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Interview - Carlos Eddé analyse la situation économique et politique Le Amid du BN : « Le Liban n’a pas les moyens de ses dépenses ». (PHOTO)
Par JALKH Jeanine, le 25 février 2002 à 00h00
«Pour bien comprendre ce qui se passe au Liban en ce moment, il faut se rappeler la fameuse fable de La Fontaine : La Cigale et la Fourmi». C’est à partir de cette image allusive que le Amid du Bloc national Carlos Eddé a entrepris une évaluation de la situation économique et financière en évoquant l’idée de la cigale qui, «ayant chanté tout l’été», ne pouvait que se trouver «dépourvue quand la bise fut venue»... Ainsi, estime le leader du BN, le Liban n’a jamais eu les moyens de ses dépenses, et cela, depuis les années 80, mais plus particulièrement à partir de l’effort de reconstruction de l’après-guerre. «Les investissements et les dépenses entrepris par le Premier ministre Rafic Hariri devaient préparer le pays à servir de plate-forme pour une reprise économique en prévision de la paix, rappelle Carlos Eddé. Or, des excès ont eu lieu durant cette période et de mauvaises habitudes se sont installées. Le Liban n’avait pas les moyens des dépenses excessives qui ont été engagées, des abus au niveau de l’emploi qui ont été commis et des privilèges qui ont étés octroyés». Quand, plus tard, il était devenu évident que la paix n’était plus à portée de main, un plan sévère d’austérité aurait dû être mis en place. Or, il ne s’est trouvé personne avec le courage nécessaire pour le proposer, et surtout pour le mener à terme, déplore le leader du BN en faisant une rétrospective des erreurs de l’époque. Décisions arbitraires Maintenant que la crise est devenue critique, la classe politique se rend compte que le problème ne peut plus être reporté. C’est en voulant s’attaquer au déficit que le gouvernement cherche à augmenter les recettes par le biais de taxes et d’impôts supplémentaires. «Le principe est bon dans l’absolu, dit Carlos Eddé, quoique son application soit impopulaire, surtout en période de crise». C’est toutefois le caractère arbitraire de ces décisions, qui ont été prises d’une manière prématurée, que le leader du BN reproche aux responsables. Carlos Eddé se prononce en principe en faveur de la TVA, «Le gouvernement a besoin de recettes supplémentaires», dit-il. «On ne peut pas éviter ce genre de mesures, même s’il est injuste que la société paye les défaillances des politiques du passé». «Si son application laisse à désirer, c’est justement à cause du délai exigu et des moyens limités dont jouissaient les finances pour mener un tel projet à bon port. L’implantation d’un tel système de collecte d’impôt provoque, même dans des conditions idéales, des problèmes. Que dire alors lorsqu’une telle décision est prise d’une manière aussi précipitée ?». Et de préciser que rien n’est plus déconcertant que l’idée d’une nouvelle taxe que le citoyen paye à l’État alors que ce dernier n’a absolument rien fait pour limiter les privilèges personnels injustifiés comme ceux dont jouit le corps de l’armée ou réduire les effectifs superflus de l’administration qui saignent le budget de l’État. Ces nouvelles impositions sont d’autant plus impopulaires que «l’État est incapable ou refuse tout simplement de percevoir les taxes et les impôts qui sont dus par certains secteurs de la société et qui pourraient servir pour réduire le gaspillage comme les factures de téléphone, d’électricité ou encore de se faire indemniser pour les abus commis au détriment du domaine maritime», poursuit M. Eddé. S’il est quelque part justifié d’augmenter les taxes pour accroître les recettes du Trésor dans le but de réduire la dette, le fait de rester passif devant le clientélisme politique signifie que les énormes sacrifices demandés à la société auront été inutiles, fait remarquer le Amid. Carlos Eddé n’est d’ailleurs pas moins critique en ce qui concerne l’abolition des agences exclusives. C’est une décision qui, une fois de plus, a été prise trop rapidement, avec «amateurisme», dit-il. Pour le Amid du BN, d’autres moyens auraient pu être mis en place pour défendre le consommateur, élément-clé de l’enjeu économique, et ces mécanismes existent dans un décret-loi de 1983 et dans son décret d’application de 1992, qui permet au gouvernement de retirer certains produits du contrôle des représentants exclusifs afin d’éviter des abus de la part de certains commerçants. Or, dit-il, cet aspect a été complètement ignoré par ce projet de loi. D’ailleurs, aucune étude scientifique sur les effets d’une telle décision n’a été effectuée préalablement. «Il faut encourager la création des ONG pour la défense du consommateur et préparer des lois antitrust», préconise le président du BN. Quelle issue pour cette crise ? Pour le Amid, il n’existe pas de solution sans une injection importante de moyens financiers sur le marché libanais à travers des prêts à long terme et des investissements dans le secteur privé. «Pour cela, il faudrait que le gouvernement puisse donner confiance aux capitaux en adoptant un plan sérieux de redressement économique accompagné d’une campagne d’information, afin de le préparer aux inévitables sacrifices qu’un tel projet exige. Devant un plan logique et en présence d’une équipe crédible, le Liban pourra compter sur la collaboration de la population et sur les investissements nécessaires», note M. Eddé. Car, dit-il, on aura beau essayer d’augmenter les recettes par tous les moyens, cela n’aura aucun effet sur la dette tant que le climat politique, et par conséquent économique, n’aura pas été assaini. Un véritable contrat de confiance doit par conséquent être établi entre les citoyens et l’État, et entre ces derniers et les investisseurs que rien encore n’attire au Liban. Un changement de gouvernement est-il nécessaire selon le Amid du BN ? «Plus important que de changer de gouvernement, il faut changer de politique, ou mieux encore il faut en avoir une», dit-il. Cela suppose aussi écarter les risques de guerre en évitant ce que Carlos Eddé appelle les «déclarations belliqueuses». Ceux qui veulent provoquer Israël dans cette période servent les intérêts de l’État sioniste «qui ne souhaite que le sous-développement du Liban. Un pays faible comme le nôtre doit utiliser comme bouclier le droit international, l’appui de l’Onu et les forces de sécurité. Son épée devrait être le développement économique et social, car il ne faut pas uniquement penser à la guerre, mais à la compétition qui suivra un jour lorsque (et si) le conflit prendra fin», conclut le Amid. Jeanine JALKH
«Pour bien comprendre ce qui se passe au Liban en ce moment, il faut se rappeler la fameuse fable de La Fontaine : La Cigale et la Fourmi». C’est à partir de cette image allusive que le Amid du Bloc national Carlos Eddé a entrepris une évaluation de la situation économique et financière en évoquant l’idée de la cigale qui, «ayant chanté tout l’été», ne pouvait que se trouver...
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