Liban-Sud - Le Hezbollah poursuit ses attaques mais l’État hébreu temporise Le cabinet israélien donne encore « une chance à la diplomatie »

Le cabinet israélien a annoncé hier soir avoir décidé de donner encore «une chance à la diplomatie» pour venir à bout de la tension persistante au Liban-Sud. Cette décision a été prise au terme d’une journée particulièrement «chaude» sur le front des fermes de Chebaa occupées, où des attaques du Hezbollah ont entraîné des ripostes de l’aviation et de l’artillerie israéliennes. L’État hébreu, qui avait mobilisé des réservistes pour renforcer son dispositif à la frontière, a accusé la formation intégriste d’avoir élargi son champ de tir, en prenant pour cible une région située dans le nord du Golan syrien occupé. «Le cabinet a décidé de donner encore une chance à la diplomatie et compte sur une intervention américaine auprès de Damas pour que cessent les attaques», a déclaré à l’AFP un responsable gouvernemental israélien qui a requis l’anonymat. Le cabinet s’était réuni dans le courant de l’après-midi «pour discuter notamment de la situation devenue intolérable à la frontière Nord» d’Israël, avait indiqué auparavant un collaborateur du Premier ministre israélien Ariel Sharon. Au même moment, des combattants du Hezbollah bombardaient des positions de l’armée israélienne dans le secteur des fermes de Chebaa, entraînant une riposte de l’aviation ennemie au Liban-Sud, selon des sources policières libanaises. Ils ont tiré une dizaine de roquettes katioucha et d’obus de mortier, peu après 16h sur deux positions israéliennes dans les fermes de Chebaa, a-t-on ajouté de même source. «Un char israélien de type Merkava a été touché par un missile filoguidé Sager», a-t-on précisé. La chaîne de télévision du Hezbollah, al-Manar, qui diffusait en direct des images des tirs de la Résistance, a montré d’épaisses fumées noires se dégageant d’une des deux positions israéliennes visées. L’aviation israélienne a riposté en menant un raid et tirant trois missiles air-sol sur les abords de la bourgade de Kfarchouba, située à trois kilomètres à l’intérieur du territoire libanais, et un quart d’heure plus tard, deux missiles sur les abords de Hasbaya, a précisé la police, sans faire état de victimes. Les chasseurs-bombardiers ont continué par la suite de survoler la zone. La DCA du Hezbollah est en outre entrée en action contre des appareils qui ont survolé les secteurs central et occidental du Liban-Sud. Dans le même temps, l’artillerie de campagne et les chars israéliens, postés dans les fermes de Chebaa, ont en moins d’une heure tiré une centaine d’obus sur les environs des localités de Chebaa, Kfarchouba, Hebbariyé, Kfarhamam, al-Meri, Salamieh, Aïn Arab et Majidiyé. Un général israélien a affirmé que le Hezbollah a tiré hier «pour la première fois» sur le secteur nord du plateau syrien du Golan occupé. «Aujourd’hui (lundi), pour le neuvième jour consécutif, le Hezbollah a ouvert le feu. Comme d’habitude, les tirs ont d’abord visé le secteur de Har Dov (fermes de Chebaa). Et, comme chaque jour, ces tirs ont été étendus à des secteurs que, jusqu’ici, le Hezbollah se gardait de toucher», a déclaré le général Chouki Shihour, du commandement militaire du secteur Nord d’Israël, à la radio publique israélienne. «Aujourd’hui les tirs du Hezbollah ont visé le site touristique de Kalaat Namrod», une citadelle croisée située aux pieds du massif du Hermon, dans le nord du Golan. Ces tirs n’auraient pu se produire sans un accord de la Syrie, a souligné la radio, citant un haut responsable israélien. Un berger druze du village proche de Massadeh a été blessé par les tirs du Hezbollah, a indiqué la radio. Deux heures avant la nouvelle flambée de violence dans les fermes de Chebaa, l’artillerie israélienne avait tiré quatre obus sur les abords de Kfarchouba. Selon des sources proches de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), il s’agissait d’un tir d’entraînement des Israéliens. Des avions israéliens avaient en outre survolé vers midi le Liban, du sud au nord, à moyenne altitude, provoquant des bangs supersoniques, notamment au-dessus de Beyrouth, et un avion sans pilote a survolé les environs de Hasbaya. En matinée, l’armée israélienne avait annoncé avoir lancé des ordres de mobilisation de réservistes qui seront déployés à la frontière israélo-libanaise. Mobilisation de réservistes «À la suite de l’aggravation de la situation à la frontière Nord provoquée par le Hezbollah et d’une possible escalade, l’armée israélienne a mobilisé des réservistes en vue de déployer des renforts sur ce front», a indiqué un porte-parole militaire dans un communiqué. Il n’a pas précisé combien de réservistes étaient concernés. Israël avait multiplié les avertissements au cours des derniers jours, mettant en garde l’Iran et la Syrie, qualifiés de parrains du Hezbollah, et interpellant l’Onu sur la dégradation de la situation. Jusqu’à présent, Israël a adopté «une position de retenue face aux provocations du Hezbollah», a souligné le conseiller diplomatique de M. Sharon, Daniel Ayalon, cité par l’AFP. «Nous voulons la paix et la stabilité dans le Nord, mais notre patience a des limites», a-t-il dit. «Nous ne pourrons pas accepter longtemps cette situation», a déclaré, pour sa part, le secrétaire du gouvernement Gidon Saar. «Israël fait très attention, car une guerre dans le Nord entraînerait une guerre régionale», estime, quant à lui, Eyal Zisser, chercheur spécialiste de la Syrie et du Liban. «Jusqu’à présent, le Hezbollah n’a pas franchi la ligne rouge, il n’y a pas eu de civils tués, les provocations se concentrent sur des bases militaires. Mais lorsqu’on joue avec le feu, on ne sait jamais ce qui peut se produire», a-t-il ajouté. Pour lui, les actes du Hezbollah ont pour but de «faire savoir dans le monde arabe qu’il est le seul mouvement à soutenir les Palestiniens et à combattre Israël». «Le Hezbollah n’a pas de raison d’être s’il n’attaque pas Israël», opine Gerald Steinberg, expert militaire israélien. Mais, selon lui, l’État hébreu ripostera durement sur la frontière Nord lorsque l’offensive actuelle en Cisjordanie sera achevée. «La situation ne peut pas continuer ainsi et je pense qu’Israël s’attaquera à l’infrastructure terroriste du Hezbollah», a-t-il estimé. «C’est une question de jours», a-t-il dit. Selon la radio militaire israélienne, la riposte à la frontière Nord aurait été beaucoup plus dure si les soldats n’étaient pas déjà engagés dans des opérations en Cisjordanie.