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Actualités - CHRONOLOGIE

La clause sur le rejet de l’implantation : une « bataille » gagnée par le Liban

C’est une bataille, et non des moindres, que le Liban a remportée en obtenant l’addition, au texte de l’initiative saoudienne – devenue l’initiative arabe – de paix, d’une clause «garantissant le refus de toutes formes d’implantation des Palestiniens, qui est en contradiction avec les spécificités des pays arabes d’accueil». L’importance de ce texte, qu’Israël s’est empressé de rejeter, réside dans le fait que pour la première fois, une clause évoquant sans équivoque le sort des réfugiés palestiniens est explicitement associée à une initiative de paix. C’est ce qu’on s’accordait à relever hier soir dans les milieux politiques où l’on affirmait qu’en «bataillant» pour inclure le refus de l’implantation à l’initiative Abdallah, le Liban s’est paré contre le danger du maintien définitif sur son sol des quelque 400 mille Palestiniens qu’il accueille. Le texte de l’initiative arabe demande à Israël de (…) «parvenir à une solution équitable du problème des réfugiés palestiniens, qui fera l’objet d’un accord conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies». «À partir de ce moment-là, ajoute le texte, les États arabes (…) garantissent le rejet de toutes formes d’implantation des Palestiniens, qui est en contradiction avec les particularités des pays arabes d’accueil». Intraitable sur le dossier de l’implantation palestinienne qu’il rejette formellement, le chef de l’État, le général Émile Lahoud, a mis tout son poids dans la balance au cours des trois derniers jours pour convaincre les dirigeants arabes, notamment les Saoudiens et les Jordaniens, de la nécessité d’inclure la position du Liban au texte de l’initiative de paix. On sait que le comité de rédaction, qui avait achevé mercredi soir ses travaux, n’avait pas pu s’entendre sur la formulation du passage relatif aux réfugiés palestiniens et avait décidé de laisser aux dirigeants arabes le soin de trancher. Le matin, le général Lahoud a donc tenu une réunion avec le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud el-Fayçal, et le Premier ministre jordanien, Ali Abou Ragheb, pour tenter de trouver un compromis, selon une source de la délégation libanaise à l’AFP. Le président a essayé de sensibiliser ses interlocuteurs au bien-fondé de la position de Beyrouth qui ne peut tolérer une implantation susceptible de rompre radicalement l’équilibre communautaire dans le pays. Mais la Jordanie, selon une source d’une des délégations membres du comité de rédaction, a refusé la demande libanaise en faisant valoir que le royaume hachémite compte le plus grand nombre de réfugiés palestiniens, estimés à 1,5 million sur un total de 3, 7 millions. Intransigeant, le chef de l’État a campé sur sa position. Plusieurs formules ont été proposées pour répondre aux exigences libanaises, selon des sources officielles libanaises, mais elles ont été toutes rejetées par le général Lahoud qui souhaitait l’élaboration d’un texte ne pouvant pas prêter à équivoque et donner lieu à une interprétation quelconque susceptible de déboucher sur un maintien des réfugiés palestiniens au Liban. Le chef de l’État a fini par obtenir gain de cause et le comité de rédaction a adopté le texte proposé par Beyrouth mais en l’ajoutant non pas au chapitre des points requis d’Israël mais à celui de ce que les Arabes s’engagent à entreprendre. De sources proches de la délégation libanaise, on explique que si les Saoudiens et les Jordaniens ne voulaient pas consigner le point de vue des autorités libanaises, ce n’est pas parce qu’ils le contestent, mais parce qu’ils s’opposaient à une modification du texte de l’initiative. Ce qui explique l’élaboration d’une clause autonome exprimant la position du Liban. À cela, il est peut-être possible d’ajouter une autre raison : l’initiative arabe, jugée intéressante par certains responsables israéliens, aurait plus de chance de démarrer et de porter ses fruits au cas où elle ne ferait pas mention du droit des réfugiés palestiniens au retour qu’Israël rejette (tout comme il rejette le retour aux frontrières de 1967) en arguant du fait que cela changerait l’équilibre démographique en faveur des Arabes. De mêmes sources, on indique que l’importance de cet alinéa qui complète celui qui a été élaboré par le prince héritier saoudien Abdallah réside dans le fait qu’il empêche les Israéliens, au cas où ils accepteraient – à la reprise des négociations de paix – le principe d’un retour des réfugiés palestiniens, d’autoriser seulement ceux de 1948 à retourner dans les Territoires. Et pour cause : la résolution 194 date du 11 décembre 1948 et concerne donc les Palestiniens qui avaient quitté leur pays au cours de cette année. Or le Liban veut ôter à Israël tout prétexte d’obtenir, en arguant du texte de la 194, le maintien de ceux de 1967 sur son sol. Il veut aussi que ces derniers puissent également retourner dans les Territoires ou aller là où ils le souhaitent. Mais la question qui se pose est de savoir si la clause sur le rejet de l’implantation est exécutoire, si elle restera lettre morte comme nombre d’autres résolutions. En gros, quelle valeur a-t-elle ? Les autorités libanaises sont catégoriques : le passage relatif au rejet de l’implantation est incontestablement exécutoire. Et ce n’est pas sa seule caractéristique : comme il s’agit d’une résolution adoptée par un sommet, le Liban n’est plus engagé seul, avec la Syrie, dans sa lutte contre l’implantation des réfugiés palestiniens. Les Arabes se doivent d’assumer leurs responsabilités à ce niveau, du moment qu’ils ont solennellement entériné la position libanaise. De plus, l’initiative arabe de paix ne peut être concrétisée sans tenir compte de cet aspect du problème palestinien dont elle prévoit le mécanisme de règlement. Un mécanisme qu’Israël s’est empressé de rejeter, même si le plan arabe de paix implique implicitement des négociations avec Tel-Aviv sur ce point, du moment qu’il fait état d’une solution qui «fera l’objet d’un accord» conformément à la 194. Dans une déclaration à l’AFP, un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nachshon, a indiqué que l’initiative de paix est «inacceptable» dans sa forme actuelle car elle conduirait à la destruction de l’État juif. «Nous ne pouvons pas accepter le droit au retour (des réfugiés palestiniens). Cela conduirait à l’établissement de deux États palestiniens». Selon lui, la création d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et le retour des réfugiés en Israël mèneraient à la fin de l’État juif. Le texte de la 194 Nous reproduisons ci-dessous le texte intégral de l’alinéa de la résolution 194 sur les réfugiés. Il s’agit de la traduction française officielle du texte anglais. «L’Assemblée générale (des Nations unies), ayant examiné la situation en Palestine (…), décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les gouvernements ou autorités responsables». Tilda ABOU RIZK
C’est une bataille, et non des moindres, que le Liban a remportée en obtenant l’addition, au texte de l’initiative saoudienne – devenue l’initiative arabe – de paix, d’une clause «garantissant le refus de toutes formes d’implantation des Palestiniens, qui est en contradiction avec les spécificités des pays arabes d’accueil». L’importance de ce texte,...