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Actualités - CHRONOLOGIE

Pour 2 000 chauffeurs de taxi, « la pollution n’est qu’un prétexte » (photos)

Ils étaient environ deux mille chauffeurs de taxi à crier hier leur colère place Riad el-Solh, alors que se tenait la séance parlementaire consacrée à la question du mazout. Si l’on doit en croire les slogans scandés par les manifestants ou figurant sur leurs banderoles, ils sont convaincus de servir de boucs émissaires dans le cadre d’un nouveau marché de l’État, alors que «la pollution n’est qu’un prétexte» et les «bus et les minibus appartenant à des responsables politiques continueront à fonctionner». Les chauffeurs de taxi s’étaient rassemblés à l’initiative de l’Union des syndicats de chauffeurs des transports publics, dont le président, Abdel Amir Najdé, a menacé d’une escalade du mouvement «si les solutions proposées desservent les intérêts vitaux des chauffeurs». Il a écarté la possibilité d’une augmentation des tarifs, «parce que nous avons assez peu de passagers comme cela». Un imposant dispositif de sécurité, dont des brigades antiémeute, était déployé dans le périmètre du Parlement. M. Najdé a confirmé que les agents de l’ordre «nous ont interdit d’atteindre la place de l’Étoile, ce qui était notre objectif premier». La manifestation a pris son départ à 10h, devant le siège de l’Union, à Wata Mousseitbé, et a franchi plusieurs grands axes de Beyrouth, comme Barbir, Mazraa, Zokak el-Blatt… De nouveaux manifestants venaient continuellement grossir les rangs de la foule, selon des témoins. Vendredi dernier, les deux unions de syndicats avaient exprimé des opinions différentes concernant les perspectives de solutions avancées par le gouvernement. M. Najdé a de nouveau confirmé sa position hier déclarant : «L’autre syndicat a jugé positives certaines mesures prises par le gouvernement, mais nous pensons qu’il ne faut pas aller à l’encontre de nos principes et des intérêts de nos adhérents. Nos demandes se résument à un diesel de bonne qualité ou de l’essence au prix de revient». Qu’espère-t-il de la séance d’interpellation qui se tient au Parlement ? «Je n’ai plus confiance en aucun député», a-t-il répondu. «Le mazout pour tout le monde ou l’interdiction pour tout le monde». «Les chauffeurs de taxi ne sont pas disposés à se laisser manipuler sous prétexte de pollution». «Il existe 200 000 véhicules circulant au mazout, pourquoi n’interdire que les taxis ?». Tous les slogans scandés par les chauffeurs (qui portaient également du pain en référence au pain quotidien qu’ils ont peur de ne plus pouvoir assurer à leurs enfants) laissent transparaître la méfiance envers l’État, qu’ils tiennent pour responsable de leur situation actuelle. «Les autobus relevant de compagnies appartenant à des hommes politiques ou influents vont-ils être obligés d’arrêter ?», demande l’un d’eux. «Et les chauffeurs étrangers qui circulent sur nos routes ?», lance un autre. «Nous ne sommes pas heureux de rouler au mazout, parce que nous en souffrons plus que les autres. Mais nous n’avons pas le choix. Je préfère ne pas respirer que voir mes enfants mourir de faim», assure un troisième. Au milieu de la foule, quelqu’un distribue des brochures sur les moteurs à gaz, qu’une compagnie est prête à assurer aux chauffeurs. «Est-ce un nouveau marché qu’ils sont en train de conclure à nos frais, comme ils l’ont fait quand ils nous ont poussés à acheter des moteurs à mazout ?», se demande un vieux chauffeur. «Des moteurs à gaz ! Pour qu’il y ait des explosions à tout bout de champ ?», se sont écriés plusieurs manifestants. La solution, d’après eux ? «Importer du diesel de bonne qualité, parce que même l’essence subventionnée ne suffirait pas à nous sortir de la crise, disent-ils. Pourquoi ne pas suivre l’exemple de la France ?». Mais le diesel de bonne qualité serait plus cher que le mazout (même pas valable pour l’usage industriel) disponible aujourd’hui sur le marché libanais. «Certainement, mais il est plus économique que l’essence». Pourquoi l’État ne considère-t-il pas la possibilité d’importer un diesel plus propre ? «Parce que l’essence leur rapporte beaucoup plus, disent-ils. Pour chaque bidon de 20 litres d’essence, 13 000 livres viennent renflouer les caisses de l’État». Les chauffeurs dénoncent également le manque d’organisation et la violence rencontrée dans certains quartiers. Mais eux-mêmes sont décidés à réagir violemment à l’encontre de n’importe quel agent qui les arrêterait pour leur demander de changer de moteur ou de ne plus circuler. D’ailleurs, les perspectives d’escalade ont été évoquées par M. Najdé : «Nous organiserons encore plus de manifestations et nous serons même prêts à couper des routes». Une heure après leur arrivée, vers midi, les chauffeurs de taxi ont calmement quitté la place Riad el-Solh pour… retrouver leurs voitures à mazout. S.B.
Ils étaient environ deux mille chauffeurs de taxi à crier hier leur colère place Riad el-Solh, alors que se tenait la séance parlementaire consacrée à la question du mazout. Si l’on doit en croire les slogans scandés par les manifestants ou figurant sur leurs banderoles, ils sont convaincus de servir de boucs émissaires dans le cadre d’un nouveau marché de l’État, alors...