Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - Les pays sans trop de moyens doivent faire appel au droit international, estime Éric Canal Forgues Le Liban peut présenter un recours contre Israël devant la CIJ

Oui, le Liban peut présenter un dossier devant la Cour internationale de justice à La Haye pour réclamer des indemnités à Israël. Le débat qui a longuement occupé la scène politico-judiciaire a été tranché samedi au cours d’une conférence donnée par le professeur de droit international public Éric Canal Forgues. Devant un parterre d’hommes de droit, à leur tête le ministre Bahige Tabbarah chargé par le Conseil des ministres d’étudier le dossier, et le doyen de la faculté de droit de l’USJ, le Pr Hajj-Chahine, M. Canal Forgues a expliqué par quel biais le Liban peut s’adresser à la CIJ. De prime abord, le thème de la conférence paraissait plutôt technique. Il s’agissait de développer la compétence contentieuse de la CIJ. Mais avec son sens de l’à-propos et ses qualités d’orateur, le Pr Éric Canal Forgues a su choisir la question qui intéresse particulièrement les Libanais, notamment la possibilité de recourir à la CIJ pour réclamer des indemnités à Israël. On se souvient que lorsque la possibilité avait été évoquée, des voix s’étaient élevées affirmant qu’un tel recours équivalait à une reconnaissance indirecte d’Israël par le Liban et pour mettre un terme à la polémique, le Conseil des ministres avait demandé au ministre Tabbarah d’étudier la question. Pas de reconnaissance implicite Finalement, c’est le Pr Éric Canal Forgues qui a fait l’étude et qui a présenté ses conclusions à son auditoire dans le cadre des conférences organisées par le Cedroma. Le Pr Canal Forgues n’est d’ailleurs pas un inconnu pour le Liban. Il a donné des cours à la faculté de l’USJ et on lui doit l’une des rares études sur les arrangements d’avril 96 entre le Liban et Israël. Il commence sa conférence en rappelant que depuis le 11 septembre, beaucoup de notions que l’on croyait acquises ont été balayées, telles que la souveraineté, le territoire, la légitime défense etc. «Désormais, le besoin de justice est plus grand, d’où l’intérêt porté au droit international. L’incrimination est certes la grande affaire de ce siècle qui commence». Même si le Pr Canal Forgues ne croit pas beaucoup à l’efficacité du principe de la compétence universelle, actuellement adopté par la Belgique. «Si cette prétention à juger les criminels présumés, indépendamment du lieu où s’est produit le crime, se généralise, personne ne pourrait plus se déplacer, sans compter les problèmes posés par le fait qu’un juge non national puisse enquêter sur des crimes qui se sont produits dans un pays…». Le Pr Canal Forgues rappelle que dans cette région du monde, le droit international est souvent bafoué et que c’est effectivement le rapport de forces qui a poussé Israël à se retirer du Liban-Sud, mais malgré tout, les pays qui n’ont pas beaucoup de moyens militaires peuvent toujours essayer de recourir aux mécanismes du droit international. La compétence de la Cour internationale de justice, rattachée aux Nations unies, est limitée par l’acceptation des deux parties en conflit. Ce qui limite grandement son activité. Autre limitation, seuls les États peuvent la saisir d’une affaire. Mais si ces États ne se reconnaissent pas entre eux, comme le Liban et Israël, recourir à la CIJ ne constitue pas une reconnaissance implicite, selon le Pr Canal Forgues. C’est le même mécanisme lorsque le Liban dépose une plainte contre Israël à l’Assemblée générale des Nations unies. Nul ne l’accuse dans ce cas de reconnaître implicitement Israël et il n’y a pas de raison pour que ce soit le cas s’il présente un recours devant la CIJ, qui est l’une des institutions de l’Onu. Le premier obstacle étant soulevé, il en reste un autre de taille : comment recourir à la CIJ, puisqu’il semble impossible que les deux États parviennent à un compromis sur la saisine de la cour et que tous les deux ont rejeté la clause facultative qui reconnaît la juridiction obligatoire de la Cour ? La CIJ et la convention sur les génocides Reste une possibilité qui constitue la trouvaille du Pr Canal Forgues : une convention internationale que le Liban et Israël ont signée et qui autorise, dans un de ses articles, le recours à la CIJ en cas de conflit. C’est le cas de la convention de 1949 sur la prévention et la répression des actes de génocide que les deux pays ont signée. Il faudrait, dans ces conditions, que le Liban puisse démontrer que les actes commis par Israël au Liban peuvent être qualifiés de génocide. Pour cela, il faut des critères de temps et de quantité. Selon le Pr Canal Forgues, le Liban devrait pouvoir constituer un bon dossier sur la question, sans trop de difficulté. Comme c’est la CIJ elle-même qui tranche la question de sa propre compétence, une fois qu’elle s’est déclarée compétente, aucune des parties ne peut contester sa décision. Les arrêts de la CIJ sont définitifs, les parties peuvent simplement présenter des recours en interprétation sur un point précis. Les arrêts de la CIJ vont des sanctions à la réparation. La Cour peut ainsi décider d’indemniser la partie lésée ou de lui donner satisfaction en demandant à la partie fautive de présenter des excuses ou même des regrets…Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les modalités d’exécution de l’arrêt de la Cour, celle-ci peut prendre un arrêt supplémentaire pour fixer ces mêmes modalités… En conclusion, le Liban a donc une possibilité pour présenter un recours devant la CIJ, sans remettre en question sa position politique par rapport à Israël. Comme, dans ce domaine, il n’y a pas de prescription, il peut se baser sur des actes génocidaires remontant à 1982 ou même plus loin. Reste à préparer le bon dossier et surtout à prendre la décision…Mais celle-ci attend le Conseil des ministres…
Oui, le Liban peut présenter un dossier devant la Cour internationale de justice à La Haye pour réclamer des indemnités à Israël. Le débat qui a longuement occupé la scène politico-judiciaire a été tranché samedi au cours d’une conférence donnée par le professeur de droit international public Éric Canal Forgues. Devant un parterre d’hommes de droit, à leur tête le...