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Actualités - OPINION

OPPOSITION - Une visite qui coïncide avec une troublante actualité Khaddam, un retour aux jours anciens ?

La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Ce n’est pas avec attendrissement qu’on accueille à l’Est le come-back à Moukhtara, vingt et un ans après, du numéro deux syrien, M. Abdel Halim Khaddam. Une ingratitude opposante qui se fonde, on peut difficilement en douter, sur une coïncidence qui est ce qu’elle est. C’est-à-dire un de ces tours malicieux dont le hasard, cet anti-dieu, est friand. En effet, le rendez-vous avec M. Walid Joumblatt, programmé de longue date, est tombé le jour même où le Liban croyait revivre les affres des jours noirs. Mais toute psychose, tout amalgame mis de côté, on ne peut oublier que les temps ont changé. La carte, les cartes, les donnes et les données aussi. La réapparition de M. Khaddam en cette conjoncture régionale précise – qu’il n’a d’ailleurs pas manqué de mentionner expressément – prend par elle-même valeur de message. Ou plutôt, comme il l’a du reste fait explicitement, de réponse à Sharon. Et par-dessus l’épaule de ce dernier, aux Américains. Non, semble dire en substance l’ancien pilier du régime du regretté Hafez el-Assad, la Syrie ne s’est pas ramollie. Pas plus que du temps du sphinx, elle ne cédera à la pression, au chantage, aux menaces. Elle rejette, bien évidemment, les exigences de Sharon. D’autant plus facilement, d’ailleurs, qu’il a placé la barre très haut, sans doute exprès. Si haut même qu’à la limite cela peut paraître grotesque : retrait syrien du Liban, neutralisation du Hezbollah, déploiement de l’armée libanaise à la frontière Sud, expulsion des organisations palestiniennes basées à Damas, éviction des Pasdarans iraniens présents dans la Békaa, etc. On en passe et des meilleures. Tout cela devant être accompli dans les meilleurs délais, pour une reprise des négociations rapprochée sur le Golan. Bref, des conditions inventées pour être automatiquement rejetées. Et permettre à Israël d’imputer à la Syrie la faute du blocage, aux yeux des Américains. Qui ne sont sûrement pas dupes mais se trouvent prisonniers, surtout maintenant, de leur alliance avec l’État hébreu. Pour tout dire, c’est à partir du Liban que Damas a réagi, rappelant de la sorte le jumelage, sous sa supervision, des deux volets. – Cependant, la démarche de M. Khaddam a également, ou surtout si l’on en croit l’Est, une portée purement locale. Cela bien que le vice-président syrien se fût défendu d’être dépositaire du dossier libanais, en affirmant que ce gros in folio n’existe qu’au Liban même. Sans expliquer le pourquoi, dans ce cas, de la solennité donnée à son irruption montagneuse. Qui, vue sous l’angle de la dernière crise politique, constitue une sanction implicite des tendances querelleuses des dirigeants du cru. C’est en effet la toute première fois qu’un officiel syrien d’aussi haut rang se pointe dans ce pays sans effectuer un petit crochet protocolaire par Baabda ou par le Sérail. Le signal est encore plus marqué du fait qu’il émane de M. Khaddam qui a si longtemps été (et le redevient peut-être) l’officier traitant des turpitudes libanaises. Autre geste remarqué : de Moukhtara, M. Khaddam a bien voulu appeler au téléphone (mobile !) le président de la Chambre, M. Nabih Berry, et son bon ami de toujours, M. Rafic Hariri. Sur le plan des faits, l’éclat de l’accueil réservé par M. Joumblatt à M. Khaddam, les déclarations du leader du PSP, montrent, disent les opposants, un retour à la normale de jadis. Du temps des dures épreuves vécues en commun par la Syrie et par Moukhtara. Période d’harmonie que M. Khaddam a saluée d’un large coup de chapeau, en rappelant la chute de l’accord du 17 mai. Et en invitant M. Joumblatt, ainsi du reste que tous les justes, à faire échec au nouvel accord du 17 mai en gestation du côté palestinien et arabe. Une allusion double aux concessions reprochées à Arafat et, plus sourdement, à l’initiative de main tendue saoudienne. Pour tout dire, les opposants de l’Est jugent en gros qu’on vient les priver du soutien joumblattiste au moment précis où ils partent en campagne contre le pouvoir, à cause de l’insécurité. Certaines personnalités ne se gênent pas dès lors pour rappeler le franc-parler brutal de M. Khaddam. Qui déclarait volontiers à la fin des années soixante-dix, notamment à la presse française, que le Liban n’était pas un État, qu’il n’en avait pas les ingrédients, que son existence était une erreur, qu’en réalité il fait partie historiquement de la Syrie, plus exactement de son littoral. Bien sûr, M. Khaddam a changé de discours par la suite. Surtout après la reconnaissance officielle du Liban il y a dix ans par le président Hafez el-Assad. Mais son retour sur la scène provoque inévitablement des réminiscences, indiquent les opposants de l’Est. Qui avouent cependant, pour conclure, qu’ils n’auraient pas eu la mémoire aussi tenace si les festivités de Moukhtara avaient inclus une invitation adressée à Kornet Chehwane. À quoi, à dire vrai, des sources informées répondent que M. Joumblatt avait sondé le groupe à ce propos, lors du dîner donné par le député Ghattas Khoury et auquel était notamment présent Mgr Youssef Bechara. Le leader progressiste, indiquent ces sources, n’avait reçu ni une réponse claire ni un quelconque encouragement pour arranger une rencontre avec M. Khaddam. Philippe ABI-AKL
La nostalgie n’est plus ce qu’elle était. Ce n’est pas avec attendrissement qu’on accueille à l’Est le come-back à Moukhtara, vingt et un ans après, du numéro deux syrien, M. Abdel Halim Khaddam. Une ingratitude opposante qui se fonde, on peut difficilement en douter, sur une coïncidence qui est ce qu’elle est. C’est-à-dire un de ces tours malicieux dont le hasard,...