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Actualités - OPINION

Encore et toujours les tares fondamentales de Taëf

Ce sont les écuries d’Augias, la boîte de Pandore, le tonneau des Danaïdes, Charybde et Scylla, l’hydre de Lerne, les Atrides, les putrides et tutti quanti. Toute la mythologie noire se concentre dans les affres de la présente république, dévorée par ses enfants autant que par la corruption administrative, le gouffre financier et les déplorables malformations de la Constitution. Car toutes les tares ou presque procèdent d’un Taëf qui est lui-même le produit d’une mentalité ottomane archaïque, pervertie, confessionnalisée, dénationalisée jusqu’à la moelle. Ainsi le débat parlementaire de lundi a encore une fois balayé d’un coup de projecteur rasant les failles du système. Avec, cette fois, un arrêt sur image focalisé sur les incohérences du statut de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire de ce que l’on appelle son règlement intérieur. On s’aperçoit de la sorte que les textes laissent baigner dans un flou équivoque plusieurs cas de figure se rapportant, entre autres, aux mécanismes concrets de rapports entre les institutions. Entendre que nul ne sait au juste quoi faire au niveau tant des délais d’étude des projets de lois que des situations juridiques issues des interpellations parlementaires restées sans réponse gouvernementale satisfaisante, ou même sans réponse tout court. Si le tableau paraît compliqué, c’est que l’on n’a rien fait pour le simplifier en toilettant des textes bigarrés comme des costumes de carnaval. Le pire c’est que le kaléidoscope a été critiqué, sans aucune correction de vision, presque d’entrée de jeu depuis une bonne décennie. Et pas par n’importe qui, par le personnage le mieux placé pour tirer la sonnette d’alarme constitutionnelle. C’est-à-dire par le président de la République de l’époque, M. Élias Hraoui. Qui s’est battu bravement contre les moulins à vent pour réformer le système, sans rien recueillir en échange que des déceptions, voire parfois des offenses. M. Hraoui avait voulu rectifier les déséquilibres au niveau des pouvoirs et en même temps gommer des absurdités, des contradictions flagrantes dans la Constitution votée après Taëf. Non seulement on ne lui a pas donné gain de cause mais encore l’on s’est ingénié à aggraver les vices initiaux par des pratiques approximatives prenant à la longue force d’usage, donc de loi. De quoi s’arracher les cheveux, d’autant qu’à de très rares exceptions près les pôles du pays reconnaissent les défauts du système. En soulignant en chœur qu’il a été établi comme un pis-aller momentané, dans le but vital de mettre fin à la guerre. Mais les vrais arrangements de fond qu’on se promettait d’effectuer au fur et à mesure par la suite sont restés lettre morte. Et la république n’a cessé de régresser car au niveau des institutions c’est comme dans la vie tout court, qui n’avance pas recule. Pour mieux sauter sur les pièges de divisions internes savamment entretenues. L’un des contempteurs les plus réguliers de Taëf reste M. Walid Joumblatt.Qui ne cesse de répéter depuis des années que ces accords ne sont que transitoires et ne constituent pas en eux-mêmes un projet de paix civile permanent. Les haririens se rangent volontiers à cet avis et soulignent, en termes pudiques, qu’il faudrait peut-être «consolider le pacte national» en l’amendant. En oubliant un peu vite qu’ils ont freiné des quatre fers, ainsi que leurs bons amis amalistes du reste, lorsque M. Hraoui avait parlé de révision. D’ailleurs, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, dès que la question, purement techno-juridique au fond, revient sérieusement sur le tapis, elle se politise. Au point que des forces contraires se neutralisent réciproquement et bloquent toute réforme. Un dossier présenté comme explosif, sans doute à dessein, pour conclure qu’il vaut mieux ne pas en parler. Et ajouter, avec un clin d’œil du côté des décideurs, qu’il est même interdit de changer quoi que ce soit au système en vigueur. Certains affirment ainsi que des modifications reviendraient à redonner vie au maronitisme politique, tant décrié avant et pendant la guerre au nom du principe de participation. Ils soutiennent que l’on cherche à redonner du lustre à la présidence de la République. En rognant les pouvoirs du speaker de la Chambre, dont le mandat serait ramené à deux ans au lieu de quatre. Et en obligeant le président du Conseil des ministres à soumettre sa politique à l’approbation du chef de l’État. À dire vrai, le camp des sympathisants du régime, rappelant que le président Hraoui s’était élevé contre l’existence de trois têtes à la tête de l’État, pour souligner qu’un corps normal ne devait en avoir qu’une, dénonce le système de la troïka. En affirmant qu’en pratique le pouvoir dans ce pays est bien plus parlementaire tribal que républicain démocratique. Mais ce sont là, en fait, des labels creux. Ce qui compte au fond c’est de savoir si le pays doit être ou non gouverné. En d’autres termes, pour abonder dans le sens de la logique défendue par les partisans du régime, ne faut-il pas qu’il y ait une instance pour canaliser, réguler, contrôler, synthétiser, harmoniser et unifier les pouvoirs ? N’est-ce pas-là une condition nécessaire pour évoluer vers l’abolition du confessionnalisme politique et une promotion de l’esprit civique, sinon national? M. Rafic Hariri convenait naguère de la nécessité d’une réforme. Pour s’empresser de déclarer qu’elle devrait porter sur tous les points, y compris la répartition des présidences. Une surenchère, une façon comme une autre de dire en fait non à la révision. Et le dossier a été alors refermé. Mais il revient aujourd’hui à l’ordre du jour. Grâce ou à cause, notamment, du statut du vice-président du Conseil. On sait que lorsqu’il occupait ce poste, M. Michel Murr avait tenté de lui donner un sens autre qu’honorifique. Mais il s’était heurté au barrage de tous les présidents du Conseil rencontrés sur sa route, MM. Omar Karamé et Sélim Hoss autant que M. Rafic Hariri. Des députés se mettent maintenant de la même partie. Ils ont ainsi protesté contre le mandat de représentation délivré lors de la dernière séance place de l’Étoile à M. Issam Farès par M. Hariri. Si pour si peu on ne peut pas avancer, le pourrait-on pour les prérogatives réelles de la présidence de la République ? Philippe ABI-AKL
Ce sont les écuries d’Augias, la boîte de Pandore, le tonneau des Danaïdes, Charybde et Scylla, l’hydre de Lerne, les Atrides, les putrides et tutti quanti. Toute la mythologie noire se concentre dans les affres de la présente république, dévorée par ses enfants autant que par la corruption administrative, le gouffre financier et les déplorables malformations de la...