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Actualités - CHRONOLOGIE

correspondance Réception à l’Élysée pour le HCF La francophonie ou l’art d’assimiler sans être assimilé

Paris - De Mirèse AKAR – Il paraît qu’il va parler en anglais ! – Moi, je me suis laissé dire qu’il s’exprimera plutôt en ancien français. – C’est ça : en dialecte normand-picard du XIIe siècle ! Échanges facétieux et persiflage bon enfant semblaient de mise mardi dernier dans les salons de l’Élysée, en attendant l’arrivée de Jacques Chirac, candidat déclaré depuis la veille, et qui avait peut-être prémédité de longue date d’inaugurer sa campagne par quelques propos sur la francophonie en forme de manifeste culturel. Un thème fédérateur quoique parasité aujourd’hui par des préoccupations liées à une immédiate et fluctuante actualité. Au service de presse de la présidence de la République, on indiquait – sans états d’âme – qu’une partie des 600 personnes conviées au raout de cet après-midi-là n’avaient même pas donné la réponse réclamée sur le carton d’invitation. Il y avait, malgré tout, beaucoup de monde. De Christian Poncelet, président du Sénat, et Boutros Boutros-Ghali, président de l’Organisation internationale de la francophonie (l’OIF) – qui eut droit à un chaleureux et sonore «Mon cher Boutros» – à Line Renaud, Mireille Mathieu, Guy Béart et Cheb Mami, en passant par les patrons de France Culture, France 2, Unifrance Films – institutions ayant le mot France pour dénominateur commun –, des éditeurs tels Antoine Gallimard et le Corrézien Denis Tillinac, ami de toujours du président, la scénariste Danièle Thompson ou le comédien Pierre Santini qui égrenait en aparté les souvenirs de son récent séjour au Liban et formulait le souhait de jouer à Baalbeck le rôle de Créon dans l’Antigone d’Anouilh. Embrassades réjouissantes entre Catherine Tasca, l’actuelle ministre de la Culture, et Jacques Toubon, naguère titulaire du même poste et dont une loi sur l’usage du français porte le nom mais qui, rappelons-le, s’était opposé en juriste au principe d’une inscription de la francophonie dans la Constitution française. Retrouvailles avec l’Acadienne antonine Maillet et le Québécois André Landry, tous deux membres du Haut conseil de la francophonie (HCF), le prétexte de cette vaste réunion étant une sorte de mouvement de translation qui fait entrer dans le giron de l’OIF ce HCF créé voici 18 ans par François Mitterrand et joliment défini par Jacques Chirac comme «un collège d’agitateurs d’idées». Son vigilant secrétaire général, Stelio Farandjis, avait battu le rappel de tous les membres qui y siègent et que, pour la plupart, on voyait seulement à l’occasion de sa session annuelle. Basile Yared avait donc fait le voyage depuis Beyrouth, et Amine Malouf ne s’était pas non plus dérobé au devoir. À tous ceux qui le trouvaient méconnaissable en raison d’une insolite tignasse frisottée, il a expliqué que son coiffeur était mort et qu’il ne l’avait pas encore remplacé. Par deux fois au cours de son allocution, Jacques Chirac a évoqué le Liban, assurant d’abord beaucoup attendre du sommet qui se tiendra en octobre prochain dans «ce pays ami qui symbolise si bien l’alliance des mondes arabe et francophone». Un peu plus tard, il devait y insister encore : «La francophonie doit devenir l’espace spirituel d’un dialogue auquel le sommet de Beyrouth va donner un nouvel élan». Dans l’intervalle, il avait aligné un certain nombre de professions de foi. Ainsi, pour lui, l’ambition des francophones doit être de «se mêler en restant eux-mêmes», d’«assimiler sans être assimilés». Se battre contre l’idiome unique revient à récuser l’uniformisation réductrice qui favorise le repli identitaire et le fanatisme. Nous devons, certes, adhérer à la mondialisation, «promesse d’échanges et de richesses accrues» mais, ajoutait-il aussitôt, «nous refusons de nous dissoudre dans un magma uniforme». Il attend de la France qu’elle joue un rôle moteur dans la construction d’une Europe des cultures, projet qui impliquerait notamment une harmonisation du marché de l’art dans les différents pays de l’Union, et la possibilité donnée aux régions de préserver et de restaurer leurs patrimoines respectifs. Mais, tout d’un coup sévère, il déplora son retard sur l’Internet par rapport à l’Espagne, l’Angleterre ou l’Allemagne, mais aussi au Québec sur lequel il voudrait la voir prendre exemple. Évoquant ensuite le vieux maillage des Centres culturels français à l’étranger dont un rapport parlementaire vient de mettre au jour les difficultés, il souhaita que leur soient donnés davantage de moyens et que soient repensés leurs rapports avec les Alliances françaises, un établissement public sur le modèle du British Council ou du Goethe Institut restant à concevoir pour animer et dynamiser la politique d’échanges culturels du pays. Il eut également à cœur de souligner les «insuffisances persistantes» de l’information et de l’audiovisuel francophones sur la scène mondiale. Si l’AFP, RFI et TV5 obtiennent de sa part un satisfecit, il n’en appelle pas moins de ses vœux une chaîne d’information internationale en français, capable de faire pièce à la BBC ou à la CNN. Tout un programme, on le voit, pour le candidat Jacques Chirac.
Paris - De Mirèse AKAR – Il paraît qu’il va parler en anglais ! – Moi, je me suis laissé dire qu’il s’exprimera plutôt en ancien français. – C’est ça : en dialecte normand-picard du XIIe siècle ! Échanges facétieux et persiflage bon enfant semblaient de mise mardi dernier dans les salons de l’Élysée, en attendant l’arrivée de Jacques Chirac, candidat...