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Actualités - OPINION

« La peine de mort est de rigueur... Safar-Barlik est de rigueur »

par Serge TOURSARKISSIAN (*) Il ne fait nul doute que la prise de conscience arabe et arménienne a commencé à prendre de l’importance, au fil du temps et grâce à plusieurs facteurs, internes comme externes. C’est-à-dire, grâce, surtout, à l’augmentation du taux d’alphabétisation, à la multiplication du nombre d’écoles, à la prise de conscience des droits dont jouissent les autres et à la diffusion des principes de la Révolution française. Le conflit qui a opposé les Arabes et les Arméniens aux forces d’Abdel-Hamid a joué un rôle prépondérant dans l’éveil du nationalisme chez les deux peuples. Le ministère ottoman de la Guerre a ainsi dû tenir une réunion secrète regroupant ses cadres à Istanbul le 24 janvier 1914 pour adopter la politique de la colonisation turque des pays arabes, y compris le plan de «turquification» et de remplacement de la langue et de la culture arabes par leurs équivalentes turques. La première démarche adoptée par Jamal Pacha a été de supprimer l’autonomie du Liban et de dissoudre son Conseil administratif, plaçant ainsi le pays sous le joug de la domination militaire turque. Il a ensuite ordonné de fermer les établissements pédagogiques et de modifier les programmes scolaires, pavant ainsi la voie à cette «turquification» galopante. Les pratiques entreprises par le «tyran juste» – titre qu’il se plaisait à se donner – ne se sont pas limitées aux tentatives visant à occulter l’identité arabe et à anéantir l’appartenance du Liban. Il a ainsi lancé une vaste campagne de répression et de restriction des libertés, donnant l’ordre de suspendre la publication de certains quotidiens libanais tels que Lissan al-Hal et Zahlé al-Fatat, et exigeant d’exiler, d’exécuter ou d’arrêter un certain nombre de rédacteurs, de journalistes et de poètes. Jamal Pacha, surnommé «le sanguinaire», se chargeait également, avec beaucoup de sang-froid, de signer lui-même les sentences capitales au Liban et en Syrie, en criant à chaque signature : «Pas d’indépendance… Pas de liberté ! C’est la peine de mort qui est de rigueur, c’est Safar-Barlik (ou l’exil) qui est de rigueur». Par conséquent, le 21 août 1915, la place des Canons au centre de Beyrouth a été la scène du premier crime, un crime qui s’est inscrit dans la longue série de meurtres et de massacres perpétrés par «le sanguinaire». En effet, ce jour-là, de nombreuses personnes ont été abattues, et à la suite de l’exécution du premier convoi, «le sanguinaire» a publié une «annexe» comprenant le nom de trois nouvelles victimes qui ont été également assassinées. Et pour ce qui est du second convoi, une partie de ses membres a été exécutée à la place al-Marjé à Damas, l’autre, à la place des Canons à Beyrouth, la nuit du 6 mai 1916. Les exécutions de Damas ont eu lieu au vu et au su de Jamal Pacha. Quoi qu’il en soit, concernant le convoi de Beyrouth, qui est au cœur du sujet, les martyrs ont été conduits par groupes de trois vers la place des Canons où les potences avaient été dressées. Le bilan a été lourd : 12 martyrs. À la fin de la Première Guerre mondiale, soit en 1919, le procureur général près la cour d’appel de Beyrouth a décidé de prendre les mesures qui s’imposaient. Des mandats d’amener furent émis au nom du «sanguinaire» pour qu’il réponde de ses actes. Toutefois, des révolutionnaires arméniens ont pris l’initiative, le poursuivant jusqu’à la ville de Tiflis et réussissant à l’assassiner en 1922. Ils ont ainsi réussi à libérer les deux peuples arabe et arménien d’un lourd fardeau. Et pour en revenir à nos innocents Martyrs, leurs camarades qui ont sympathisé avec leur cause n’ont épargné aucun effort pour leur rendre hommage et pour immortaliser leur souvenir. Ils n’ont eu de cesse de demander au gouvernement libanais de déclarer le 6 mai fête annuelle des martyrs, ces mêmes martyrs qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et l’indépendance du Liban. Et en clamant bien haut que les martyrs du Liban étaient tombés en défendant leur pays et non pas leur confession. (*) Député de Beyrouth.
par Serge TOURSARKISSIAN (*) Il ne fait nul doute que la prise de conscience arabe et arménienne a commencé à prendre de l’importance, au fil du temps et grâce à plusieurs facteurs, internes comme externes. C’est-à-dire, grâce, surtout, à l’augmentation du taux d’alphabétisation, à la multiplication du nombre d’écoles, à la prise de conscience des droits dont...