmonieuse. Hélas, il vient de découvrir que « ses alliés » préfèrent agir seuls, en utilisant les mêmes méthodes, dit-il, que les loyalistes. Il a voulu que Kornet Chehwane participe à l’élection partielle du Metn avec un seul candidat. Il doit désormais renoncer à son projet et il annoncera le retrait de sa candidature dans les deux prochains jours, après avoir, par éthique, contacté le patriarche maronite, Mgr Audeh et Mgr Béchara. La mission de médiation de Dory Chamoun ayant échoué, Gebrane Tuéni a décidé de retirer sa candidature, mais « je vais d’abord contacter le patriarche Sfeir, Mgr Audeh et Mgr Béchara, par éthique. Je ne rencontrerai pas Dory Chamoun parce qu’il est lui-même devenu partie. Lors de notre entretien, qui a eu lieu à ma demande, il a essayé de me convaincre de me retirer en faveur de Gabriel Murr. Il en a fait de même avec Ghassan Moukheiber ». C’était impossible? « Oui, car la candidature de Gabriel Murr est contre les normes et les alliances politiques. Nous faisons partie de Kornet Chehwane et les Moukheiber sont nos alliés. Or Nassib Lahoud et Amine Gemayel ont pris seuls la décision, sans nous consulter, nous les membres du rassemblement et encore moins nos alliés. Ils ont voulu mettre la main sur le Metn et couper la voie au courant Moukheiber, pour régler de vieux comptes qui remontent aux élections de 2000. Car, lorsque Gabriel Murr s’est présenté, il n’y avait pas encore de candidat loyaliste. Ce n’était donc pas une bataille entre loyalistes et opposants, mais contre ce courant. Certes, je ne considère pas que les sièges parlementaires sont héréditaires, mais le courant Moukheiber existe depuis longtemps au Metn et je ne vois pas pourquoi il faut le combattre, alors qu’il partage nos valeurs ». Comment se présente-t-il comme un candidat de compromis au sein de l’opposition, alors qu’Élias Murr avait proposé sa candidature ? « Le ministre Murr avait déclaré qu’il ne mènerait pas de bataille si Ghassan ou moi étions candidats, bien que nous soyons des opposants. Je ne suis certainement pas un candidat loyaliste, ou un loyaliste tout court. Je suis un opposant et mon plafond est plus élevé que celui de Gemayel et Lahoud et même que celui du général Aoun. C’est peut-être pour cela qu’ils ne m’ont pas appuyé. Je me suis présenté en tant que candidat de compromis, car je considère de mon devoir d’unifier l’opposition. Mgr Béchara m’a conseillé d’agir, d’autant que Ghassan Moukheiber lui avait dit qu’il se retirerait s’il y avait un candidat unique de l’opposition. Avec l’évêque, Ghassan et Carlos Eddé, nous avons essayé de parvenir à un accord. Mais les autres ont fermé toutes les portes ». Pourquoi? « Ils veulent mener la bataille pour leur propre compte, en utilisant le différend personnel entre Gabriel Murr et son frère. Gabriel Murr a lui-même déclaré avoir rompu avec son frère en 1996, comme s’il découvrait brusquement sa politique, la même depuis des années ». Gebrane Tuéni pouvait-il être un candidat de l’opposition avec l’appui des loyalistes ? « Sur quoi se base-t-on pour dire que je ne suis pas opposant ? Sur mes éditoriaux qui évoquent tout haut ce que beaucoup d’opposants n’osent pas penser ? Qui est plus opposant, le député nommé en 1991, ou moi, contraint à l’exil pendant trois ans ? Celui qui a mené toutes les batailles électorales ou celui qui a boycotté lorsque toute l’opposition le faisait? Ceux qui participent à toutes les manifestations propalestiniennes ou celui qui considère que les Palestiniens sont à l’origine de la guerre du Liban ? Ceux qui s’allient à Georges Haoui qui a déclaré dans une interview à la chaîne al-Jazira qu’il s’en voulait de ne pas avoir tué personnellement Bachir Gemayel ? Ou encore le général Aoun qui s’allie aujourd’hui à ceux qu’il a lui-même qualifiés d’acteurs sous le plafond de Taëf et des Syriens ? Qu’on ne fasse donc pas de surenchère sur l’opposition. Ceux qui critiquent le courant Moukheiber devraient s’incliner devant Albert qui a demandé, dans l’enceinte du Parlement, le retrait des forces syriennes occupantes et l’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, alors que ni Nassib Lahoud ni Pierre Gemayel ou Farès Soueid n’ont osé se manifester ». Nassib Lahoud lui reproche d’avoir appuyé la candidature de Moukheiber, devenant ainsi une partie... «J’ai appuyé la candidature de Ghassan Moukheiber, parce que mon éthique personnelle m’interdit de porter des coups dans le dos. Ce n’est apparemment pas le cas des autres. Nous ne devons pas appartenir à la même école ». Si tout le monde s’était retiré en sa faveur, l’opposition aurait gagné sans mener de bataille. « Où est le problème si l’opposition gagne un siège parce que les autres ne veulent pas mener de bataille ? D’ailleurs, au départ, les loyalistes n’avaient pas de candidat. Myrna Murr ne s’est présentée que 20 jours après son oncle, en réaction à sa candidature. Pourquoi, avant de penser à Gabriel Murr, n’ont-ils pas songé à Ghassan ? Ils voulaient Gabriel pour couper le chemin au courant Moukheiber ». Nassib Lahoud a déclaré avoir opté pour Gabriel Murr parce qu’il est le candidat le plus fort de l’opposition ? « C’est son avis. Ce que je sais c’est qu’ils auraient dû nous consulter avant de prendre leur décision. Il faut respecter les règles de la vie politique. Sinon, à quoi sert Kornet Chehwane ? De plus, la mort d’Albert Moukheiber n’a pas été subite. Pourquoi n’ont-ils pas abordé le sujet avec Ghassan ? À mon avis, le plus important était de préserver l’unité de l’opposition ». Lui-même les a-t-il consultés avant de présenter sa candidature ? « Lorsque Mgr Béchara m’a conseillé de me présenter, je les ai appelés pour les en informer ». Selon Gebrane Tuéni, ce qui se passe actuellement est une catastrophe, Kornet Chehwane, l’opposition et l’opinion publique sont perdues et perturbées. « Mais heureusement que cela se passe maintenant et non en 2005. Si, à chaque échéance électorale, nous ne pouvons pas nous entendre sur un candidat, c’est terrible. Cette façon d’agir est inacceptable. Nous critiquons l’arrogance et la maladie du moi chez la classe loyaliste et nous agissons de la même façon. Les gens ne sont pas des moutons de Panurge. Ils savent ce qui se passe... » Compte-t-il se retirer de Kornet Chehwane ? « Non, mais j’estime qu’après cette élection, il faudra y remettre de l’ordre. Nous devrons redéfinir nos relations et les bases de notre alliance. J’ai découvert que, malheureusement, la classe politique actuelle a les mêmes manières, c’est-à-dire pas de manières, qu’elle soit loyaliste ou opposante. La transparence et la pureté n’existent pas et les idéaux sont mis au placard. “ La politique du moi ” l’emporte sur celle du groupe et le double langage est une pratique commune. La seule solution, c’est de forger une opposition à partir des jeunes, non dans la classe existante. Je suis convaincu qu’on ne peut bâtir un avenir plein de promesses, avec de la rancœur et de la haine. Or, c’est ainsi que se présente la bataille du Metn, que j’ai essayée de sortir de ce cadre. En vain. Aujourd’hui, le pays a plus que jamais besoin, pour se libérer de la situation imposée par un État soumis et incompétent et une opposition neutralisée par le jeu des egos, d’un nouveau souffle. Celui-ci ne peut venir que par un sursaut des jeunes, destiné à former de nouveaux mouvements, partis politiques, rassemblements etc, à raviver les idéaux et à rendre leur noblesse aux batailles ». Scarlett HADDAD
Gebrane Tuéni est fatigué et dégoûté. Opposant de la première heure, lorsque peu de personnes osaient évoquer la présence syrienne au Liban, le PDG d’an-Nahar est resté fidèle à ses principes, même si cela lui a coûté parfois assez cher. Et s’il est entré à Kornet Chehwane, c’est parce qu’il avait enfin cru à la formation d’un groupe d’opposition décidé...