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Actualités - CHRONOLOGIE

Otages français - Iskandar Safa attend encore de nouvelles preuves de son innocence Selon les juges, il n’y aurait pas eu détournement de rançon

Deux mois après l’éclatement de la fameuse affaire des otages français du Liban et le prétendu détournement de rançon effectué par Iskandar Safa au profit de collaborateurs de Charles Pasqua, les juges français se rétractent. Les sommes suspectes ne seraient ainsi que des commissions versées à la suite de la vente de huit patrouilleurs lance-missiles au Koweït. Entre-temps, Safa a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, un de ses chauffeurs a été arrêté pendant 40 jours et sa réputation salie. En France comme au Liban, la justice a décidément de nombreux ratés. Deux mois durant, la presse française a enquêté, investigué, soupçonné et supputé, fouillant les archives et interrogeant toute personne impliquée de près ou de loin dans l’affaire des otages français du Liban, libérés en 1988. La raison de l’exhumation d’une affaire qui remonte à plus de dix ans ? Une note de la DST, transmise à la police judiciaire le 19 janvier 2001 et évoquant un éventuel détournement d’une partie de la rançon prétendument versée aux ravisseurs des otages français, au profit de proches collaborateurs de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur. Le dossier atterrit chez le juge d’instruction Isabelle Prévost-Desprez, en juin de la même année. Jusqu’au 8 décembre, la magistrate ne songe même pas à entendre Iskandar Safa, qui quitte Paris à cette date pour conclure un contrat de vente dans le Golfe. Et ce n’est que le 11 décembre qu’il apprend sa convocation devant la brigade financière. Il demande un délai à Mme Prévost-Desprez qui a délivré la commission rogatoire à la brigade financière et quelle n’est sa surprise de se voir l’objet d’un mandat d’arrêt international quelques jours plus tard. Iskandar Safa a aussitôt flairé le coup fourré et il a préféré prolonger son séjour entre le Liban et le Golfe, le temps de laisser la justice française se calmer. Affaire de commissions Il a ainsi attendu deux mois et demi. Et voilà que le 19 février dernier, le quotidien français L’Est républicain, qui était à l’origine de l’ouverture d’une enquête sur le prétendu détournement de rançon, publie un article ayant pour titre : «Otages du Liban : exit la piste de la rançon». Selon le quotidien, les juges d’instruction parisiens Isabelle Prévost-Desprez et Philippe Courroye pensent aujourd’hui que les fonds qui auraient été versés aux proches de Pasqua – notamment à sa collaboratrice Marie-Danièle Faure et à l’épouse du député européen Jean-Charles Marchiani – proviendraient de commissions versées à l’occasion de la vente en février 1995 de huit patrouilleurs lance-missiles construits par la société CMN (Constructions mécaniques de Normandie) qui appartient à Iskandar Safa et à son frère Akram. Toujours selon le quotidien régional français, proche des juges, ce contrat d’un montant de 2,3 milliards de francs constitue la plus belle transaction réalisée par M. Safa. Deux sociétés appartenant à son groupe auraient alors reçu 28,6 millions de francs, dans le cadre de cette transaction, et cette somme aurait été reversée dans le compte de M. Safa à Genève. Une partie de cette somme aurait été virée au compte de Safa à Paris. Ce serait donc là l’origine des 14 millions de francs retirés en espèces entre décembre 1995 et janvier 2001 du compte parisien de Safa et remis dans des enveloppes aux proches de Pasqua. C’est du moins la conclusion à laquelle aurait abouti l’enquête de la brigade financière, agissant sur commission rogatoire des juges. Safa et la reconnaissance de son innocence Le dossier juteux s’avère donc inexistant, mais M. Safa attend toujours sa réhabilitation. Interrogé par L’Orient-Le Jour, son avocat libanais Me Maroun Haddad estime que la nouvelle conclusion de l’enquête n’aboutira pas nécessairement au retrait du mandat d’arrêt international émis contre son client. Selon lui, il faut rester circonspect et attendre la suite des événements. Car, dans le traitement de ce dossier, la justice française n’a pas fait preuve d’une grande sérénité. «Pourquoi, se demande Me Haddad, le juge n’a-t-il pas attendu les investigations de la brigade financière avant de lancer son mandat d’arrêt international ?» «Dans ce cas précis, ajoute l’avocat, il y a eu une véritable enquête à rebours, puisque l’enquête préliminaire a été doublée par la commission rogatoire dont le rôle se limite pourtant en principe à effectuer des suppléments d’enquête». L’avocat se demande aussi pourquoi l’un des chauffeurs de Safa, M. Chbeir, a été maintenu en détention provisoire pendant 40 jours, avant même que l’on se soit assuré de la véracité du détournement de la rançon. D’autant que la plupart des acteurs dans la libération des otages français avaient affirmé qu’une telle rançon n’existait pas. Selon Me Haddad, son client préfère attendre avant de se présenter devant le juge d’instruction français, car il se peut que de nouveaux éléments apparaissent et démontrent son innocence de manière encore plus éclatante. L’avocat précise qu’il aurait été très facile pour les juges d’éviter tout ce cafouillage en commençant par rechercher réellement les informations au lieu de lancer des accusations. Il aurait été bien plus simple de consulter le dossier de nationalité d’Iskandar Safa, obtenu deux ans après avoir présenté la demande, pour voir s’il y a un lien entre la libération des otages et l’obtention de la nationalité par M. Safa ou, selon les termes juridiques, s’il y a réellement eu «trafic d’influence aggravé». Les juges avaient mené leur enquête sur base du témoignage du second chauffeur de M. Safa, qui avait révélé avoir remis aux proches de M. Pasqua des enveloppes qui pouvaient contenir de l’argent et sur celui de l’une des secrétaires de Safa. Françoise Fleur avait déclaré : «Je pense que Safa voulait acheter l’influence de ces hommes de pouvoir, mais à quelle fin, je ne saurais le dire sinon qu’il y avait des services rendus». À cela, Me Haddad répond que l’avocat de Chbeir, Me Bienvenu Kanga, a déclaré à la presse que le marché suivant avait été proposé à son client : s’il signe des aveux préétablis confirmant les prétendus versements, il sera remis en liberté, sinon, il ira en détention provisoire. Ce qui s’est réellement passé. «Dans ces conditions, souligne l’avocat, on peut se demander si les dépositions de l’autre chauffeur et de la secrétaire sont vraiment crédibles». En tout cas, aujourd’hui, l’affaire semble prendre une nouvelle tournure. Chbeir est remis en liberté et les juges reconnaissent qu’il n’y a pas eu détournement de rançon. Reste «le trafic d’influence aggravé». Mais Me Haddad a bon espoir de voir tout le dossier clos. L’affaire est bien trop mal partie... Scarlett HADDAD
Deux mois après l’éclatement de la fameuse affaire des otages français du Liban et le prétendu détournement de rançon effectué par Iskandar Safa au profit de collaborateurs de Charles Pasqua, les juges français se rétractent. Les sommes suspectes ne seraient ainsi que des commissions versées à la suite de la vente de huit patrouilleurs lance-missiles au Koweït....