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Actualités - OPINION

PARTIS - La partielle du Metn, un test (indirect) pour le mouvement de Nassib Lahoud La priorité numéro un du Renouveau démocratique ? Réconcilier les Libanais avec la politique

Il suffit d’ouvrir l’œil – et pas nécessairement le bon – pour se rendre compte, bien tristement, qu’au Liban, le concept de parti politique (et au-delà, de mouvement, voire même de courant politique) continue, chaque jour un peu plus, de se vider de sa substance. De sa noblesse. Hier, un parti politique était nécessaire, incontournable, citoyen. Aujourd’hui, s’ils ne sont pas moribonds, les partis politiques semblent flétris, fanés, rachitiques : quand ils ne sont pas au service d’un seul homme et de ses intérêts – légitimes ou pas –, ils sont noyautés, vampirisés parfois, par un pouvoir hydre, tutellisé, satellisé. Ou alors, ils se cantonnent dans une opposition certes plus qu’indispensable, mais souvent bien inefficace parce que totalement réactive. Tout naturellement, la question se pose. Celle de savoir si cet état de fait est la cause ou bien la conséquence d’une confiance presque entièrement perdue des Libanais en le politique, en la chose publique. En la praxis politique, surtout, telle que pratiquée par une très large majorité de responsables libanais ultraopportunistes, telle que subie par l’ensemble des administrés. Sauf que la désespérance, malgré tout ce qui l’arrose et l’entretient au quotidien, n’a jamais été un des principaux traits de caractère des Libanais, toutes tendances confondues. Alors, lorsqu’un nouveau mouvement se crée au Liban, volontairement ou, encore une fois, par réaction, qu’il se place dans une optique résolument axée sur « la défense des libertés et le renforcement de la démocratie face à un pouvoir de plus en plus caractérisé par la montée des appareils de sécurité de l’État », qu’il fait parler de lui depuis bientôt dix mois, en des termes tantôt élogieux tantôt critiques, qu’il parle d’un « pacte renouvelé entre les Libanais » et qu’il a comme président l’un des ténors les plus respectés de l’opposition parlementaire, alors, on a automatiquement envie de voir ce qu’il y a derrière tout cela. De voir si c’est encore un nouvel avatar d’une vie politique dégénérescente, ou si c’est, au contraire, un bel espoir. Une belle promesse. Qui se doit bien évidemment de traverser avec succès l’épreuve du temps pour prouver sa réelle efficacité, sa nécessité et sa différence. Que ce qu’il propose, ce n’est pas uniquement une adhésion à un nom, aussi respecté et respectable soit-il, mais à une autre façon de concevoir le Liban et la politique libanaise. Le mouvement du Renouveau démocratique (RD), puisque c’est de lui qu’il s’agit, est effectivement né il y a dix mois, sous la houlette de Nassib Lahoud. Un mouvement résolument pluricommunautaire. Ce qui le meut ? On l’aura vite compris : l’opposition à toutes les dérives autoritaires qui souillent l’esprit démocratique, la liberté de pensée et d’expression et au-delà, toute forme d’arbitraire politique. Ce qui l’aiguillonne ? Le désintérêt grandissant d’une grande partie de la société pour la chose publique et le désir d’émigration qui fait des ravages chez les jeunes Libanais(es). En résumé, le RD a une priorité : réconcilier les Libanais avec la politique, « pour les réconcilier entre eux, avec leur passé et avec leur État ». Une autre : celle d’être le promoteur d’une « réelle économie sociale de marché », à travers un militantisme résolu visant à moderniser l’économie libanaise, « tant au niveau du secteur public que privé », et pour une réforme « intelligente et adaptée » de l’appareil administratif libanais. Tout cela sans oublier, bien évidemment, l’appel à une « relecture sereine des relations libano-syriennes en vue de leur rééquilibrage et de leur assainissement ». Un réaménagement politique, militaro-sécuritaire, économique et sociétal. Voilà, en gros, ce qui résume les grandes orientations politiques du RD. Oui mais, pourquoi cette timidité, cette mollesse, depuis dix mois, alors qu’une importante frange de la population attend bien plus? Joe Bahout est, un des fidèles de la garde prétorienne de Nassib Lahoud, et un des principaux cervaux de son « think tank ». Il reconnaît cette timidité, mais il l’explique, la justifie. Rappelle d’abord que ce n’est pas un parti, un quelconque mouvement, encore moins un club élitiste d’intellectuels et consorts hermétiques à tout élément exogène. « C’est un outil politique. Et il est très jeune ». Le RD a choisi, volontairement, une croissance et un développement lents. Pour des raisons de faisabilité technique liées à la construction d’une entreprise d’abord, et pour des raisons liées au pays et à la nature du travail politique au Liban, ensuite. « Nous voulons être prudents dans le recrutement, éviter les manipulations, les risques de noyautage. Nous ne voulons être ni un parti de masse ni un parti d’élites. Pour l’instant, nous sommes un parti de cadres ». La troisième raison d’être de ces « faux mois de timidité » est elle aussi très simple, selon Joe Bahout. « Nous n’avions pas d’outil interne d’absorption. Nous aurions pu intégrer des gens à la pelle, mais qu’est-ce qu’on leur aurait fait faire pendant cette année ? ». Le plus important était de mettre sur pied et en œuvre un outil d’action et de participation politiques qui soient les plus proches d’un parti. « Dans trois ans, les échéances vont se multiplier: présidentielle, législatives, municipales », rappelle Joe Bahout. C’est une réponse à tous ceux qui pensent que le RD a été créé pour servir la candidature de Nassib Lahoud pour Baabda 2005 ? « Au Liban, tout le monde sait que le meilleur moyen d’arriver à Baabda est de ne pas avoir un profil politique, c’est de se faire bien voir par les grands électeurs locaux et régionaux. Nassib Lahoud, parmi tous les présidentiables de 2005, est celui qui a le moins en tête l’agenda ». Joe Bahout revient sur la mollesse apparente que l’on reproche au RD. Reconnaît que « peut-être, le ton employé est différent (notamment entre l’argumentation économique, musclée et les évocations de la présence et de la tutelle syriennes, plus « softs »). Mais nous n’avons raté aucune échéance. Dans tous les cas, c’est un ton qui ressemble à celui de Nassib Lahoud, mesuré, un peu balancé, et puis c’est dû aussi au fait que le seul outil que nous avons déjà utilisé, c’est la déclaration. Nous n’en avions pas d’autres. Aujourd’hui, c’est chose faite ». Joe Bahout admet aussi que le challenge pour le RD, c’est d’avoir la même audace pour tout, sans se laisser pour autant entraîner dans le discours de sa droite, aounisto-souverainiste. Et le manque, parfois dangereux, de charisme ? « Les forces politiques réformistes et gradualistes sont rarement excitantes pour la masse des gens. Ce que nous voulons, c’est être les plus constants, travailler sur la durée ». En ce qui concerne l’élection partielle du Metn, Joe Bahout précise que le RD n’a pas été consulté avant l’appui officiel de Nassib Lahoud à Gabriel Murr. Qu’il y a simplement eu débat interne à la suite. Et à propos des risques, faciles, de confusion avec Kornet Chehwane (KC), le conseiller de Nassib Lahoud est clair : « Trois membres du RD sont à KC à titre personnel, et politiquement, il n’y a rien dans le document de KC auquel le RD ne souscrit pas. KC est le front chrétien le plus large, et il ne se substitue en rien au RD, qui n’est pas un mouvement chrétien. Pour nous, il y a des problèmes chrétiens, des problèmes musulmans, mais des solutions libanaises », aime à répéter Joe Bahout en s’inspirant des mots de son président. Et quand on reproche au RD de s’être contenté, depuis sa naissance, de réagir sans prendre d’initiative, le chercheur sourit, acquiesce, mais précise : « Sauf en économie ». Faisant par là allusion au discours tonitruant de Nassib Lahoud au cours du dernier débat budgétaire. Il y a également l’élection du président de l’Ordre des ingénieurs – la bataille pour faire gagner Sobhi Bsat était celle de deux membres du RD. Mais aujourd’hui, le mouvement mise énormément sur les sept départements qu’il a créés : le politique, l’économique, le social (affaires syndicales, secteur des professions libérales, santé publique, environnement, condition féminine), le département juridique et législatif (législations, droits de l’homme et libertés publiques), la jeunesse (section estudiantine, à l’instar de celle mise sur pied par KC), le département des activités (organisations de colloques, comme le dernier sur la privatisation, de rencontres, de débats) et le département de communication. Les échéances du RD ? La question économique, d’abord. Le mouvement sait qu’il tient une solution, et sa frustration n’en est que plus grande à cause de la réaction place de l’Étoile de Rafic Hariri. Autre grand moment : ne pas rater la prochaine rentrée universitaire. Troisième échéance : les relations libano-syriennes. Sans oublier, même si c’est indirect et ne concerne que Nassib Lahoud, la partielle du Metn. Bref. Il n’en demeure pas moins que le pari pris le 15 juillet 2001 est, lui aussi, un joli pari. Plus : une belle gageure. Ziyad MAKHOUL
Il suffit d’ouvrir l’œil – et pas nécessairement le bon – pour se rendre compte, bien tristement, qu’au Liban, le concept de parti politique (et au-delà, de mouvement, voire même de courant politique) continue, chaque jour un peu plus, de se vider de sa substance. De sa noblesse. Hier, un parti politique était nécessaire, incontournable, citoyen. Aujourd’hui, s’ils...