Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le Liban redécouvert

Par Saoud El-Maoula (*) En quittant les idéologies et les discours totalitaires et hégémonistes, après avoir fait par leur sang et leur martyre l’expérience de toutes sortes de fondamentalismes, les Libanais ont redécouvert leur Liban, leur identité et leur avenir. Les moments historiques et les figures historiques qui incarnent ce cheminement sont pour moi : le pape, l’imam Chamseddine, le patriarche Sfeir, le synode et l’Exhortation apostolique. Avec ces chefs et ces moments, les Libanais ont redéfini le sens de l’arabité qui est un lien culturel, linguistique, plus qu’un projet politique porté par un parti totalitaire. Ils ont redécouvert que ce que leur système protégeait et incarnait depuis 1943, c’est-à-dire l’unité dans la diversité, la pluralité religieuse et culturelle, la démocratie consensuelle, les libertés et l’ouverture, la tolérance et l’acceptation de l’autre, sont aujourd’hui non seulement un rêve humain mondial, mais une nécessité pragmatique urgente pour protéger le tissu social et national de chaque pays et protéger la paix civile ainsi que la paix mondiale. Ici, je rappelle aussi les positions de l’imam Chamseddine sur la nécessité de créer une nouvelle « théologie-Kalam » et un nouveau « fiqh » et une nouvelle pensée et « ijtihad » islamiques sur le dialogue, la pluralité, le respect de l’autre, mais aussi et surtout sur la complémentarité et la participation de l’autre dans la direction des affaires de l’État et de la société dans tous les pays arabes, et cela sur la base de la justice, de l’égalité, la dignité entre tous et pour tous. L’imam disait que le Liban n’a pas de sens sans ses chrétiens, pas plus qu’il n’en a sans ses musulmans. Le sens du Liban réside dans la vie commune de ses musulmans et chrétiens, qui inventent une formule politique géniale. L’imam va même plus loin en affirmant que l’islamité des musulmans est incomplète, inachevée, sans la présence et la communion avec les chrétiens. Il a demandé que l’exemple libanais soit un modèle pour tous les pays arabes et a appelé les dignitaires et chefs religieux à innover et à répondre aux défis posés par l’expérience libanaise en remplaçant le principe et la pratique de « dhimmitude » par le principe et la pratique des citoyens libres et égaux dans un État indépendant, souverain, juste et complémentaire avec sa société… Et c’est au Liban et aux Libanais qu’a incombé aussi la tâche de redéfinir et d’inaugurer un nouveau chemin arabe vers la modernité, qui respecte, protège et développe toutes les traditions religieuses tout en assimilant les acquis et les structures de la modernité. C’est notre chemin vers une mondialisation plus juste et équilibrée, et vers une arabité plus libérale et démocratique. C’est notre rôle dans le dialogue des cultures et civilisations à partir de notre expérience et de notre vie communes. Mais pour pouvoir jouer ce rôle historique et replacer le Liban sur la scène arabe et internationale en conformité avec sa nature, son sens et son message, plusieurs conditions sont réquises. Certes, le contexte régional et international est favorable à un rôle du Liban, en particulier après le 11 septembre, mais hélas, les conditions internes ne permettent pas au Liban de jouer son rôle. Il faut d’abord mettre fin à la guerre civile et à ses idées et pratiques, et cela par l’accomplisseement d’une vraie réconciliation nationale, dont les responsables et dirigeants politiques ne reconnaissent pas l’importance, mais qu’ils font tout pour contrecarrer. L’émergence d’une nouvelle élite politique et d’un nouveau discours, d’une nouvelle culture politique, le renouvellement de la vie politique, la démocratisation des institutions et des pratiques politiques, tout cela est bloqué depuis 1992, car le système électoral, qui est le seul moyen démocratique de changement, est sujet aux manipulations et aux intérêts de la classe dirigeante qui veut perpétuer sa mainmise sur le pays. En outre, les libertés qui sont l’essence même du Liban sont en danger. C’est un domaine de lutte très important. Sans les libertés, le Liban n’existera plus. Le Liban d’après-guerre est déchiré entre deux forces : une force qui pousse vers le passé et qui est porteuse de toutes les séquelles de la guerre civile, et une force qui pousse vers l’avenir et qui est porteuse de toutes les leçons de la guerre civile. Nous sommes invités tous à être du côté de la réconciliation et du dialogue, pour la justice, l’égalité et la dignité entre tous et pour tous. (*) Saoud el-Maoula est docteur en sociologie et coordinateur du Centre du dialogue à l’Institut des études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph. Proche du président disparu du Conseil supérieur chiite, Mohammed Mehdi Chamseddine, il a représenté la communauté chiite, à titre d’observateur, au Synode sur le Liban (novembre-décembre 1995).
Par Saoud El-Maoula (*) En quittant les idéologies et les discours totalitaires et hégémonistes, après avoir fait par leur sang et leur martyre l’expérience de toutes sortes de fondamentalismes, les Libanais ont redécouvert leur Liban, leur identité et leur avenir. Les moments historiques et les figures historiques qui incarnent ce cheminement sont pour moi : le pape, l’imam...