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Actualités - REPORTAGE

Journée mondiale de la femme - Au Liban, trop de disparités dans les lois et d’inégalités dans les statuts (photos)

Comment est représentée la femme libanaise dans la loi ? Aux yeux de l’ensemble de la législation qui régit le statut de la femme au Liban, c’est une femme schizophrène que l’on obtiendrait, si l’on regardait de près l’ensemble des textes législatifs, les statuts personnels et enfin les conventions internationales auxquelles le Liban est partie. Entre la femme moderne, égale à l’homme à beaucoup d’égards, que prêchent certains textes de lois et la femme traditionnelle, soumise, victime ou déshéritée sur la base d’autres textes législatifs ou religieux, le sexe féminin se trouve tiraillé entre ces deux images, et souffre continuellement de dédoublement de personnalité devant le système des lois. Car on a beau moderniser les lois civiles, c’est en définitive le statut personnel qui continue de peser le plus dans la vie d’une épouse, dans ses rapports matrimoniaux, en instance de divorce par exemple, dans la relation d’une mère à ses enfants, d’une fille à son père pour les besoins de l’héritage, etc. Ayant démarré aussitôt après l’indépendance, le mouvement de lutte féminine au Liban a su dès le départ poser les problèmes de la condition féminine sous l’angle juridique. Les pionnières avaient compris qu’il fallait commencer par là. Une fois les premiers amendements acquis, elles ont réalisé que le véritable changement ne se produira qu’avec l’institution du mariage civil qui entraînera des conséquences multiples pour la femme sur le plan social. Les militantes d’aujourd’hui, à leur tête les juristes, partagent cette même conviction : seule l’abolition des statuts personnels pourra un jour améliorer la condition de la femme. Mme Alia Berti Zein, avocate à la cour et présidente de la commission «Droits et statut de la femme» à l’Union internationale des avocats, se souvient des premières manifestations en faveur du mariage civil. «À l’Ordre des avocats, il y avait eu une grève en 1952 qui avait duré six mois pour réclamer l’instauration du mariage civil. Depuis, plusieurs ONG ont repris le flambeau pour continuer cette lutte», explique l’avocate. Le seul moyen d’obtenir l’égalité totale devant la loi, c’est d’instituer une loi civile. Ainsi tout le monde sera jugé de la même manière par les tribunaux civils et l’égalité sera rétablie, commente la juriste. Lacunes, abus et disparités «La pluralité des régimes continue de caractériser le système libanais bien que, dans le préambule de la Constitution de 1990, le Liban ait renouvelé son acte de foi dans l’égalité totale en confirmant qu’il respectait les libertés publiques et protégeait l’individu conformément aux conventions des Nations unies et à la Déclaration des droits de l’homme», précise Me Zein. Les disparités viennent du fait que notre législation doit régir des communautés diverses par la foi qu’elles confessent. «Ainsi, il existe des règles qui s’appliquent à tous les ressortissants de l’État et d’autres aux seuls membres d’une communauté donnée, ce qui constitue une atteinte grave au principe de l’égalité des citoyens», relève Me Zein. Elle rappelle en outre les différents lacunes et abus que comportent les législations des différentes communautés religieuses qui concernent le droit de la famille, le droit matrimonial, la paternité, la filiation et le droit successoral. Obéissante à son mari, chez les communautés orthodoxes et évangéliques, la femme lui est carrément soumise chez les communautés mahométanes. Au sein de ces dernières, le droit successoral est inégalitaire entre hommes et femmes, souligne l’avocate. Elle précise en outre que l’un des aspects les plus manifestes de l’inégalité entre époux chez les chrétiens aussi bien que chez les musulmans est l’autorité paternelle, «l’importance du rôle de la mère étant dans la majorité des cas complètement reniée». Dernier exemple en date qui illustre le paradoxe juridique qui caractérise le statut des femmes, la ratification par le Liban de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw) en 1996, sous réserve de trois articles essentiels, les articles 9, 16, et 29. «Ces réserves apportées par l’État libanais vident la Convention de son sens», commente Alia Berti Zein. La première réserve, à savoir l’article 9 relatif à la nationalité, est en contradiction avec la loi libanaise en ce sens que «la Convention accorde à la femme des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants». La deuxième réserve, concerne l’article 16 de la Convention relatif à l’égalité des droits et devoirs dans les relations matrimoniales et dans les rapports familiaux. «Or, explique Alia Berti Zein, il s’agit là d’une chasse gardée au domaine du statut personnel, et cet article empiète clairement sur les attributions de ce dernier». Sonia Ibrahim Attié, avocate également et membre actif au sein du Comité de suivi des questions de la femme, estime elle aussi que l’obstacle majeur réside dans le statut personnel puisqu’il touche directement à la vie de la femme. Toutefois, dit-elle, le handicap majeur à l’abolition de ses statuts est d’ordre religieux. Or, dit-elle, cet argument n’est plus valable dans certains cas où des amendements peuvent être apportés sans pour autant toucher à la religion. «La question du droit de garde de l’enfant en cas de divorce, qui diffère d’une communauté à l’autre, peut par exemple être unifiée, car ce point juridique ne relève pas directement de textes religieux», suggère l’avocate, «contrairement au droit de succession qui figure dans un texte coranique par exemple». «On ne peut pas changer une loi tant que les esprits n’y sont pas préparés. Il faut qu’il y ait une conviction profonde de la nécessité d’un tel changement, sinon toute modification restera lettre morte», dit -elle. Sonia Ibrahim Attié évoque l’atmosphère de militantisme qui régnait dès les années 40, lorsque les femmes ont commencé par réclamer leurs droits politiques. En 1953, elles avaient déjà obtenu gain de cause, le Liban devenant le premier pays arabe à reconnaître les droits politiques de la femme. «C’était très important pour l’époque», explique Me Attié. «Même si aujourd’hui la femme libanaise n’est pas encore parvenue à des postes politiques, l’important est que la voie est grande ouverte». Exclue de la sphère politique Quel est donc le véritable handicap à l’accès de la femme à la sphère politique ? Une mauvaise stratégie d’action, estime Sonia Ibrahim Attié, qui reproche aux militantes de n’avoir pas su s’adapter à la vie politique libanaise et œuvrer en fonction de leurs objectifs. «Il ne suffit pas de réclamer, il faut agir et faire ses preuves», dit-elle. L’avocate préconise en outre un changement de la législation électorale qui puisse favoriser l’accès au Parlement de la femme, aussi bien que des hommes d’ailleurs, qui n’ont pas suffisamment de moyens pour financer une campagne. Bref, en récapitulant les acquis cinquante ans plus tard, on serait tenté de faire un bilan plutôt négatif. En définitive, peut-on dire aujourd’hui que la femme libanaise jouit de meilleures conditions juridiques qui font d’elle l’égale de l’homme ? Les acquis au niveau des lois lui ont-ils valu de meilleures conditions de vie ? «Sur le plan du droit civil, la femme est arrivée à une égalité totale avec l’homme, après les multiples amendements acquis à la suite des pressions exercées par les divers mouvements féminins notamment les premières militantes», affirme Alia Berti Zein. En droit pénal, il reste toutefois deux textes qui ont besoin d’être amendés pour qu’on puisse parvenir à l’égalité. Il s’agit d’une part des articles (487, 488, 489) du code pénal condamnant la femme adultère beaucoup plus sévèrement que l’homme, et l’article 562 qui fait bénéficier d’une excuse atténuante (depuis février 99), l’auteur du «crime d’honneur». Cette loi favorise uniquement l’homme car la femme ne bénéficie pas de ce traitement. «Nous demandons que cette loi soit abrogée et que le “crime d’honneur” soit considéré comme un crime de droit commun». Quoi qu’il en soit, le combat continue. Et s’il est vrai que la lutte au plan juridique reste primordiale, celle qui doit se faire parallèlement au niveau des mentalités est tout aussi fondamentale. Les dernières élections municipales qui ont connu une participation féminine importante illustrent parfaitement ce type de changement en voie de devenir. Jeanine JALKH
Comment est représentée la femme libanaise dans la loi ? Aux yeux de l’ensemble de la législation qui régit le statut de la femme au Liban, c’est une femme schizophrène que l’on obtiendrait, si l’on regardait de près l’ensemble des textes législatifs, les statuts personnels et enfin les conventions internationales auxquelles le Liban est partie. Entre la femme...