Interview du président des comités palestiniens de secours médical Moustapha Barghouti : « L’initiative Abdallah n’en est pas encore une »

Dirigeant du peuple palestinien (ex-parti communiste palestinien), une des plus importantes ONG palestiniennes, le Dr Moustapha Barghouti est également responsable du réseau des ONG palestiniennes. Responsable politique assez connu (il s’est présenté aux dernières élections) et militant actif au sein de l’intifada, ce médecin de formation reste persuadé que la Résistance nationale, «qui ne se résume pas à une résistance armée», a assurément enregistré plusieurs victoires contre l’État hébreu. Interrogé par L’Orient-Le Jour à l’issue de son intervention dans le cadre de la rencontre des ONG arabes à Beyrouth, réunies hier pour apporter leur soutien à l’intifada palestinienne, le Dr Barghouti a espéré que le sommet puisse «surprendre» le peuple palestinien quant à ses décisions. Autrement dit, les décisions des pays arabes qui se réuniront cette semaine à Beyrouth doivent être à la hauteur du défi, estime cet activiste. Sinon, la marginalisation du monde arabe s’accentuera. Parmi les objectifs à atteindre : la définition en profondeur de l’initiative du prince saoudien Abdallah. «L’initiative Abdallah n’en est pas encore une, commence par souligner le militant arafatiste. Elle est à peine une idée, une vision pourra-t-on dire, qui ne sera complète que lorsqu’elle s’inscrira dans un projet global». Moustapha Barghouti énumère les conditions qui feraient de cette initiative un véritable projet de paix en bonne et due forme, à savoir d’abord un engagement de la part des pays arabes à faire pression sur l’État hébreu de manière à exiger une paix globale contre un retrait global des territoires occupés. Il faudrait également que les pays arabes exercent un boycott total d’Israël, une condition qui doit figurer dans le texte, dit Barghouti. «C’est ce que j’appelle la politique de la carotte et du bâton». «Cette initiative ne saurait pas non plus ignorer les droits des réfugiés palestiniens. Enfin, et face à un retrait total, il s’agit de bien préciser qu’à l’emplacement des territoires occupés un État palestinien indépendant et souverain sera proclamé». Quoi qu’il en soit, ajoute M. Barghouti, «aucune nouvelle initiative ne doit être discutée en l’absence du chef de l’OLP. À l’instar des causes libyenne, syrienne ou irakienne, qui relèvent chacune de leurs pays respectifs, cette initiative concerne en premier et en dernier lieu le peuple palestinien, même s’il s’agit d’une cause arabe et par conséquent régionale», affirme M. Barghouti. «Israël est en train d’exploiter la possible présence de Arafat au sommet en exerçant des pressions politiques et en réclamant en contrepartie des concessions. Nous n’accepterons pas que des concessions soient faites préalablement à la levée des blocus», a-t-il ajouté, précisant que c’est d’ailleurs tout le peuple palestinien qui est pris en otage, à l’instar de Yasser Arafat. Sur la position américaine concernant la venue du chef de l’Autorité palestinienne, le Dr Barghouti affirme que les récentes positions du vice-président américain Dick Cheney ne traduisent aucun changement positif. «J’y perçois au contraire une position totalement alignée sur celle d’Israël, et cela ne correspond pas du tout à l’attitude que doit avoir une puissance telle que les États-Unis». Commentant enfin le rassemblement qui a regroupé plusieurs ONG venues de différents pays arabes pour soutenir l’intifada, et faire pression sur les participants au sommet arabe, Moustapha Barghouti a estimé qu’il s’agit d’une première qui traduit un éveil profond au sein des sociétés civiles arabes. Désormais, celles-ci ont leur mot à dire concernant les décisions prises lors des grands sommets arabes, estime le militant palestinien. «Nous voulons que cette réunion ait un impact aussi bien au niveau des médias qu’au niveau pratique des ONG», dit-il, en faisant allusion au plan d’action qui doit être décidé aujourd’hui par l’ensemble des ONG arabes et soumis aux pays participants au sommet. Est-il optimiste quant à l’issue de ce sommet ? «J’espère qu’ils nous surprendront (les pays arabes) quant aux décisions qu’ils prendront concernant la question palestinienne. Si les participants font preuve d’hésitation ou de faiblesse, le monde entier nous pointera du doigt et dénoncera l’absence d’une volonté commune arabe». Jeanine JALKH