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Actualités - ANALYSE

MÉDIAS - La LBC se déchaîne contre le gouvernement, la NBN contre la LBC Qu’y a-t-il derrière la guerre, ouverte et furieuse, des télévisions ?

Tout a commencé avec cette décision, rendue publique ex abrupto, du gouvernement Hariri d’abolir la protection des représentations commerciales. Une décision – une fois n’est pas coutume – à laquelle avait immédiatement applaudi le n° 2 de l’État, Nabih Berry. Une décision – c’était inévitable – qui avait déclenché les bruits et les fureurs des agents exclusifs, ceux de nombreux responsables politiques ou de pôles économiques, mais également ceux d’une grande partie des médias, écrits comme audiovisuels. En tête desquels, entre autres, la LBC. La LBC – elle n’était pas la seule – a immédiatement enclenché une campagne médiatico-politique tous azimuts contre la décision de Rafic Hariri et de son équipe. Une campagne «outrancière», accuseront les abolitionnistes, mais qui, tout naturellement, logiquement presque, a dépassé le strict cadre de l’agence exclusive, pour mettre dans la ligne de mire l’ensemble de la politique du gouvernement Hariri. Ainsi, depuis quelques jours, la LBC a mis le doigt là où ça fait mal : les factures impayées de l’EDL, la Caisse des déplacés, le Conseil du Sud, les revendications de la CGTL, les rémunérations des enseignants du service public. En gros, la LBC a simplement rappelé, si tant est qu’un Libanais ait pu l’oublier, la constante du jour – même si elle date de plus d’une dizaine d’années : le gaspillage. Et arguant que la télévision d’Adma avait dénoncé les impayés de l’EDL («les mohafazats de Beyrouth et du Mont-Liban payent 87 % des factures»), qu’elle avait dénoncé l’inutilité, désormais, du Conseil du Sud – citant un député haririen, et citant même le ministre d’État Béchara Merhej – arguant aussi que la LBC avait laissé clairement sous-entendre que la Caisse des déplacés était manipulée par Rafic Hariri. D’autres télévisions (New TV, Future TV et, surtout, la NBN) ont accusé la LBC d’user et d’abuser de slogans confessionnels, voire même sectaires. Et de vouloir préserver coûte que coûte l’exclusivité publicitaire. Daher, Hajjar, Mahfouz, Baalbacki et Addoum Réplique immédiate de Pierre el-Daher, le PDG de la Lebanese Broadcasting Corporation, à l’agence Al-Markaziya : «La LBC va poursuivre sa politique d’opposition, objectivement, dans le but de rectifier le tir», a-t-il déclaré, alors que l’on murmurait que des négociations avaient eu lieu au cours des dernières heures pour essayer de mettre un terme à la polémique qui va crescendo. «Certains essayent de circonscrire le problème au seul aspect publicitaire. C’est idiot, et ça ne nous concerne pas. Même s’il a sans doute été le déclencheur de notre campagne» contre l’abolition des agences exclusives. «Il fallait bien que l’on commence de quelque part. Mais ce qui nous motive, c’est la situation économique dangereuse : elle régresse, sans qu’il n’y ait aucune ébauche sérieuse de solution. Nous estimons d’ailleurs que le gouvernement sait pertinemment où sont les lacunes, mais pour des raisons qu’il connaît et que nous ignorons, ce gouvernement ne fait en rien ce qui lui est demandé. Et nous nous posons des questions sur ce retard dans la recherche des solutions. La crise économique touche tous les Libanais, et toutes les communautés, et nous refusons d’être de faux témoins», a conclu Pierre el-Daher. Mohammed el-Hajjar, le député haririen de l’Iqlim el-Kharroub élu sur la liste Joumblatt, n’a pas attendu longtemps pour critiquer place de l’Étoile, oubliant sa réserve légendaire, le «discours confessionnel» d’une certaine chaîne de télévision, appelant le procureur général Adnan Addoum à aller voir ce qui se cachait derrière tout cela. Justement, Adnan Addoum n’a pas attendu, lui aussi, longtemps. Pour affirmer la non-ingérence du parquet dans la polémique «qui oppose deux médias dans le cadre de l’abolition de la protection des représentations commerciales». Et de bien préciser que «toute mesure qui serait prise à l’encontre d’un média est liée à la loi sur l’information et à une décision du ministre (de tutelle) basée sur une proposition ou une recommandation du CNA. Mais s’il apparaît au parquet que certaines parties abusent des slogans confessionnels et sectaires, eh bien le parquet interviendra et poursuivra les auteurs de ces crimes et ceux qui s’en font les complices». Le directeur du Conseil national de l’audiovisuel, Abdel-Hadi Mahfouz, a pour sa part appelé à la tenue d’une réunion, demain mercredi, des représentants des médias audiovisuels, pour débattre de ces polémiques médiatiques entre «un certain nombre de télévisions». Exhortant également toutes les parties à cesser les campagnes. «Surtout qu’elles ont pris une coloration confessionnelle – ce qui ne peut, dans tous les cas, que nuire à la situation générale. Le CNA va se contenter d’appeler au calme, il n’y a donc aucune sanction à l’encontre de qui que ce soit», a-t-il précisé. Quant au président de l’Ordre de la presse, Mohammed Baalbacki, il a lui aussi appelé à une réunion de l’Ordre, prévue pour lundi prochain. Pour étudier, a-t-il dit, «les conséquences et les résultats de la décision d’abolition de la protection des représentations commerciales sur les recettes publicitaires de l’ensemble des médias». Rappelant que l’article 39 de la loi sur l’information audiovisuelle stipule l’interdiction de l’exclusivité publicitaire, et qu’il est plus qu’urgent de débattre, en vue de son envoi place de l’Étoile, d’un projet spécial sur l’organisation de l’information. LBC vs NBN Et pendant ce temps, la LBC, au cours de l’ouverture de son 20 heures d’hier, s’est lancée dans une attaque au vitriol contre l’ensemble de ses détracteurs – ceux qui, selon elle, s’arrogent «l’exclusivité du timing». «Si ce n’est pas maintenant que nous pouvons parler du gaspillage, du Conseil du Sud, de la Caisse des déplacés, des impayés de l’EDL, dites-nous donc quand est-ce que nous pouvons le faire». Le ton est donné, le sujet sur les impayés de l’électricité est lancé, et l’antenne est donnée au député du Kesrouan, Farid el-Khazen, qui appelle presque les Libanais à la désobéissance civile. Il dénonce l’État «présent ici et absent là-bas», assène que la perception, comme la non-perception, des factures de l’EDL est «une décision politique», il propose que l’État «coupe l’électricité à ceux qui ne payent pas», et en cas contraire, invite les Libanais, «tous les Libanais qui payent leurs factures, à cesser tout payement. Nous verrons bien qui gagnera», a-t-il conclu. Pour sa part, le présentateur du journal de la NBN s’est lancé dans une diatribe tout aussi lyrique contre ceux qui «s’arrogent l’exclusivité de la parole libre», ceux qui «travestissent la vérité, manipulent l’opinion publique en menaçant du pire si jamais la protection des représentations exclusives était levée». «Mais plus personne n’est dupe», a-t-il asséné. Et la NBN de répondre ensuite à Pierre el-Daher : «Ce qui nous a frappés dans sa déclaration, c’est qu’il qualifie d’idiote la volonté de certains de limiter toute l’affaire à son seul côté publicitaire. Et que ça ne le concerne pas. Nous disons à Pierre el-Daher que si l’exclusivité publicitaire ne le concerne pas, eh bien, elle nous concerne. Sûrement. Et concerne des centaines d’employés et des dizaines de médias», a-t-il dit. Il n’en reste pas moins qu’une question se pose, d’elle-même : au-delà de la guerre des télévisions, derrière cette (petite) partie visible de l’iceberg, qu’y a-t-il ? Au-delà de l’abolition de la protection – une mesure que d’aucuns sont largement en droit de contester – il y a, comme toujours, la troïka. Ses intérêts, surtout ceux de chacun de ses trois membres, et les conflits d’intérêts. L’affaire, incontestablement, est à suivre. Z.M.
Tout a commencé avec cette décision, rendue publique ex abrupto, du gouvernement Hariri d’abolir la protection des représentations commerciales. Une décision – une fois n’est pas coutume – à laquelle avait immédiatement applaudi le n° 2 de l’État, Nabih Berry. Une décision – c’était inévitable – qui avait déclenché les bruits et les fureurs des agents...