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Actualités - CHRONOLOGIE

VIENT DE PARAÎTRE - « Le Liban et le monde, entre le rôle et la nécessité » aux éditions an-Nahar Daoud Sayegh : On ne bâtit pas un pays avec des slogans ou avec des peurs…(photo)

Daoud Sayegh est un équilibriste. Un orfèvre de la politique. Et du grand écart. Une gymnastique qu’il pratique au quotidien entre Koraytem et Bkerké. Dans l’ombre, parce que c’est dans ces zones-là que les conseillers politiques sont le plus efficaces. Rafic Hariri, lorsqu’il est serein, appelle cet homme, qui a toute sa confiance, « l’archevêque ». Au Saint-Siège, on le tutoierait presque. Dans tous les cas, on l’estime, on l’apprécie à sa valeur juste. Daoud Sayegh est grec-catholique. Aucune relation de cause à effet. Juste cet adage, venu l’on ne sait d’où, et qu’il aime à répéter, avec un sourire en coin : « Le grec-catholique trouve la solution ». Au Liban, pour l’instant, il n’y a que des problèmes, si peu de solutions. Et pour les trouver, Daoud Sayegh les cherche, évidemment. En essayant de comprendre. De disséquer le Liban et le monde – le Liban dans son être-au-monde. La manière dont ce pays est regardé et/ou vu par quelques grands pôles de la planète. Pour comprendre, il explique : Le Liban et le monde, entre le rôle et la nécessité vient ainsi d’être publié aux éditions an-Nahar. Hier, le conseiller politique du Premier ministre a cédé avec plaisir à la rituelle signature de son dernier livre. Quelques jours plus tôt, il répondait aux questions de L’Orient-Le Jour. En gourmet. On nous cache tout, on ne nous dit rien ? Daoud Sayegh a décidé de dire. En traquant le Liban dans les yeux du monde. En s’attachant à ces désormais fameuses relations bilatérales. En six chapitres : l’influence étrangère au Liban, le Liban et la France, le Liban et les États-Unis, le Liban et le Saint-Siège, le Liban et le monde arabe, le Liban et les résolutions internationales ou arabes. Est-ce que tout est dit ? La vérité, toute la vérité, rien que la vérité ? Oui, si l’on sait lire entre les lignes. « (…) Les Turcs n’osent jamais pénétrer dans le Liban, quand ces peuples sont en paix entre eux ; les pachas d’Acre et de Damas n’y sont jamais venus que lorsque des discussions intestines les appelaient au secours de l’un ou de l’autre parti… » Lamartine a certes écrit beaucoup d’âneries. Sauf qu’en le citant en exergue de son premier chapitre sur l’influence étrangère, Daoud Sayegh rend non seulement hommage à ce qui sauve l’homme du lac – son intuition –, mais met, en deux mots comme en cent, le doigt là où ça fait mal : un peuple qui se laisse noyer. Et en se demandant si cette influence-là est la concrétisation sur le terrain d’un fatum, d’un intouchable destin, ou bien uniquement un événement conjoncturel, il réussit à recentrer la problématique par une audacieuse et évidente juxtaposition des identités. Des responsabilités, donc. Pour lui, le destin des nations ressemble, dans une certaine mesure, au destin des individus. Mais en résumé, en conclusion, Daoud Sayegh a la foi en la seule solution capable de renverser la vapeur : « Les Libanais qui sont le Liban construisent avec réussite et confiance le Liban d’aujourd’hui et de demain. » Gamal Abdel Nasser. Charles de Gaulle. Hafez el-Assad. Le premier, dit Daoud Sayegh, n’aurait pas permis la guerre, lui qui, au moment de l’unité égypto-syrienne, avait demandé qu’on laisse le Liban en dehors de tout cela. Le second, l’immense général, « s’il avait été là, n’aurait jamais laissé le Liban à l’abandon ». Le troisième enfin, qui a passé cinq ans sans s’occuper du Liban et qui, pendant vingt-cinq ans, a eu le Liban au centre de ses préoccupations. Pourquoi ces trois hommes ? Parce que la mort des deux premiers et l’arrivée au pouvoir du troisième ont toutes trois eu lieu la même année : en 1970. Et c’est autour de cette année-là que Daoud Sayegh – il est le seul à l’avoir fait – a tissé la toile de son analyse. Et arrive à ce constat, fort comme une évidence : « On peut vivre sans influence extérieure. Et le Liban est la patrie définitive pour tous ses habitants. » Tout est question de maturité. Les relations avec le Vatican C’est sans aucun doute le chapitre consacré aux relations libano-vaticanes qui est le plus fourni. Impressionnant de détails. Daoud Sayegh est là comme un poisson dans l’eau. Il raconte les garanties exigées par Pie XII, les tentatives de Paul VI avec Jimmy Carter, pour qu’une force internationale se déploie sur toute la frontière libanaise. L’année 1986 et les tensions vaticano-américaines à cause de l’opposition sur le Liban. Et ce projet du Saint-Siège, la même année, pour régler la crise libanaise. Jusqu’à ce désormais indélébile « Liban-message » de Jean-Paul II. Deux mots que Daoud Sayegh a indubitablement faits siens. Le chapitre sur les relations entre Beyrouth et Washington. Toutes ces crises nées au cours de mandats républicains. Et cette tendance, kissingérienne en diable, de toujours préférer limiter le feu plutôt que de l’éteindre. Les relations avec les Arabes. « Oui, maintenant, ils nous aiment de nouveau », répond Daoud Sayegh. Qui prend un drôle de plaisir à rappeler une phrase terriblement wahhabienne : « Si le Liban n’existait pas, il aurait fallu l’inventer. » Et à affirmer, pieusement, que les chrétiens du Liban acceptent aujourd’hui de dire qu’ils sont arabes. Qu’il « n’y a plus confusion ». Un chapitre sur les résolutions arabes et internationales depuis 1967, « dont la 520 ». Et enfin, cet historique indispensable et presque exhaustif des relations franco-libanaises. Passées et présentes. Une chose, plus que toute autre, pour sinon lire et relire, du moins parcourir le dernier Daoud Sayegh. Sa réponse à cette question somme toute bien banale, finalement bien nécessaire. Pourquoi avoir voulu écrire ce livre ? « Pour témoigner du pays. Parce que j’ai foi en ce pays. Parce que ce n’est pas avec des slogans que l’on bâtit un pays. Parce que ce n’est pas avec des appréhensions et des peurs que l’on bâtit un pays. » Daoud Sayegh est définitivement un homme-équilibriste. Et l’on peut espérer qu’un jour ce faiseur dans l’ombre réussisse à faire l’indispensable trait d’union entre Koraytem et… Baabda. Ziyad MAKHOUL
Daoud Sayegh est un équilibriste. Un orfèvre de la politique. Et du grand écart. Une gymnastique qu’il pratique au quotidien entre Koraytem et Bkerké. Dans l’ombre, parce que c’est dans ces zones-là que les conseillers politiques sont le plus efficaces. Rafic Hariri, lorsqu’il est serein, appelle cet homme, qui a toute sa confiance, « l’archevêque ». Au Saint-Siège,...