Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Altitudes

Absences-record (et non des moindres!), étalage public des dissensions et des rivalités arabes et, pour couronner le tout, la lamentable, la grotesque affaire de la tribune satellitaire incompréhensiblement déniée à Yasser Arafat : on a beau avoir depuis longtemps perdu toutes ses illusions quant à la portée pratique de ce genre de réunion, la conférence des rois et chefs d’État de la Ligue, dont Beyrouth est depuis hier le théâtre, ne laisse pas de décevoir, à l’exception peut-être de la réconciliation koweïto-irakienne. Laquelle, d’ailleurs, devra encore traverser l’épreuve du temps. Car des assises de Beyrouth, bénies avec profusion par la communauté internationale, on pouvait attendre quelque bénéfice pour une juste cause arabe sans cesse contrecarrée par les manœuvres et arrière-pensées de ses propres défenseurs, au moins autant que par les menées israéliennes. On pouvait en escompter, de même, un début de réhabilitation du Liban dans sa position traditionnelle de confluent des diverses sensibilités arabes, que lui valait naguère une diplomatie des plus actives. Dès lors, diront les sceptiques, si ce sommet mérite bien son nom, c’est parce qu’au double plan régional et libanais, on en tombe d’un peu haut. Non point que l’adoption de l’initiative de paix saoudite lors de la séance de clôture d’aujourd’hui puisse poser problème. Après tout, ce projet n’a rien de révolutionnaire ni même de franchement nouveau, puisqu’il ne fait que reprendre l’idée d’un troc entre paix et territoires assortie de la promesse de relations normales avec Israël une fois réglé le contentieux : normalité qui va au-delà certes de simples relations diplomatiques et consulaires, mais qui reste en deçà de la «normalisation» que se laissait à évoquer au départ l’émir Abdallah. Et qui impliquait, elle, une association active des populations et des communautés d’affaires au processus de l’après-paix. Le débat est loin de se limiter cependant aux finasseries de rhétorique, lesquelles finissent toujours par enfanter d’un communiqué commun, et ce sont deux approches diamétralement opposées de la question qui ont été déclinées hier par le prince héritier saoudien et le président syrien Bachar el-Assad. En s’adressant directement à la population israélienne, le premier s’est efforcé de faire valoir l’inanité de toute violence dont l’usage, en effet, ne fait qu’éloigner les Israéliens de la sécurité à laquelle ils aspirent : sécurité qui, de fait, n’a jamais été plus précaire que depuis le jour où Ariel Sharon s’est chargé de la leur procurer. Appelant au contraire au soutien massif de l’intifada palestinienne, Assad est allé jusqu’à paraître justifier les attaques contre des objectifs civils, arguant qu’«en Israêl tout le monde est armé». Davantage peut-être que ce «choc des visions», ce sont les défections inattendues de l’Égyptien Moubarak et du roi de Jordanie, deux chefs arabes pourtant modérés, qui risquent d’ôter l’essentiel de son poids à l’initiative saoudite : cela au grand désespoir des États-Unis qui y voyaient, semble-t-il, un avantageux complément politique à leurs propres efforts, lesquels se limitent scandaleusement au seul objectif prioritaire d’Israël, à savoir l’arrêt des violences. Par-delà les explications parfois contradictoires, jamais convaincantes, qui ont été fournies à ces absences, se profile avec insistance, une fois de plus, la vieille émulation égypto-saoudite pour le leadership du monde arabe. Ce n’est que du bout des lèvres en effet, et après maintes manifestations de mauvaise humeur, que Hosni Moubarak a apporté son soutien public au plan Abdallah. Mais de là à laisser les Saoudiens ravir à l’Égypte son rôle de locomotive arabe, lequel lui vaut notamment une aide annuelle américaine de deux milliards de dollars, il y avait sans doute loin : d’autant, assurent les mauvaises langues au Caire et ailleurs, que, par leur démarche, les wahhabites se préoccupaient surtout, en réalité, de dissiper la crise de confiance surgie entre eux-mêmes et les États-Unis lors des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et de la stupéfiante révélation des filières de financement des réseaux islamistes radicaux, lesquelles remontaient jusqu’aux sphères les plus élevées de la famille royale ! Et nous, dans ces très fraternels échanges de bons sentiments ? Autant on peut se féliciter de l’insistance avec laquelle le président Lahoud, avant et durant ce sommet, a appelé au rejet de l’implantation des réfugiés palestiniens, autant le Liban sort peu grandi du triste incident de l’incroyable escamotage dont a été l’objet le discours télévisé d’Arafat. Peu de Libanais, certes, portent dans leur cœur l’homme qui a joué un rôle si néfaste dans le naufrage de leur pays. Mais nul ne comprend comment, et sous l’effet de quelle funeste incitation on a pu se résoudre à une opération aussi maladroite, aussi mesquine, aussi moralement indéfendable. Que craignaient au juste nos censeurs effarés par les risques d’interférences et autres parasitages? Que Sharon se ridiculise aux yeux du monde entier en coupant lui-même le sifflet au vieux séquestré de Ramallah cerné depuis près de quatre mois par les chars israéliens ? Qu’il lui ravisse la caméra et le micro pour haranguer les excellences, majestés et altesses arabes, ou alors pour leur entonner la Hatikva ? Était-il vraiment nécessaire, pour notre image de marque déjà loin d’être parfaite, d’essuyer l’esclandre d’un retrait indigné de la délégation palestinienne puis l’exigence d’excuses avancée par les Saoudiens, tout cela pour finir par s’en remettre aux laborieux efforts du premier ministre Rafic Hariri (dûment assisté par les incontournables Syriens, ultimes maîtres de toutes les choses et de leur contraire) afin qu’il ramène les Palestiniens à la conférence, nantis cette fois d’une garantie d’antenne pour leur chef ? On passera sur le navrant spectacle des bouderies de mardi, auxquelles ont cru devoir se livrer le même M. Hariri et le président de l’assemblée Nabih Berry qui, mécontents des dispositions protocolaires, ont peu courtoisement boycotté l’accueil des délégations arabes à l’aéroport. Le sommet s’achève mais que l’on se rassure : c’est vers de nouvelles hauteurs, comptez sur eux, que promettent de nous mener nos gouvernants, à l’heure des règlements de comptes. Domestiques, cette fois. Issa GORAIEB
Absences-record (et non des moindres!), étalage public des dissensions et des rivalités arabes et, pour couronner le tout, la lamentable, la grotesque affaire de la tribune satellitaire incompréhensiblement déniée à Yasser Arafat : on a beau avoir depuis longtemps perdu toutes ses illusions quant à la portée pratique de ce genre de réunion, la conférence des rois et chefs...