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Actualités - ANALYSE

Parlement - La facture hospitalière de la pollution s’élève à 130 millions de dollars par an Plus de véhicules au diesel à partir du 15 juin (photos)

À partir du 15 juin prochain, les voitures roulant au diesel seront interdites de circulation et, à partir du 15 juillet, les bus et les minibus dégageant leur horrible fumée noire cesseront d’empoisonner l’air. Le Parlement est intraitable sur cette question : le problème de la pollution de l’air au mazout est trop grave pour tolérer davantage d’atermoiements ou de reports, justifiés jusque-là par la nécessité de ne pas aggraver les problèmes socio-économiques des chauffeurs de ces véhicules. Si grave qu’il ne s’est pas trouvé un seul parlementaire – à l’exception de M. Jamal Ismaïl – pour faire écho au ministre de l’Intérieur, Élias Murr, qui a tenté de gagner du temps pour régler le volet humanitaire du problème, prioritaire à ses yeux. Et si certains peuvent encore nourrir quelques doutes quant aux effets nocifs, voire mortels du poison distillé dans l’air à travers les pots d’échappement, les chiffres avancés par M. Atef Majdalani, député-médecin, sont de nature à balayer d’un coup toute incertitude : depuis que la pollution de l’air causée par le mazout s’est aggravée, la facture hospitalière s’est élevée à près de 130 millions de dollars, a déclaré le parlementaire, en citant une étude de la Banque mondiale. Dans moins de trois mois donc, le poison noir dégagé par les pots d’échappement devra cesser. Décidée à suivre jusqu’au bout ce dossier, la Chambre devra se réunir de nouveau le 15 juin, si une session parlementaire extraordinaire est ouverte, pour faire le point de la situation et prendre les décisions qui s’imposent. Si la session n’est pas ouverte, c’est une réunion parlementaire informelle qui sera convoquée. Espérons seulement que le Parlement accordera une plus grande importance, s’il veut vraiment ramener la pollution de l’air à un taux acceptable, à deux autres dossiers évoqués durant la réunion d’hier, mais auxquels aucune suite n’a été donnée, ainsi qu’à un troisième dossier sans rapport direct avec la pollution mais tout aussi grave. Pour les deux premiers, il s’agit des taxis venant de Syrie et roulant au diesel et des usines fonctionnant au mazout polluant. Quant au troisième dossier, il concerne les taxis libanais roulant au gaz, qui constituent de véritables bombes à quatre roues, pouvant à n’importe quel moment semer la mort sur les routes. La séance d’hier était consacrée à quatre interpellations. Mais le Parlement ne pourra s’attaquer qu’à une seule, faute de temps : Pourquoi le gouvernement n’a-t-il toujours pas appliqué la loi N°341, parue en août dernier au Journal officiel et promulguée depuis pour lutter contre la pollution de l’air résultant des voitures roulant au diesel ? C’est le député Akram Chéhayeb, ancien ministre de l’Environnement, et quatre autres députés, Salah Honein, Mohammed Kabbani, Yassine Jaber et Nasser Kandil, qui ont adressé au gouvernement deux interpellations allant dans le même sens. L’indignation de Chéhayeb À l’ouverture de la séance, lecture est donnée de la réponse du gouvernement, puis c’est au tour de M. Chéhayeb de prendre la parole. Le député se dit abasourdi. Il ne voit dans les réponses de l’Exécutif qu’une série de vœux pieux et aucun engagement, aucun délai d’application de la loi. «Mais que veulent bien dire tous ces “nous sommes en train de…” ou encore ce projet d’ajudication de la conception et de la construction d’un centre de contrôle des voitures ? Jusqu’à quand restera-t-on sans contrôle mécanique» ? s’indigne-t-il. Le président de la Chambre, Nabih Berry, ricane : «Ce projet verra le jour dans une quinzaine d’années, si Dieu le veut». M. Berry est tout aussi soucieux que le député de Aley d’en finir une fois pour toutes avec le problème de la pollution de l’air, qu’il présentera au cours de la séance comme étant «une question de vie ou de mort». Il ne cache pas, non plus, qu’il en veut à l’Exécutif de ne pas avoir accordé à ce dossier l’importance qu’il mérite. Citant un expert hollandais en écologie, M. Chéhayeb souligne que la pollution de l’air à Beyrouth est sans pareil dans le monde et qu’on n’en a vu de similaire qu’à Los Angeles, il y a près de vingt ans. Pour lui, le gouvernement a bien fait de retirer 10 000 plaques rouges de la circulation et de donner des motivations aux chauffeurs de taxi pour qu’ils renoncent au diesel et qu’ils acquièrent des modèles plus récents, mais ces deux mesures restent à ses yeux insuffisantes pour régler le problème qui se pose. M. Kabbani est extrêmement virulent à l’égard du gouvernement. «Si un automobiliste enfreint le code de la route, il récolte un procès-verbal. Mais si un ministre transgresse une loi, que peut-on faire ?». Selon lui, c’est l’Exécutif qui est à l’origine du problème qui se pose actuellement parce qu’il a autorisé en 1994 l’importation de véhicules roulant au diesel. «Les permis étaient destinés à 4 000 véhicules, qui sont devenus 10 000, on ne sait pas par quel miracle. Et ce nombre a doublé aujourd’hui», déclare-t-il. «Il a triplé, vous voulez dire», renchérit M. Berry. M. Kabbani fait état de fraudes, «et ce n’est un secret pour personne. Le ministère de l’Intérieur est parfaitement au courant de ce qui se passe». Il ne veut pas être plus explicite. Le député reproche vivement aux ministres qui se sont succédé à l’Intérieur d’être restés les bras croisés au cours des dernières années, alors que le problème s’envenimait. Il reproche aussi au ministère de l’Énergie et de l’Eau de s’être abstenu de fixer les normes de qualité des carburants importés, et au ministère de l’Environnement son manque de sérieux. À l’instar de M. Chéhayeb, il soulève le problème du contrôle mécanique. «Il nous est même arrivé au cours d’une réunion de la commission parlementaire d’attirer l’attention du ministre (de l’Intérieur) sur le fait que la loi a été élaborée pour être appliquée et non pas pour faire l’objet d’une jurisprudence», fulmine-t-il. MM. Yassine Jaber et Nasser Kandil souhaitent entendre les explications du gouvernement sur le point selon lequel des moteurs diesel ont été introduits frauduleusement au Liban. Selon M. Kandil, «au cours des trois dernières années, plus de 40 000 moteurs ont été importés sans que les Douanes ne bronchent. Ils ont été présentés comme étant des moteurs agricoles. Est-il possible que les Douanes ne se soient doutées de rien ?» Il s’agit là d’un point qui a été soulevé à plusieurs reprises par de nombreux parlementaires, mais qui est resté sans réponse. Même le chef du Parlement y a fait allusion en affirmant qu’il n’est pas possible d’attendre jusqu’à la fin de l’année pour faire appliquer la loi parce qu’à ce moment-là il y aura 60 000 voitures supplémentaires roulant au diesel. Le nombre de ces véhicules (bus compris) est aujourd’hui supérieur à 200 000, selon M. Chéhayeb. Des bombes à retardement M. Issam Farès souligne le souci du gouvernement de régler ce problème et demande au ministre de l’Intérieur d’exposer les démarches entreprises à cet effet. Le problème est que M. Murr insiste principalement sur le volet humanitaire du problème et sur la nécessité de venir en aide aux chauffeurs des véhicules qui seront interdits de circulation plutôt que sur les moyens de régler la pollution de l’air. Il met principalement l’accent sur la nécessité de résoudre cette affaire sans précipitation, affirmant que «la sécurité sociale commande qu’on traite ce dossier avec sagesse». M. Berry ne cache pas son mécontentement, surtout lorsque le ministre énumère les décrets d’application adoptés ou à adopter pour en finir avec les voitures roulant au diesel. M. Omar Karamé note que ce problème ne se serait pas posé si le prix de l’essence n’avait pas été relevé et laisse tomber au passage que le ministre des Finances aurait laissé entendre dans ses cercles privés que les 20 litres d’essence allaient passer à 30 000 livres. M. Siniora dément énergiquement ces propos puis M. Karamé fait remarquer qu’à Tripoli, des garages ont commencé à transformer les moteurs de voiture pour qu’elles roulent au gaz. «La bonbonne, dit-il, est placée dans le coffre arrière. L’opération coûte entre 400 et 700 dollars. Une voiture de 6 cylindres fait 150 kilomètres grâce à une bonbonne de gaz qui ne coûte que 10 000 livres. À notre avis, le règlement de tous ces problèmes passe par un contrôle mécanique et par l’utilisation de systèmes autorisés mondialement», déclare-t-il. Malheureusement, aucune suite n’est donnée à ses propos, à part quelques interventions, restées sans effet elles aussi, reflétant l’effarement de leurs auteurs devant la présence de nouveaux moyens de transport avec des bombes à retardement à bord. Le président de la Chambre porte toute son attention sur le diesel. Il se félicite du discours de M. Murr, mais insiste sur le fait que la loi doit être appliquée dans les délais, c’est-à-dire avant le 6 août. Catégorique, M. Berry annonce que les voitures roulant au diesel doivent être interdites de circulation à partir du 15 juin, les bus et les minibus à partir du 15 juillet. «La présidence de la Chambre n’accepte pas d’autres délais. Quant aux indemnités, il s’agit d’une question sociale qui dépend du gouvernement et qui ne nous concerne pas. La loi doit être appliquée, car le nombre de voitures au mazout était de 7 000 puis il est passé à 21 000 et il risque d’augmenter», dit-il. «Je peux donner des instructions pour que la loi soit appliquée par les forces de l’ordre dès que nous nous entendrons sur la date à laquelle le ministère des Finances pourra verser des indemnités» aux chauffeurs, réplique M. Murr. Le ministre des Finances, Fouad Siniora, sursaute, mais M. Berry lui fait signe de se calmer et l’invite à s’approcher de lui. Entre-temps, il réaffirme que le Parlement n’a rien à voir avec les indemnités. Puis il chuchote quelques mots à l’oreille de M. Siniora. C’est au tour de M. Adnan Arakji de sursauter : «Nous ne pouvons pas prendre cette affaire à la légère. Nous devons parler des indemnités. 34 000 chauffeurs opèrent légalement et 64 000 roulent sans autorisation». « Les contribuables vont payer » Berry : «Mais cela ne vous concerne pas». «Comment ? hurle le député. Bien sûr que cela me concerne. C’est moi qui paie ; ce sont les contribuables qui vont payer». Ce souci d’éviter d’avancer le montant des indemnités à payer, sachant que M. Siniora n’hésite pas normalement à protester contre toute nouvelle dépense qui ne serait pas associée à une nouvelle source de revenus, paraît suspect. MM. Ali el-Khalil et Nazem Khoury veulent aussi connaître le montant des indemnités. Peine perdue. Mme Nayla Moawad veut savoir comment les moteurs ont pu être importés et rappelle, indignée, que lorsqu’elle avait demandé aux ministres des Finances et de l’Énergie pourquoi ils n’importaient pas du diesel destiné aux voitures, ils s’étaient contentés de répondre qu’ils n’étaient pas en mesure de le faire. Elle demande des précisions au sujet des mesures qui seront prises à l’encontre des taxis provenant de Syrie et qui roulent au diesel et propose que certains garages libanais soient sélectionnés par l’État pour effectuer le contrôle mécanique. À son tour, M. Misbah Ahdab interroge le gouvernement sur les raisons pour lesquelles l’État n’importe pas du diesel de qualité, répondant aux normes internationales, relevant au passage que d’autres sources de pollution au mazout existent. «La lutte contre la pollution de l’air ne sera pas efficace tant qu’on n’aura pas mis des limites à ceux qui importent ce carburant», insiste-t-il. Pas plus que Mme Moawad, M. Ahdab n’obtiendra de réponse. M. Berry annonce la convocation d’une réunion le 15 juin prochain, au cas où une session parlementaire extraordinaire serait ouverte. Sinon, a-t-il dit, une réunion informelle se tiendra le 15 juillet afin de faire le point de la situation. Les interventions parlementaires se succèdent. M. Atef Majdalani fait état d’une étude de la Banque mondiale, qui évalue à 130 millions de dollars approximativement la facture hospitalière due à la pollution de l’air. M. Majdalani est interrompu par le président de la Chambre au moment où il voulait réclamer l’ouverture d’une enquête sur les voitures roulant au gaz. Se référant lui aussi à une étude de la Banque mondiale, M. César Moawad, également médecin, fait remarquer que, chaque année, on recense au Liban 3 000 hospitalisations supplémentaires. C’est au tour du gouvernement de prendre la parole. Le ministre de l’Environnement, Michel Moussa, se déclare résolument en faveur de l’application de la loi et M. Siniora, répondant aux questions soulevées au sujet des indemnités, explique que le gouvernement compte racheter 10 000 plaques d’immatriculation au prix actuel sur le marché, à savoir 10 500 000 livres (l’unité), alors qu’elles avaient été vendues chacune à 6 millions de livres. Il ne révélera pas comment les chauffeurs dont les plaques rouges ne seront pas reprises vont être indemnisés. Pour ce qui est des moteurs au diesel, le ministre explique qu’ils ne sont pas importés, mais qu’ils sont rassemblés au Liban, provoquant ainsi la fureur de M. Chéhayeb qui s’exclame : «Mais ce n’est pas vrai et vous savez qu’il y a de la contrebande». M. Siniora admet effectivement l’existence d’une contrebande à ce niveau avant d’assurer que son département ne fera pas obstacle à l’application de la loi. La séance est levée sur cette note. M. Berry assure que le Parlement se considère en session ouverte jusqu’au 15 juin. Une séance d’interpellations en l’absence de Hariri ? Décidément, les voyages du chef du gouvernement Rafic Hariri ne finiront pas d’inspirer les débats sur les prérogatives des pôles du pouvoir. Ainsi, la Chambre peut-elle siéger en l’absence du Premier ministre lorsque la séance est consacrée aux interpellations adressées à l’Exécutif et qu’elle peut déboucher sur un vote de confiance? Après avoir observé une minute de silence à la mémoire du député Albert Moukheiber, le Parlement a tenté de répondre à cette question posée par M. Hussein Husseini à la faveur d’un débat qui s’est étendu aux prérogatives du vice-président du Conseil et qui a essentiellement mis en évidence, encore une fois, la nécessité de revoir les textes en vigueur sur les prérogatives des autorités. MM. Hussein Husseini, Nicolas Fattouche, Omar Karamé, Boutros Harb et Farid el-Khazen partagent le même point de vue : la réunion est anticonstitutionnelle en l’absence du président du Conseil dont dépend la démission du gouvernement, la présentation de la déclaration ministérielle et les votes de confiance et qui ne peut pas déléguer ses pouvoirs dans ces trois cas précis. Mais à ce raisonnement, M. Mikhaël Daher, soutenu par MM. Farès Boueiz et partiellement par M. Michel Murr, a opposé une contre-argumentation, arguant du principe de la séparation des pouvoirs et de ce que nul ne peut, dans un système parlementaire, court-circuiter le rôle de la Chambre. Selon MM. Daher et Boueiz, si le Parlement considère qu’il ne peut pas siéger en l’absence du chef du gouvernement, il aura donné ainsi la possibilité à ce dernier de court-circuiter toute réunion qui ne serait pas dans son intérêt. M. Berry est du même avis, et pour mettre fin à la guerre des articles constitutionnels à laquelle les deux camps se livrent, il donne lecture de l’article 138 du règlement intérieur de la Chambre, qui impose la présence du chef du gouvernement à toute réunion au cours de laquelle le Parlement demanderait au gouvernement de poser la question de confiance, mais qui prévoit aussi son absence puisqu’il lui accorde un délai de cinq jours pour se présenter devant le Parlement en cas de vote de confiance. Tilda ABOU RIZK
À partir du 15 juin prochain, les voitures roulant au diesel seront interdites de circulation et, à partir du 15 juillet, les bus et les minibus dégageant leur horrible fumée noire cesseront d’empoisonner l’air. Le Parlement est intraitable sur cette question : le problème de la pollution de l’air au mazout est trop grave pour tolérer davantage d’atermoiements ou de...