Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Irak-Koweït - Le pas historique La grande nouvelle de Beyrouth : la réconciliation des frères ennemis

Si le monde arabe se nourrit de symboles, le sommet de Beyrouth a eu sa part d’images fortes. Mais le moment le plus intense, celui qui a enfin chassé des mémoires l’impact des déchirements internes, c’est l’accolade entre l’émir Abdallah et le vice-président irakien. L’amélioration de «la situation entre l’Irak et le Koweït» était certes dans l’air depuis l’ouverture du sommet, mais, habituées aux mauvaises surprises, les délégations arabes ne parvenaient pas à y croire. Et finalement, ce fut la grande nouvelle. Malgré le scepticisme de Washington qui se retrouve frustré d’une guerre, une page d’histoire est tournée. Lorsque le président irakien Saddam Hussein avait envoyé son numéro deux Ezzat Ibrahim dans les capitales arabes, avant la tenue du sommet de Beyrouth, il avait partout entendu le même langage : «Si l’Irak veut une condamnation claire de toute agression américaine contre lui, il doit régler son contentieux avec le Koweït». Le discours le plus ferme lui avait d’ailleurs été tenu en Syrie, dont le président Bachar el-Assad avait depuis son accession au pouvoir entamé un rapprochement notoire avec l’Irak. Il était impératif que l’Irak rassure le Koweït. Or, les écrits paraissant de temps à autre dans la presse de Bagdad, généralement contrôlée par le fils de Saddam Hussein Oudaï, ne font que jeter de l’huile sur le feu. À plusieurs reprises, au cours de l’année écoulée, les journaux irakiens avaient réitéré leurs menaces à l’égard du Koweït, rappelant qu’à leurs yeux ce pays n’a aucune existence légale et qu’il n’est qu’une province de l’Irak. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’échec de la mission de bons offices entamée par le roi Abdallah II de Jordanie après le sommet de Amman. Le secrétaire général de la Ligue arabe avait alors pris le relais, sans plus de succès. La situation paraissait totalement bloquée et le monde arabe commençait à désespérer de pouvoir un jour régler ce différend. Les événements du 11 septembre ont toutefois modifié la situation. Les monarchies du Golfe se sont retrouvées totalement fragilisées et incapables de résister à la secousse que représenteraient des bombardements américains contre un pays arabe et musulman. Quant à l’Irak, il a reçu des messages très clairs de ses frères arabes selon lesquels, si l’attaque américaine a lieu, elle sera fatale au régime irakien. Les menaces sont donc à prendre au sérieux. Saddam Hussein s’est alors résigné à faire preuve de réalisme, même si les milieux officiels irakiens refusent d’attribuer la détermination à se réconcilier avec le Koweït à la peur des menaces américaines. En dépit des déclarations officielles du genre «Saddam est très fort», il fallait trouver le scénario du rapprochement. Et le sommet de Beyrouth se présentait comme le cadre idéal de l’historique rapprochement entre l’Irak et le Koweït. D’autant que l’Irak y apparaissait moins isolé qu’avant grâce notamment à ses nouvelles bonnes relations avec la Syrie et bien sûr le Liban. Rien n’était pourtant encore joué, et à plusieurs reprises, Amr Moussa a retenu son souffle, craignant que les susceptibilités personnelles ne sabotent l’ambitieux projet. Ce fut notamment le cas pendant les réunions des ministres arabes de l’Économie, où chaque proposition de l’Irak était accueillie par un véto irakien et vice versa. Chaque délégation a dû contacter ses supérieurs pour prendre à chaque fois de nouvelles instructions. Mais le mot d’ordre était toujours le même : il faut à tout prix aboutir à un accord. L’Irak a donc commencé à faire preuve de bonne volonté. Le ministre irakien des Affaires étrangères Naji Sabri a donné le ton dans son discours pendant la réunion préparatoire. Mais le vice-Premier ministre koweïtien, cheikh Sabah Ahmed as-Sabah, est resté de marbre. Pendant la séance d’ouverture du sommet arabe, Amr Moussa annonce la libération par l’Irak du Koweïtien entré sur son territoire par erreur. Toujours pas de réaction chez cheikh as-Sabah. Il a fallu attendre le discours de Ezzat Ibrahim, dans lequel l’Irak reconnaît pour la première fois la souveraineté et l’indépendance du Koweït, pour qu’enfin, cheikh as-Sabah et la délégation qui l’accompagne applaudissent avec enthousiasme, au grand soulagement de tous les présents. Mais craignant qu’il ne s’agisse d’une manœuvre irakienne pour obtenir l’appui du sommet, les Koweïtiens voulaient un engagement écrit. Ils l’ont obtenu jeudi, le document ayant même été intégré au communiqué final du sommet. Et cheikh as-Sabah a déclaré qu’il était satisfait à cent pour cent de l’accord avec l’Irak, dont il a affirmé avoir rédigé les clauses. Pour le monde arabe, c’est un grand moment. Enfin, les dirigeants arabes ont montré un sens des responsabilités, suivant le chemin tracé par leurs populations qui ont déjà choisi la solidarité. Et, comme dans le monde arabe, les symboles sont aussi importants que les actes, la réconciliation ne pouvait que s’accompagner d’une accolade, elle aussi historique, devant les feux des projecteurs. L’émir Abdallah a ainsi serré Ezzat Ibrahim sur son cœur, mettant définitivement un terme à l’époque où l’Arabie saoudite servait de base américaine aux frappes contre l’Irak. Suivant l’exemple de l’émir, le cheikh as-Sabah a, à son tour, échangé une poignée de main avec le vice-président irakien. Ce n’est pas encore des relations «normales», la question des prisonniers et des disparus étant loin d’être réglée, mais enfin l’espoir est permis. Washington reste « profondément sceptique » Dans une première réaction tout à fait prévisible à l’accord entre l’Irak et le Koweït, le département d’État américain s’est déclaré «profondément sceptique» quant à l’intention réelle de l’Irak de respecter la souveraineté et l’indépendance du Koweït. «Si c’était vrai, ce serait bien», a déclaré le porte-parole du département d’État Richard Boucher, mais l’Irak a l’habitude déplorable de bafouer ses obligations internationales». Selon Boucher, l’Irak n’a jamais donné des preuves réelles de son intention de respecter la souveraineté du Koweït. Accord entre la Russie et les USA sur la révision des sanctions contre l’Irak Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le secrétaire d’État adjoint américain John Wolf a annoncé hier que les Russes et les Américains se sont mis d’accord sur une liste de produits civils que l’Irak pourra importer dans le cadre de la révision des sanctions de l’Onu contre Bagdad. Les Russes étaient restés plus prudents, se contentant de faire état de «progrès considérables». M.Wolf a toutefois affirmé que les deux jours de négociations ont abouti à un succès. «Il y a maintenant une liste unique. La prochaine étape aura lieu au Conseil de sécurité de l’Onu qui va rédiger un projet de résolution afin de donner force de droit à cette liste». Cette annonce est l’aboutissement du concept des «sanctions intelligentes». Mais le sommet arabe de Beyrouth a demandé la levée totale des restrictions contre l’Irak. Scarlett HADDAD
Si le monde arabe se nourrit de symboles, le sommet de Beyrouth a eu sa part d’images fortes. Mais le moment le plus intense, celui qui a enfin chassé des mémoires l’impact des déchirements internes, c’est l’accolade entre l’émir Abdallah et le vice-président irakien. L’amélioration de «la situation entre l’Irak et le Koweït» était certes dans l’air depuis...