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Actualités - REPORTAGE

ARCHÉOLOGIE - Les travaux de restauration ont causé de sérieux dommages à l’édifice du XIVe siècle Lifting raté pour Souk el-Khan à Hasbaya (photos)

Il y a moins d’un mois, le Souk el-Khan à Hasbaya était un site archéologique presque inconnu des autorités libanaises. Sa restauration actuelle l’a toutefois rendu fort célèbre car elle a causé sa destruction partielle. En fait, les opérations visant à sa reconstruction et à sa mise en valeur ont fait fi de toutes les lois et chartes portant sur la protection des antiquités et ont causé de sérieux dommages à l’édifice qui remonte au XIVe siècle. Pourtant, les intentions de Mercy Corps, ONG américaine qui finance les travaux, sont au-dessus de tout soupçon. Cette ONG souhaite en effet «réhabiliter» le monument pour permettre à la municipalité de Hasbaya son exploitation touristique. Des décennies durant, Souk el-Khan était considéré par les habitants de Hasbaya comme de simples ruines pouvant servir, occasionnellement, de dépotoir. Mais cette vision a changé suite au projet de développement économique prévu pour la région par Mercy Corps qui est consciente du fait que le souk est un potentiel touristique à exploiter. À cette fin, la municipalité de Hasbaya, propriétaire de l’édifice, et l’équipe de Mercy Corps ont entamé la réhabilitation du site. Malheureusement, des bulldozers ont été utilisés pour le nettoyage du site. Les déchets domestiques et le remblai archéologique ont été ainsi mélangés et déblayés de l’intérieur de l’édifice. De ce fait, les responsables du projet ont, involontairement, détruit l’histoire du monument et l’ont dépouillé de son authenticité historique. «Les travaux que nous avons entrepris à l’intérieur de la cour du khan nous ont permis de le délimiter et de reconnaître son architecture», explique M Said Zaher, responsable du projet à Mercy Corps. Nous projetons même sa reconstruction, suivant les modèles relevant de la même période en Syrie et Jordanie, et sa transformation en un lieu touristique», poursuit-il. D’ailleurs, c’est dans cet objectif que l’organisation a engagé des tailleurs de pierre syriens pour retoucher les pierres à réutiliser. Cependant, la Direction générale des antiquités est intervenue sur les lieux avant la phase finale du projet. Son architecte, Khaled Rifaï, a visité le chantier et exigé un arrêt immédiat des travaux. «Les dommages causés à ce site sont malheureusement irréversibles et empêchent la lecture historique des vestiges, affirme M. Rifai. Le caravansérail, qui couvre une superficie supérieure à quatre mille mètres carrés, a perdu dans ces travaux plus de quatre-vingt pour cent de son histoire. Les pierres des murs effondrés ont été rassemblées au milieu de la cour par ordre de taille. Ce ramassage, sans aucune fouille archéologique, rend hypothétique toute explication donnée sur les causes de l’effondrement des murs et fausse toute restauration. Car la pierre utilisée n’est pas celle du mur». La retaille de la pierre vient s’ajouter à cette longue liste de maladresses. Plusieurs fois centenaires, les pierres, en bon état de conservation, sont recueillies par les ouvriers et retaillées, correctement, pour répondre à une nouvelle fonction. Ce qui les dépouille de leur authenticité historique et cause aussi le décapage de l’antique enduit. Le caravansérail a été construit en 1365 par l’émir Chéhab Abou Bakr afin de faciliter le voyage entre les villes côtières et la Békaa, et était alimenté en eau par une canalisation dallée de pierres acheminant l’eau de la fontaine Aïn Ara. Il est fort probable que le khan ait continué à servir à l’époque ottomane mais il n’est pas possible de déterminer la date exacte de sa destruction, faute de sources historiques. Les travaux ont dégagé les structures du khan et permis de faire son relevé architectural. Sa porte d’entrée a été ainsi déterrée, la cour intérieure dallée de pierres a été délimitée, les chambres à coucher à double étage et à voûtes ainsi que les écuries ont été mises au jour. «Nous avons aussi découvert une série de salles au premier étage, parallèles aux écuries, sans pouvoir toutefois définir leur fonction», souligne M. Zaher. L’architecte de la DGA, Khaled Rifaï, explique que «la fonction de ces chambres aurait pu être élucidée si elles avaient été fouillées correctement et non vidées des leurs couches archéologiques telles que le montre les tessons de poterie éparpillés sur le site». Souk el-Khan est le mauvais exemple de la réhabilitation des sites archéologiques. Au lieu de suivre les démarches administratives et présenter un dossier expliquant l’objectif de la restauration et la nouvelle fonction de l’édifice, on a laissé les bulldozers travailler directement sur le site alors que les responsables du chantier réfléchissaient à sa future fonction en se basant sur des mémoires d’études universitaires. Aucune étude préliminaire sur l’historique du bâtiment, les méthodes de restauration adéquate et une étude d’impact paysager et socio-économique sur la localité n’avaient été réalisées. D’ailleurs, l’équipe ne comptait pas d’archéologue ou d’architecte restaurateur parmi ses membres. Certes, Mercy Corps tente actuellement de réparer les erreurs commises en demandant à un bureau d’architecture d’effectuer des études historiques sur le bâtiment et de proposer la restauration. Mais suite à toutes ces «destructions», quels seraient les résultats de l’étude, dont la rigueur déciderait de l’avenir du bâtiment. La DGA prendra sa décision suite au dossier qui lui sera présenté. Il est important de souligner que Mercy Corps et, «suivant le délai fixé pour le projet de Hasbaya», comptait «restaurer le bâtiment, l’ouvrir au public comme lieu d’exposition des métiers artisanaux au mois d’août», comme l’a indiqué M. Zaher. D’ailleurs pour terminer, nous avons mobilisé deux équipes, une pour la nuit et l’autre pour le jour». Force est de constater que cette technique de travail est valable uniquement pour les chantiers de construction et ne touche pas les bâtiments historiques. À cela s’ajoute le facteur économique. Les deux cent cinquante mille dollars versés par la Mercy Corps pour la réhabilitation de Souk el-Khan et la construction du marché populaire sont insuffisants pour les études et les fouilles qui doivent être menées. Que va devenir alors ce site dégagé de son remblai centenaire et fragilisé par les intempéries. Est-il condamné à la destruction totale faute de moyens de restauration ou la Mercy Corps serait intéressée par la poursuite du travail selon les critères scientifiques ? La réponse nous sera donnée dans un proche avenir. La construction et l’organisation du souk populaire de Hasbaya Une habitude caractérise les mardis dans la région de Hasbaya, cette journée est celle du marché populaire. Commerçants, paysans, bergers et habitants se retrouvent aux alentours du Souk el-Khan pour animer le marché populaire dont la tradition remonte à l’époque des émirs Chéhab. Des animaux aux légumes, des habits au matériel agricole, plus de 5 000 personnes se retrouvent pour acheter et vendre. Ce souk est le troisième en importance dans tout le Liban-Sud, il relie le littoral à l’intérieur du pays. Le projet de développement de la région de Hasbaya prévu par la Mercy Corps consiste en fait à réaménager ce souk. Les cent soixante magasins, les nouveaux parkings et les routes goudronnées à sens unique serviront le marché. «Notre objectif est de transformer ce marché en lieu d’accueil agréable, utilisable les mardis comme marché et les autres jours de la semaine comme lieu de pique-nique», note M. Said Zaher, responsable de ce projet à la Mercy Corps. Les toits des échoppes du souk seront recouverts par des tapisseries réalisées avec un assemblage de feuilles de banane. Cette technique de travail inconnue au Liban sera enseignée aux femmes de Hasbaya par des animatrices venant de Jordanie. Ces tapisseries écologiques peuvent assurer à ces femmes des rentrées économiques. Joanne FARCHAKH
Il y a moins d’un mois, le Souk el-Khan à Hasbaya était un site archéologique presque inconnu des autorités libanaises. Sa restauration actuelle l’a toutefois rendu fort célèbre car elle a causé sa destruction partielle. En fait, les opérations visant à sa reconstruction et à sa mise en valeur ont fait fi de toutes les lois et chartes portant sur la protection des...