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Actualités - INTERVIEWS

Rencontre - En visite à Beyrouth, le patriarche melkite évoque la tragédie dans les territoires palestiniens Grégoire IV Laham : Il n’y a pas de résurrection pour l’un sans l’autre(PHOTO)

Né à Daraya, près de Damas, le patriarche melkite Grégoire IV Laham a passé vingt-six ans à Jérusalem (de 1974 à 2000) et, depuis, il a gardé la Palestine dans son cœur. Élu le 29 novembre 2000 à la tête de la communauté grecque-catholique, il a rejoint son siège à Damas, sans cesser d’œuvrer pour une plus grande tolérance dans le monde arabe. Son credo, c’est l’ouverture car, aime-t-il dire, on ne perd jamais dans un dialogue. Opposé à la violence et aux attentats-suicide, il estime terriblement injustes les agissements israéliens. Ce patriarche engagé croit toutefois qu’il existe un cercle de la paix qui, lui, n’est pas vicieux, l’essentiel étant d’y entrer. La communauté melkite étant très dispersée dans la région du Moyen-Orient, le patriarche partage son temps entre les différents diocèses. Il affirme n’avoir aucun problème avec la communauté au Liban, dont la présence est diluée dans la société. «La communauté n’est pas absente, les prélats interviennent lorsqu’ils le jugent nécessaire, mais notre voix est moins centrée sur celle du patriarche et nous participons à toutes les réunions des évêques chrétiens». Il affirme qu’il y a 350 000 grecs-catholiques au Liban et autant en Syrie, mais dans ce dernier pays, le nombre total d’habitants est plus grand. Il y a aussi des grecs-catholiques au Koweït, en Irak, en Palestine et en Jordanie. La présence de la communauté étant diffuse et étendue, les soucis du patriarche le sont aussi. «Nous avons une vision plus globale du Liban dans le monde arabe», dit-il. Le principal souci du patriarche est aujourd’hui ce qui se passe en Palestine. Derrière lui trône une superbe photo de Jérusalem, prise du toit de son évêché. «Dans les photos de la basilique de la Nativité à Bethléem, on voit aussi notre église». Pourquoi les combattants ne s’y sont-ils pas réfugiés ? «Notre église est exposée et fragile, celle de la Nativité est un véritable complexe, une forteresse inexpugnable». Les combattants ont-ils le droit de se réfugier dans une église ? «Bien sûr. Tout au long de l’histoire, l’Église a servi d’asile aux plus démunis, aux plus pauvres, aux guerriers et même aux criminels. Cela fait partie de sa sacralisation. Bafouer un lieu saint, c’est agresser les gens dans leurs croyances». Le Liban, une mission A-t-il des informations sur ce qui se passe là-bas ? «Notre vicaire patriarcal à Jérusalem me tient informé de tout ce qui se passe et il est en contact permanent avec ceux qui sont encerclés, même s’il y a des choses qu’ils ne peuvent dire au téléphone. Cette situation est inacceptable. La volonté d’humilier les Palestiniens dans toutes leurs valeurs est terrible. C’est comme si on disait que seule la loi de la force est valable. Il n’est pas possible de continuer ainsi. Il faut trouver d’autres moyens, la diplomatie, le dialogue, mais certainement pas cette force qui ne sème que la révolte et la haine. Ce n’est pas une guerre que les Israéliens mènent, mais une revanche. Je suis sûr que la société israélienne sortira traumatisée de cette expérience». Pourtant Sharon est plus populaire que jamais ? «Je n’en suis pas si sûr. Entre la fondation de l’État d’Israël et 1990, un million d’Israéliens ont quitté le pays. C’est pourquoi les autorités ont besoin d’un recrutement continuel et le bureau de recrutement a aujourd’hui une mission très difficile. La société israélienne est en danger et je suis convaincu que la victoire finale sera aux Palestiniens». Selon le patriarche, les juifs n’ont que la mer derrière eux, alors que les Palestiniens sont chez eux dans tout le monde arabe. «Les juifs sont donc plus acculés à vouloir la paix que les Arabes. Pourtant, l’initiative saoudienne leur a offert un droit de cité dans les pays arabes où ils ne seraient plus un corps étranger. Et cette initiative a été adoptée par tous les pays arabes au sommet de Beyrouth. C’est une chance pour les Israéliens et un vrai facteur de paix. Malheureusement, ils ont préféré la rejeter. C’est en tout cas une grande victoire pour le Liban que ce sommet ait été le point de départ d’une vraie paix au M-O. En servant de cadre à cette initiative, le Liban a montré qu’il est réellement plus qu’un pays, une mission». Au départ, il y a une occupation israélienne Grégoire IV estime qu’au Liban, l’ouverture doit être plus grande parce que les dangers le sont. «Le grand problème du Liban vient du fait que son peuple n’est pas uni», dit-il avec tristesse, tout en affirmant qu’au sein de la communauté melkite, le mot d’ordre est l’ouverture. Comment applique-t-elle ce mot d’ordre ? «Notre Église a commencé la traduction arabe de sa liturgie au XIe siècle. Nous sommes aussi très impliqués dans les dialogues œcuménique et islamo-chrétien. Pour moi, on n’est jamais perdant dans un dialogue». Comment entamer un dialogue avec les autres alors que les différentes Églises se parlent peu entre elles ? «C’est vrai que parfois nous ne réagissons pas assez vite et que nous ne communiquons pas suffisamment. En Terre sainte, nous organisions une rencontre en quelques heures. Mais ici, cela semble plus difficile, je suis encore nouveau. En tout cas, je vais lancer l’idée d’une rencontre spirituelle. Je suis convaincu que l’Église peut jouer un rôle important, surtout que la tragédie actuelle a une dimension religieuse». Pacifiste convaincu, le patriarche Laham s’était impliqué dans le processus de paix pendant ses années à Jérusalem. Il a assisté à la première intifada, aux accords d’Oslo et au début de la seconde intifada. «J’étais contre les actes de violence et je préférais qu’on en reste aux jets de pierres». Il est aussi opposé aux attentats-suicide, car c’est Dieu qui donne la vie et la retire. «Mais il faut essayer de comprendre pourquoi un homme ordinaire décide soudain de se priver de la vie. La détermination à se faire exploser résulte d’une explosion intérieure. C’est important du point de vue religieux et humain de comprendre. Tous ces noms que vous entendez à la télévision, je les ai visités pour aider les gens à lutter contre le désespoir, pour aider. Récemment, j’ai envoyé une lettre au président Bush, lui expliquant en trois pages que cela ne sert à rien de taper sur les Palestiniens. Cela ne les rendra que plus agressifs. D’autant qu’ils font de la résistance. En fait, on ne parle jamais de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Or c’est une agression, puisqu’ils ne leur laissent plus l’eau, l’air et l’espace vital nécessaire pour se développer. Tous les territoires palestiniens sont de grandes prisons et les villages entourés de colonies qui regroupent les Israéliens les plus extrémistes, alors que les autres, plus ouverts, restent en Israël. Le problème de l’occupation n’est jamais évoqué et cette terrible injustice pousse les Palestiniens à la révolte». Selon lui, le but est de pousser les gens à l’émigration, surtout les chrétiens, qui ont connu des vagues d’exode à chaque crise. «Ils constituent pourtant un élément d’équilibre, de convivialité et de dialogue dans la société. Les Israéliens veulent tuer, humilier, détruire l’élite pour donner à la population envie de s’en aller. Mais c’est une guerre perdue. Il faut plutôt établir un dialogue et donner leurs droits aux Palestiniens. Il faut surtout sauver l’homme et il n’y a pas de résurrection pour l’un sans l’autre». Une dernière question : on le voit participer à des meetings politiques en Syrie. Dans quelle mesure sa présence est-elle volontaire ? «J’y assiste de ma propre initiative. Je suis engagé dans la question palestinienne. Le pouvoir syrien ne se mêle pas de nos activités. Nos églises sont bondées de jeunes et je prépare pour janvier la publication d’une revue qui s’appelle La Rencontre». Toujours sous le signe de l’ouverture. Scarlett HADDAD
Né à Daraya, près de Damas, le patriarche melkite Grégoire IV Laham a passé vingt-six ans à Jérusalem (de 1974 à 2000) et, depuis, il a gardé la Palestine dans son cœur. Élu le 29 novembre 2000 à la tête de la communauté grecque-catholique, il a rejoint son siège à Damas, sans cesser d’œuvrer pour une plus grande tolérance dans le monde arabe. Son credo, c’est...