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Actualités - REPORTAGE

TOXICOMANIE - Soixante-quinze pour cent des demandeurs d’aide ont entre 14 et 21 ans Oum el-Nour tire la sonnette d’alarme : les moins de 13 ans se droguent aussi ! (photos)

Devant la recrudescence de la toxicomanie au Liban, notamment au niveau des mineurs de moins de 13 ans, il devient urgent d’accorder à ce grave problème de société la priorité qu’il mérite. Un problème qui se rapproche de chacun d’entre nous et entraîne les jeunes, de plus en plus tôt, vers la dépendance, sans distinction de leur éducation ou de leur appartenance socio-économique. C’est la raison pour laquelle l’association Oum el-Nour de réhabilitation des drogués a lancé une campagne de prévention, qui vise à sensibiliser les parents, ainsi que les établissements scolaires et universitaires. Campagne qu’elle a exposée lors d’une conférence au centre Tabbarah. Depuis 12 ans, Oum el-Nour entreprend de prendre en charge et de réhabiliter les toxicomanes des deux sexes, explique la directrice de l’association, Mona Yazigi. «Cette prise en charge ne peut se faire qu’à partir du moment où ils ont suivi une cure de désintoxication et qu’ils expriment la volonté de s’en sortir», précise-t-elle. Placés dans un des trois centres d’Oum el-Nour, pour une durée d’un an à 18 mois environ, ils suivent une thérapie qui se situe à différents niveaux : physique, psychologique, familial et social. Thérapie qui a pour objectif de leur apprendre à vivre, à travailler et à s’amuser, sans prendre de substance hallucinogène. Parallèlement, un programme est consacré aux parents des toxico-dépendants, afin de leur permettre de comprendre et d’aider leurs enfants. Au terme de leur prise en charge au centre d’Oum el-Nour et de leur réinsertion dans la vie active, les toxicomanes gardent le contact avec un groupe de soutien qui les aide à éviter la rechute. Par ailleurs, note Mme Yazigi, le bureau d’accueil de l’association est ouvert non seulement aux drogués, mais aussi aux jeunes à problèmes, à leurs parents et amis, délivrant informations et réponses à leurs interrogations. Nul n’est à l’abri de la drogue Vu le manque de statistiques officielles sur le nombre de toxicomanes au Liban, l’association Oum el-Nour utilise ses propres chiffres pour décrire une situation qu’elle juge aujourd’hui alarmante. Ainsi, déplore Mona Yazigi, «le nombre d’adolescents de moins de treize ans qui font appel à nous est en augmentation, 53 % des demandeurs d’aide ont entre 14 et 19 ans et 22 % sont âgés entre 19 et 21 ans». Et de préciser que durant la guerre, les toxicomanes, filles ou garçons, appartenaient à des milieux défavorisés, alors qu’à l’heure actuelle, ils sont majoritairement issus des milieux universitaires et même scolaires et appartiennent principalement à la classe moyenne. Par ailleurs, constate la directrice, de plus en plus de filles se présentent au bureau d’accueil, demandant l’aide de l’association, mais nous sommes malheureusement contraints d’en refuser un grand nombre, car la capacité d’accueil du seul centre pour filles, à Feytroun, est largement dépassée. «Nul n’est à l’abri de la drogue», prévient Mme Yazigi, ajoutant que le problème de la toxicomanie peut exister dans n’importe quel genre de famille, unie ou divisée, aisée ou pauvre. Et la responsable de l’association de mettre en garde, par ailleurs, contre le danger que représente la recrudescence de l’usage de drogues multiples. «Mieux vaut prévenir que guérir», lance Nagi Mansour au cours de sa présentation du programme de prévention d’Oum el-Nour. D’autant plus que la toxicomanie ne peut être soignée comme une maladie, suivant un programme de traitement médicalement établi. Il est très difficile pour un toxicomane de dépasser son problème et de mener, par la suite, une vie normale. «Et ce problème est d’autant plus grave, insiste-t-il, qu’il touche le corps et l’esprit de l’individu, et menace l’ensemble de la société. Certes, les efforts que nous déployons pour sortir les drogués de leur situation ne sont pas vains, mais les résultats sont incertains, car les possibilités d’échec sont nombreuses». Par ailleurs, M. Mansour déplore l’inertie de l’État qui tente, à l’instar de nombreux gouvernements du tiers-monde, de masquer ce problème de société, en taisant les statistiques, alors que le pays connaît une recrudescence de la toxicomanie. Un problème qui ne détruit pas seulement le drogué, prêt à tout pour se procurer sa dose de stupéfiants, mais aussi sa famille tant psychiquement qu’économiquement. C’est la raison pour laquelle l’association a décidé de développer un programme de prévention. Responsabilité de l’État, des parents et des établissements éducatifs «Mais nous ne pouvons continuer à lutter seuls», prévient Nagi Mansour, déplorant que le projet de centre de thérapie et de réhabilitation promis par l’État n’ait jamais vu le jour. Par ailleurs, reprend-il, la prison n’est pas la solution, car elle aggrave le problème. «Sans l’assistance d’Oum el-Nour, beaucoup de jeunes seraient morts à l’heure actuelle», dit-il. Face à cette situation dramatique, c’est la société dans son ensemble qui doit prendre conscience de sa responsabilité et se mobiliser pour tenter d’y remédier. «Tant l’État que les parents et les établissements scolaires ou universitaires doivent réagir et dépasser les tabous pour nous aider à développer ce programme de prévention». Et M. Mansour d’adresser un message aux parents, concernant notamment les fréquentations de leurs enfants et les lieux où ils se rendent. Certes, les raisons qui peuvent entraîner un jeune vers la drogue sont nombreuses, explique-t-il, et peuvent même être d’origine familiale. Mais, prévient-il, qu’elles soient d’ordre général ou privé, ces raisons découlent souvent du désir des jeunes d’assouvir rapidement un plaisir, d’autant plus que les jeunes Libanais ressentent une inquiétude, une peur de l’avenir. La drogue est pour eux un moyen de s’échapper, de ne plus ressentir cette inquiétude, explique M. Mansour. De toute manière, précise-t-il, c’est la présence simultanée de trois facteurs qui mène à la toxicomanie. Trois facteurs qui sont : la prédisposition, la difficulté qu’a le jeune à dépasser une période difficile et la rencontre avec la drogue. Même s’il n’y a pas de recette toute faite pour empêcher les jeunes de se droguer, il est important pour les parents de réaliser que leur part de responsabilité est grande, notamment dans leur façon d’éduquer leurs enfants. Une éducation qui se doit d’être saine, impliquant tant le père que la mère dans le partage des rôles et des responsabilités. «Ceux-ci doivent opter pour des décisions claires, mettant des limites et des règles à leurs enfant, tout en leur donnant amour et affection», conseille M. Mansour. Passer du temps avec ses enfants, les éveiller aux dangers qui les entourent, leur donner les bonnes réponses à leurs interrogations sont impératifs : une relation parentale équilibrée est la meilleure façon de procurer aux jeunes un environnement sain. «Permettre, par exemple, à son enfant de goûter à la cigarette ou à l’alcool, sous prétexte qu’il est mûr, est une erreur», insiste Nagi Mansour, ajoutant qu’on s’adonne à la drogue par sa propre volonté mais qu’on ne sombre pas volontairement dans la toxicomanie. À l’heure actuelle, la campagne de prévention se situe aux trois niveaux de la famille, de l’école et de l’université, souligne Nagi Mansour. D’un côté, nous informons, de l’autre, nous tentons de rechercher les causes du manque d’adaptation des jeunes, en encourageant le dialogue entre parents et enfants, entre professeurs et élèves. L’initiative est louable, certes. Encore faudrait-il que cet appel ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Anne-Marie EL-HAGE
Devant la recrudescence de la toxicomanie au Liban, notamment au niveau des mineurs de moins de 13 ans, il devient urgent d’accorder à ce grave problème de société la priorité qu’il mérite. Un problème qui se rapproche de chacun d’entre nous et entraîne les jeunes, de plus en plus tôt, vers la dépendance, sans distinction de leur éducation ou de leur appartenance...