Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

COMMÉMORATION - Il y a cinq ans, Jean-Paul II au Liban L’Exhortation apostolique, un nouveau « pacte national »

Les 10 et 11 mai 1997, le pape Jean-Paul II effectuait une visite pastorale au Liban en tous points déterminante. Elle concluait une série d’interventions en faveur du Liban qui avaient abouti, notamment, à l’organisation d’une réunion spéciale du synode des évêques, assemblée consultative créée par Paul VI, consacrée au Liban (26 novembre-14 décembre 1995). Ce synode avait débouché sur la rédaction d’une exhortation apostolique, fruit direct d’un cheminement auquel le pape avait étroitement collaboré et auquel, aussi, il avait veillé à associer des représentants de toutes les communautés libanaises, en particulier musulmanes. Le 10 mai 1997, le pape remettait aux jeunes du Liban le texte de cette exhortation postsynodale, au cours d’une séance mémorable organisée dans la basilique Notre-Dame du Liban, à Harissa. L’Exhortation apostolique se présente comme une charte, ou un programme visant le renouveau non pas seulement de la vie chrétienne au Liban, mais aussi des rapports des chrétiens avec les autres communautés du Liban. Il s’agit, en fait, d’un véritable programme de renouveau de la vie nationale, non pas au niveau de la Constitution et du fonctionnement des institutions – cela, l’accord Taëf l’avait fait -, mais au niveau de l’esprit consensuel dans lequel les Libanais devaient vivre leur vie nationale. Sur ce plan, et pour beaucoup, il s’agissait d’un nouvel acte fondateur du Liban, qu’il n’était possible de comparer qu’au pacte de 1943. Comme l’accord de Taëf, comme tous les accords du monde, l’Exhortation apostolique a une lettre et un esprit. Et, de ce fait, elle peut donc donner lieu à des divergences d’interprétation. En gros, elle peut se diviser en deux parties : la première concerne la vie des Églises catholiques au Liban proprement dites, leurs rapports entre elles, les conditions de leur renouveau; la seconde, leur rapports avec les autres communautés et la vie nationale. À mesure que passent les années, l’expression qui caractérise le mieux l’esprit prôné par l’Exhortation apostolique est : unité dans la diversité. L’expression vaut aussi bien pour le renouveau spirituel que pour le renouveau social et national qu’elle cherche à réaliser. « Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ? » est-on en droit de se demander. La réponse à cette question doit, évidemment, se faire à chaque niveau du renouveau défendu par l’Exhortation. Mais comment mesurer, concrètement, le renouveau spirituel, ou celui des mentalités ? Il n’y a qu’un moyen de le faire, en en jugeant par les fruits. L’espace manque, dans le cadre de cet article, pour énumérer les nombreuses réalisations directement inspirées ou confirmées par l’Exhortation apostolique. Ces réalisations portent aussi bien sur les rapports des églises entre elles que sur les pastorales particulières de ces églises : monde du travail, écoles, hôpitaux, vie familiale, culture, communication, unité chrétienne, sans parler du travail de Caritas-Liban, instrument officiel de la pastorale sociale de l’Église catholique au Liban, secondé par la mission pontificale et de nombreuses ONG. Dans les rapports entre elles, le mot-clé de l’Exhortation était « décloisonnement », coopération, solidarité. Les structures de ce décloisonnement ont été mises en place, sous la forme d’un conseil des patriarche et évêques catholiques d’Orient, qui a tenu son premier congrès en 1999. Il s’agit donc, en fait, non plus de travailler sur le plan libanais, mais sur le plan de la présence chrétienne dans toute la région du Proche et du Moyen-Orient. L’établissement d’un secrétariat commun est un pas vers une plus grande coordination entre ces églises, encore que les pesanteurs sociologiques et historiques restent importantes. Dans les domaines de la pastorale scolaire, hospitalière, familiale, culturelle, des initiatives déterminantes ont été prises par les différentes églises et congrégations, dans l’esprit de renouveau prôné par l’Exhortation. Sur le plan de la pastorale de la famille, des sessions de préparation au mariage sont désormais impératives pour les couples qui se marient à l’église, et une commission a été chargée de coordonner ces initiatives et d’unifier le programme de cette préparation. Sur le plan scolaire, les assistances sont en nette hausse dans les écoles, notamment en raison de la crise économique qui frappe des milliers de familles de plein fouet. Dans certains établissements catholiques, les scolarités impayées atteignent jusqu’au tiers du total des scolarités dues. Par ailleurs, des caisses d’habitat communautaires se sont multipliées et un système d’assurance hospitalisation a été instauré. La caisse maronite a, à son actif, 1 500 logements en chantier ou exécutés. Un filet social est donc en train d’être mis en place, pour les classes démunies. Il est, bien entendu, sans proportion par rapport aux besoins. Mais il est important de savoir que, dans ces domaines, c’est surtout l’effet cumulatif qui fera la différence. Pour qu’un projet comme la construction de logements sociaux soit visible, il faut attendre qu’il soit achevé. En cours de route, il demeure pour l’opinion un chantier, c’est-à-dire en partie une fiction, un potentiel. Par ailleurs, de nombreuses initiatives restent inconnues de l’opinion, faute d’une bonne communication. Ou souvent d’une conscience plus vive de l’importance de la communication. Sur ce dernier plan, on note que le Centre catholique d’information a doublé la superficie de ses bureaux, en prévision d’un développement de son activité, tandis que la radio La Voix de la Charité et la télévision Télé-Lumière se sont imposées comme d’indispensables accompagnateurs du travail d’évangélisation et de développement culturel de l’Église, sans parler de leur action vitale auprès des personnes du troisième âge et des malades. En outre, un remarquable travail se fait au niveau des jeunes. Pour la première fois dans l’histoire des Églises catholiques, des personnes ont été engagées « à plein temps » par la commission pour l’apostolat des laïcs. Des ouvertures vers les jeunes sont faites dans deux directions : l’Occident, avec la mise en place d’une structure suivie de pèlerinages vers le Liban et l’Orient, avec l’organisation d’un premier congrès des jeunes catholiques d’Orient. Sans négliger le Liban lui-même, pour lequel un congrès et une journée nationale des jeunes seront organisés. À côté de toutes ces réalisations des Églises catholiques, les lacunes sont évidentes. Ainsi, le décloisonnement des églises est un processus lent et complexe. De même, une forte résistance continue de se manifester, au sein du clergé, contre l’émergence de laïcs comme responsables pastoraux, malgré la vitalité de certains mouvements d’apostolat laïcs, qui constituent ou annoncent, selon Jean-Paul II, un véritable « printemps de l’Église », et malgré la nécessité d’un « décloisonnement » de ces mouvements. Riche et pauvre à la fois, l’Église n’a pas, non plus, mesuré l’importance de l’argent, dans le développement de l’évangélisation, et continue à hésiter d’engager des dépenses substantielles dans des domaines pourtant cruciaux, comme la communication ou la pastorale des jeunes, alors que des sommes énormes sont engagées dans des restaurations de prestige. Ne disons rien, par ailleurs, de l’exploitation des biens d’église à des fins de développement, chantier qui en est encore, malheureusement, à ses tout débuts. Vis-à-vis de ce renouveau interne de l’Église, en quelque sorte indépendant de la vie nationale, il existe un autre renouveau, national, que l’exhortation a prôné, qui donne, lui aussi, des signes prometteurs de vitalité. Lentement, mais sûrement, le Liban « se pose en s’opposant », et une nouvelle conscience nationale, dont l’un des actes fondateurs est le synode sur le Liban, prend consistance. Les assises de Kornet Chehwane, en sont l’un des exemples, par la dynamique de concorde qu’elles tentent de mettre en place et l’esprit d’engagement dans le domaine public que ses membres manifestent, si loin de l’esprit de boycottage qui a marqué la société politique chrétienne, immédiatement après l’accord de Taëf. Certes, l’expérience de la présence syrienne comme force d’occupation par certains Libanais, constitue un blocage de société difficile à surmonter. Faute d’une réconciliation nationale, que l’on ne veut ou que l’on ne sait peut-être pas faire, certaines forces politiques vivent toujours enfermées dans des clivages datant de la guerre et en perpétuent donc la présence, sinon dans les faits, du moins dans les mentalités et les consciences. Mais il ne faut pas oublier que le synode sur le Liban n’a existé qu’en raison de la guerre et pour permettre de sortir des impasses de la guerre. Que son rayonnement et son énergie ne se soient pas encore répandus dans certains pans de la société ne signifie nullement qu’il a fait son temps, ou qu’il a échoué. Il signifie, par contre, que le facteur temps est essentiel pour que certaines maturations se produisent, et pour qu’émerge la nouvelle générations de leaders capables de restaurer le Liban dans sa vocation fondamentale de « message » et de démocratie. Fady NOUN
Les 10 et 11 mai 1997, le pape Jean-Paul II effectuait une visite pastorale au Liban en tous points déterminante. Elle concluait une série d’interventions en faveur du Liban qui avaient abouti, notamment, à l’organisation d’une réunion spéciale du synode des évêques, assemblée consultative créée par Paul VI, consacrée au Liban (26 novembre-14 décembre 1995). Ce synode...