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Actualités - OPINION

La vie politique passe par la réforme… du protocole !

Les bien regrettés Izzat Khorchid et Georges Haïmari, papes fondateurs du petit doigt en l’air à la levantine, doivent se retourner dans leurs tombes. On fait si mauvais usage des bons usages qu’ils avaient établis, on les politise tellement, qu’un ministre propose de modifier d’urgence les règles du jeu protocolaire. Pour atténuer un peu la querellite des présidents, qui a une fâcheuse tendance ces temps-ci à s’articuler autour de questions de préséance. C’est-à-dire de cette primauté qui laisse entendre qu’on est le plus fort, sinon qu’on détient le vrai pouvoir. Ce ministre, qui a participé aux médiations engagées dimanche soir entre Baabda et Koraytem au sujet de l’accueil de Koutchma l’Ukrainien, dit en substance et en privé : «Certes, quand un problème ponctuel se pose, il faut tenter de le résoudre en l’état. C’est pourquoi nous estimons qu’après trois empoignades successives entre les présidents (la réception des chefs d’Etat arabes, la visite de Powell puis celle de Koutchma), il faut mettre en place un nouveau système de tapis rouge. Mais ce sont là des péripéties de surface. Pour le fond, il faut être aveugle et sourd pour ne pas comprendre que des réactions de susceptibilité épidermique traduisent un malaise relationnel profond. Les deux présidents se respectent sans doute, mais ils n’ont pas du tout la même façon de voir les choses. Et aucun ne veut céder devant l’autre. Non pas pour des raisons personnelles, mais parce qu’ils sont certainement convaincus, chacun de son côté, qu’ils ont à défendre des intérêts se rapportant aux équilibres internes, communautaires, régionaux ou autres. Et de veiller de la sorte indirectement à l’intérêt national lui-même. D’où une obstination mutuelle qui, à première vue, paraît un peu puérile, mais qui est pareillement désintéressée». Comme le disait Nietzsche, le pire ennemi de la vérité, ce ne sont pas les mensonges mais les convictions. Qui sapent également la paix des ménages, d’où les divorces pour incompatibilité d’humeur. Mais ici, la séparation est interdite, car on se trouve en présence d’un «mariage maronite», comme se plaisait jadis à dire M. Nabih Berry. Le ministre cité enchaîne : «On en vient à se disputer pour des riens, pour ne pas avouer ouvertement qu’on est en désaccord sur tout. Toutes les broutilles sont prétexte à fâcherie, par exemple les places à table ou les signatures de documents». Il semble en effet que dimanche soir les ministres médiateurs, MM. Khalil Hraoui, Nagib Mikati et Abdel Rahim Mrad, aient dû faire éclairer leur lanterne par la direction du protocole de la présidence. Qui leur a précisé quelles avaient été les exigences cérémonielles du président Hariri. Finalement, le litige ponctuel a été réglé juste à temps pour éviter un fâcheux impair diplomatique avec l’Ukraine arrivante. Mais auparavant, M. Hariri s’était répandu sur les ondes en déclarations incendiaires, faisant éclater au grand jour le conflit sur les prérogatives. À ce propos, les ministres sont divisés. Les modérés pensent que l’attaque haririenne était inopportune. Mais les partisans du chef du gouvernement affirment qu’il ne pouvait plus se taire sans compromettre les fondements et la bonne marche de l’État même. Pour ces responsables, en tentant de faire jouer au président du Conseil les simples figurants dans les prestations protocolaires officielles, on veut porter atteinte à ses pouvoirs constitutionnels. Du côté des fidèles du régime, on s’étonne de ce qu’en face on ait laissé filtrer des fuites en direction des médias au sujet du conflit entre les présidents. Selon ces sources, le tableau présenté à l’opinion est incomplet, d’une part. Et d’autre part, il n’est pas dans l’intérêt du pays que ses dirigeants lavent leur linge sale en public, car cela affecte la stabilité, la confiance et l’économie. On ajoute qu’il existe des textes et que tout le monde doit s’y conformer. On riposte enfin aux haririens en soutenant que nul ne cherche à affaiblir la présidence du Conseil. Mais que c’est au contraire M. Hariri qui se lance dans des attaques pour se renforcer abusivement, en mobilisant la rue. Certains pôles de ce camp avancent qu’il faudrait changer le gouvernement avant que les choses ne s’enveniment trop. Ils proposent une équipe de 14, toujours dirigée par M. Hariri, mais plus docile. Bien évidemment les haririens, qui s’appuient sur les décideurs en la matière, répondent que le changement de cabinet est hors de question, le pays ne pouvant se permettre le luxe d’une crise ministérielle. Quoi qu’il en soit, le ministre précédemment cité revient à la charge. Il est nécessaire, relève-t-il, que le protocole suive l’évolution des institutions. Il faut donc le réviser en fonction de la nouvelle Constitution. En tenant compte des observations du chef du gouvernement comme de celles du président de la Chambre. Le feuilleton se poursuit donc. Et pour beaucoup cela signifie que la campagne de la prochaine présidentielle, fin 2004, est déjà ouverte. Comme quoi l’on peut tout reprocher aux dirigeants locaux sauf de ne pas être en avance sur leur temps. Philippe ABI-AKL
Les bien regrettés Izzat Khorchid et Georges Haïmari, papes fondateurs du petit doigt en l’air à la levantine, doivent se retourner dans leurs tombes. On fait si mauvais usage des bons usages qu’ils avaient établis, on les politise tellement, qu’un ministre propose de modifier d’urgence les règles du jeu protocolaire. Pour atténuer un peu la querellite des présidents,...