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Actualités - CHRONOLOGIE

TABLE RONDE - La publicité entre liberté et réglementation Les télévisions en danger de mort, affirme le PDG de la LBC

«Pour sortir de la crise endémique et faire face au déficit financier et à la chute des recettes publicitaires, les chaînes de télévision n’ont plus devant elles que deux choix », a affirmé mercredi le PDG de la LBC, Pierre Daher. « Soit que les responsables et partis politiques qui possèdent ces chaînes prennent à leur charge de couvrir le déficit, soit qu’elles décident de fusionner entre elles ». Pour ainsi dire, nos chaînes de télévision sont en voie de disparition, a-t-il ajouté. C’est en tout cas un bilan extrêmement négatif de la situation des médias audiovisuels qu’a dressé M. Daher, lors d’une table ronde organisée par le département de Dess-Information et Communication de la faculté des lettres et sciences humaines de l’USJ. Animé par le responsable de ce département, Pascal Monin, ce débat s’inscrivait dans le cadre des « Forums de la communication et de l’information », une rencontre au cours de laquelle sont régulièrement soulevés des thèmes ayant trait au domaine de la communication. « La publicité entre liberté et réglementation », c’est le thème qu’ont choisi les organisateurs cette année. Une question d’actualité, « d’autant plus que le gouvernement libanais réfléchit à une nouvelle loi ainsi qu’à de nouvelles réglementations concernant ce secteur «, a souligné M. Monin en précisant que « ce sujet est en outre directement lié au projet d’abolition des agences exclusives qui pourrait avoir des conséquences sur la liberté et même sur la survie de la presse et des médias qui vivent essentiellement des revenus publicitaires ». Comment doter le secteur publicitaire d’une loi moderne et juste sans porter atteinte à la liberté de création et de diffusion ? Quelles sont les conditions et les réglementations nécessaires pour éviter à la publicité de sombrer dans la chaos, s’est interrogé M. Monin. Dans son intervention, Pierre Daher rappelle que les chiffres ne pardonnent pas. Ils glacent par leur froideur et leur vérité, dit-il en faisant le point sur la situation financière des télévisions libanaises – « catastrophique », selon lui. De cinquante-deux millions de dollars en 1997, les revenus publicitaires ont chuté à 40 millions en 2001. Quant au revenu net des télévisions, c’est-à-dire une fois que les agences de publicité ont perçu leurs commissions, il s’élève à 24 millions de dollars au total, une somme que se partage la totalité des chaînes de TV. Si l’on soustrait les dépenses de chaque chaîne, c’est-à-dire une affaire de 10 millions de dollars en moyenne, estime M. Daher, nous en concluons que les revenus publicitaires annuels suffisent à peine à deux chaînes. Bref, si l’on continue sur cette voie, « nous n’aurons plus qu’un choix, la faillite », a-t-il dit. Dans une longue tirade sur la créativité, Ramsey Najjar, directeur de Saatchi & Saatchi Levant et porte-parole des agences de publicité, se prononce contre toute initiative qui brimerait la liberté d’expression. Toutefois, il n’hésite pas à entrer dans le vif du sujet en se prononçant ouvertement pour une réglementation interne en matière de publicité, « qui la valorise au lieu de l’étouffer ». Ramsey Najjar dénonce toute législation rigide sur la publicité qu’il qualifie de « menace déguisée ». « Pouvons-nous imaginer une loi qui organise la peinture, le théâtre, la musique et le chant ? », demande-t-il. Prenant à son tour la parole, Me Toufic Touma, conseiller juridique à la LBC, a dressé un état des lieux de la législation publicitaire en mettant en exergue les multiples failles qui entachent les textes de loi relatifs à ce secteur. Évoquant notamment le projet de loi soumis par le gouvernement de Sélim Hoss le 10 octobre 2000, visant notamment à une redistribution des recettes publicitaires – une situation que condamnent certains médias qui se sentent lésés par une telle décision – l’avocat dénonce les lacunes de ce texte tant au niveau de la forme que du fond. « Cette disposition exceptionnelle est injustifiable du fait que l’exploitation de la publicité est une activité commerciale pareille aux autres et doit par conséquent être assujettie au régime de droit commun applicable aux différentes activités commerciales à l’instar des pays qui nous servent de référence en la matière », a-t-il dit. « La publicité doit-elle être politisée ? », s’interroge Talal Salman, PDG d’as-Safir, qui reconnaît qu’il s’agit là d’un vieux débat. Et de répondre que la publicité ne saurait être tout à fait étrangère à la politique, de même qu’elle ne doit pas non plus être l’expression d’une politique donnée. Notre collègue d’as-Safir met l’accent sur la nécessité de mettre fin au monopole qui est, d’après lui, contraire à la liberté. Il se prononce en outre contre l’exploitation de la publicité à des fins politiques. Quant à M. Aridi, il réaffirme son attachement au principe de liberté – « toutes formes de liberté ». « Nous sommes en faveur d’une libre concurrence même si celle-ci doit se faire dans le cadre de réglementations, de gardes-fous, d’autorégulation, ou sous forme de coopération entre les professionnels du secteur et le gouvernement », a précisé le ministre. Dans son discours, M. Aridi a en outre fait allusion aux dissensions internes qui divisent le secteur des médias autour de cette question, « certains cherchant à pousser vers l’adoption d’une législation, d’autres dans le sens contraire ». Reprenant une phrase de Sacha Guitry, Pascal Monin avait clôturé son intervention en disant : « Dieu lui-même croit à la publicité. Il a fait mettre des cloches dans les églises ». Et de conclure : « Espérons que les dieux de la politique en feront autant ». Jeanine JALKH
«Pour sortir de la crise endémique et faire face au déficit financier et à la chute des recettes publicitaires, les chaînes de télévision n’ont plus devant elles que deux choix », a affirmé mercredi le PDG de la LBC, Pierre Daher. « Soit que les responsables et partis politiques qui possèdent ces chaînes prennent à leur charge de couvrir le déficit, soit qu’elles...