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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Après trois jours en garde à vue, le milliardaire franco-libanais affiche une grande sérénité Anthony Tannoury se considère comme une victime de la guerre des juges en France(photo)

Dans sa maison musée, les téléphones ne cessent de sonner. Le portable, bien sûr, mais aussi le fixe, présenté solennellement sur un plateau par un majordome aux mains gantées de blanc. Anthony Tannoury vient de passer trois nuits en garde à vue, mais il n’en est visiblement pas très affecté. Juste un peu plus nerveux lorsque son interlocuteur ne saisit pas assez vite les dessous des affaires qu’on lui reproche ou qu’il se trompe sur les sommes manipulées, astronomiques, évidemment. L’écouter, c’est entrer dans un monde où l’argent se compte par millions de dollars et où les acteurs sont des princes, des Premiers ministres ou leurs familles et des individus louches qui gravitent autour d’eux. À l’entendre, il ne serait qu’une victime, trop riche, trop célèbre et ayant trop d’amitiés haut placées, les moins fidèles, a-t-il appris à ses dépens. Installé au Liban depuis 1998 et recherché par la justice française, Tannoury n’est nullement inquiet. « La guerre des petits juges français n’ébranlera pas la citadelle », se plaît-il à répéter, tout en se déclarant sûr de ne pas être extradé, puisqu’il est Libanais. Anthony Tannoury affirme avoir senti le vent souffler. « Il y a une vingtaine de jours, j’ai reçu un coup de fil curieux, dit-il. Mon interlocuteur s’est présenté comme l’ami d’un responsable au sein de la police et il m’a annoncé l’existence d’un mandat d’arrêt, en me laissant entendre qu’il pourrait faire quelque chose. Pour crédibiliser son annonce, il a prononcé le nom de Caprotti. » Malgré cela, Tannoury n’a pas donné suite à l’affaire. La semaine dernière, un ancien magistrat évoque l’existence d’un mandat d’arrêt français à son encontre pour organisation d’insolvabilité. Tannoury décide alors de se présenter devant le parquet. Il est reçu par le juge Anthony Issa el-Khoury, qui le défère devant les enquêteurs. Ceux-ci décident de le placer en garde à vue et le procureur général Adnane Addoum contacte les autorités françaises pour leur demander d’envoyer le dossier. Comme il s’agit du week-end de l’Ascension, ces dernières tardent à répondre et au bout de trois jours, conformément à la loi, Addoum le remet en liberté. En lui demandant toutefois de ne pas quitter le pays. Les Français n’ayant rien envoyé, Addoum leur accorde un délai de trois semaines. Mais Anthony Tannoury n’est nullement inquiet. « Je suis Libanais et aucun pays n’extrade ses citoyens. De plus, je suis innocent. Pourquoi organiserai-je mon insolvabilité? Je ne suis pas en faillite et je n’ai pas de dettes », lance-t-il. Mais s’il est innocent, pourquoi ne se présente-t-il pas devant la justice française ? Tannoury se lance alors dans de longues explications pour montrer que ses ennuis avec la justice française relèvent de la machination. D’abord, le fisc lui réclame 400 millions de dollars, une somme astronomique. Ensuite, il y a toutes les histoires annexes. Selon Anthony Tannoury, l’affaire Caprotti n’existe pas. Elle serait simplement un prétexte pour le procureur Éric de Montgolfier de régler ses comptes avec les juges et l’avocat Me Michel Cardix. Selon Tannoury, Alberto Caprotti lui a été présenté en 1995 par le frère du Premier ministre italien, Paolo Berlusconi. Il voulait faire des transactions pétrolières. mais celles-ci n’ont jamais abouti. Selon le mandat d’arrêt français, Caprotti lui réclamerait 2 millions 600 000 dollars qu’il lui aurait remis pour ces fameuses transactions. Mais Tannoury jure n’avoir reçu de l’Italien que 600 millions de lires italiennes et 410 000 dollars ainsi qu’un chèque de 210 000 dollars qui s’est avéré sans provision, le 30 octobre 1995, lorsqu’il lui a vendu son ancien avion. La vente a été conclue par acte notarié chez Me Fiori à Milan et Tannoury aurait remis une copie de l’acte au procureur Addoum. Quant à l’accusation selon laquelle il aurait remis une villa à Cap-d’Ail en gage de remboursement de dette à Caprotti alors que celle-ci ne lui appartient pas, Tannoury la rejette totalement. L’histoire de La Colombe Cette fameuse villa, dite La Colombe, a toute une histoire, dit-il. Elle a été construite par la princesse Aliata, avant d’être rachetée par le prince Rainier de Monaco à travers la société des Bains de mer. C’est à cette société que Tannoury l’a rachetée et il l’a occupée de 1979 à 1981. En 1981, il la vend à sa sœur Mme Bayoud. La transaction est légale, Tannoury n’ayant pas encore d’ennuis avec le fisc. En 1991, le fisc lui réclame 400 millions de dollars et l’État français lui intente un procès de simulation de biens. Le tribunal de Nice décide ainsi que la villa appartient à Anthony Tannoury. Mais, délestée de sa propriété, Mme Bayoud fait appel et gagne le procès contre l’État français. Elle a ensuite des ennuis financiers et la villa est vendue aux enchères publiques en 1996. Elle est rachetée par le groupe Robert Moawad, qui la met en vente pour réaliser un bénéfice immédiat d’un million de dollars. Tannoury souhaite la racheter. Avec Caprotti, il signe un protocole d’accord aux termes duquel ce dernier est censé lui remettre 2,5 millions de dollars du prix de la villa. Le protocole comprend une clause résolutoire qui stipule que si l’argent n’est pas remis à Me Cardix dans un délai de 15 jours, le protocole est caduc. Caprotti n’ayant pas remis la somme exigée, Tannoury ne se sent aucune obligation envers lui et s’écrie : « Comment aurais-je pu lui remettre en gage une villa mise aux enchères publiques ?» Une copie du protocole d’accord aurait été aussi remise au procureur Addoum. Selon Tannoury donc, l’affaire Caprotti n’existe pas et il n’a jamais été entendu à ce sujet par les juges, bien que Caprotti ait déposé une plainte contre lui, lui réclamant d’abord 7,8 millions de dollars, devenus plus tard 2,6 millions en 1996, alors qu’il se trouvait encore en France qu’il a quittée en octobre de la même année, pour passer 11 mois à New York avant de s’installer au Liban en février 1998. À Madagascar, une escroquerie portant sur 32 tonnes d’or Au sujet du détournement de l’aide humanitaire des Nations unies pour Madagascar, Tannoury est encore plus virulent. « Je n’ai jamais mis les pieds sur cette île et je n’ai pas accès aux fonds de l’Onu. Par contre, je connais bien la société Flamco du Liechtenstein. Son président est le prince Alexandre de Liechtenstein (la famille régnante) et il a deux associés : M. Morel (français) et M. Zuntag (autrichien). Les trois hommes m’ont été présentés par un ami, Jean-Claude Nicole, patron du quotidien La Suisse. Flamco voulait acheter 32 tonnes d’or à un groupe arabo-pakistanais consigné au Crédit suisse. J’étais le représentant officiel de ce groupe et un contrat a été signé entre Flamco et moi, au nom de la société Standard Metal. Un premier paiement de 3,225 millions de dollars a eu lieu à la signature. Une règle suisse veut qu’on ne puisse livrer plus de 2 000 kg d’or par mois. Nous devions donc commencer la livraison en mars 94, lorsque la banque du Liechtenstein serait prête à recevoir la marchandise, mais le 7 mars, Morel et Zuntag sont arrêtés. On découvre ainsi que Morel s’apelle en réalité Rudi Lep et qu’il est un repris de justice notoire en France où il a été condamné à 18 ans de prison. L’argent qui m’a été remis provient donc d’une escroquerie à Madagascar dans laquelle aurait été impliqué le prince du Liechtenstein. Je reçois alors une lettre recommandée du président malgache qui me demande d’être le tiers détenteur de l’argent ; le temps que la justice française puisse trancher sur l’affaire. Lep et Zuntag sont emprisonnés à Nice et en ce qui me concerne, j’ai rendu l’argent plus les intérêts à Me Rizzo, avocat de la République de Madagascar. Je possède d’ailleurs une lettre de remerciements du gouvernement malgache et on m’a même proposé une décoration. » Et la bombe atomique qu’il aurait essayé de vendre à la Libye ? « C’est une histoire ridicule, montée par le propriétaire d’une revue qui voulait lancer son média. Comment peut-on croire que l’on peut acheter des bombes atomiques comme cela sur le marché ? C’est vrai qu’en 1980, l’État libyen m’a demandé d’acheter pour son compte une certaine marchandise, à un gouvernement européen. Je ne peux pas en préciser la nature, le secret appartient à la Libye. Le gouvernement européen était d’accord, mais il a demandé que le contrat se fasse avec le Venezuela. Trois conteneurs ont ainsi transité par Papeete et sont arrivés à Genève. Les conteneurs ont traversé trois douanes : suisse, française et française d’outremer. L’affaire n’a pas abouti car le propriétaire de la revue a dévoilé la transaction, en parlant de bombe atomique. Mais si c’était une transaction contraire à l’ordre public, le président Chirac ne m’aurait pas donné la nationalité française pour services rendus à la France le 3 janvier 1988. » Tannoury nie aussi pêle-mêle l’affaire du faux Matisse, la vente d’armes au Paraguay et à l’Argentine. Pour lui, ce ne sont que des rumeurs qui ne visent qu’à le discréditer. Mais l’enjeu véritable serait, selon lui, un règlement de comptes entre le procureur Éric de Montgolfier, les juges (notamment le doyen des juges d’instruction de Nice, Jean-Paul Renard) et les avocats (Me Cardix, notamment). Une affaire qui défraie depuis des mois les chroniques françaises. Et maintenant? Tannoury affiche un grand calme. « Le dossier est entre les mains de mes avocats. J’ai confiance dans la justice libanaise qui, de toute façon, ne peut m’extrader. Je souhaite d’ailleurs que la France envoie un dossier, afin que je sois jugé au Liban. Tout le monde verra que je suis innocent. » Scarlett HADDAD
Dans sa maison musée, les téléphones ne cessent de sonner. Le portable, bien sûr, mais aussi le fixe, présenté solennellement sur un plateau par un majordome aux mains gantées de blanc. Anthony Tannoury vient de passer trois nuits en garde à vue, mais il n’en est visiblement pas très affecté. Juste un peu plus nerveux lorsque son interlocuteur ne saisit pas assez vite les...