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Actualités - CHRONOLOGIE

Colloque international - La conservation du patrimoine, une opération politico-économique, déclare Salamé Experts étrangers et libanais planchent sur les collections du passé, outils du présent (photo)

Coup d’envoi hier du deuxième colloque international sur la «Conservation du patrimoine, prévention et moyens scientifiques», organisé par l’Université Saint-Joseph en collaboration avec la Maison d’Antioche. Étaient présents à la séance inaugurale MM. Sélim Abou, recteur de l’université ; Ghassan Salamé, ministre de la Culture ; Pascal Dufour, représentant le chef de la délégation européenne au Liban ; Camille Ménassa, directeur administratif de L’Orient-Le Jour ; Frédéric Husseini, directeur de la DGA ; l’ancien ministre Michel Eddé ; Mme Mona Hraoui, présidente du «Comité national pour le patrimoine», et un nombre d’experts français, italiens, allemands, belges et libanais. À cette occasion le R.P. Sélim Abou a annoncé, pour l’an 2003, la création d’un diplôme universitaire (DU) en conservation et restauration. Le projet, conçu dans une perspective d’ouverture sur la possibilité ultérieure d’un programme de maîtrise ou de DESS, part avant tout d’un besoin réel. En effet, «nous ne pouvons pas envisager de protéger et de développer notre patrimoine sans assurer aux jeunes générations une formation dans le domaine de la conservation et de la restauration de ce patrimoine, afin qu’elles sachent le garder à l’abri de la dégradation. Ce sera une formation pluridisciplinaire, réunissant l’art, l’histoire, la science et la technologie au service de ce qui constitue l’expression de notre mémoire et de notre identité», a souligné le père Abou. De grâce, légiférer Le ministre Ghassan Salamé devait, quant à lui, déclarer que la préservation de notre héritage historique est «une opération hautement politique et économique». Le projet de paix civile ne pouvant se concrétiser que par une «réconciliation avec notre passé». De même, «le renouveau économique, a-t-il dit, passe par la remise en valeur du patrimoine et d’un environnement désespérément agressé, mais qui peut être encore sauvé». Le ministre a indiqué qu’un projet de loi portant sur le patrimoine mobilier, adopté en Conseil des ministres, attend aujourd’hui le feu vert des représentants du peuple. Il semble que trois autres projets de loi se soient perdus dans les «dédales labyrinthiques» de l’Administration ! Rappelons que les lois protégeant le patrimoine archéologique et architectural datent des années 30. Ces lois toujours en vigueur ne couvrent que les vestiges et les bâtisses antérieurs à 1700. Beiteddine, Deir el-Kamar et quelques rares autres sites constituent des exceptions incorporées à la liste de la Direction générale des antiquités (DGA). L’intervenant a ensuite annoncé que le projet de la Bibliothèque nationale a été finalisé : statut juridique ; siège (faculté de droit à Sanayeh) ; plan architectural et financement. Les travaux de réhabilitation et d’extension des bâtiments commenceront dès que la faculté de droit déménagera dans ses nouveaux locaux à Hadath. «J’ai déjà l’argent», a signalé le ministre, ajoutant sans plus de précision qu’il ne s’agissait pas du pécule de M. Siniora. Les contribuables peuvent respirer. Au programme également, un dispositif législatif pour lutter contre le trafic illicite des antiquités ; la création d’une «École technique de restauration» et le «Consortium du Musée national». Dans le cadre de l’Union européenne et ses liens avec la rive sud de la Méditerranée, le patrimoine culturel est «un domaine concret d’action» et un «enjeu de développement économique durable», a dit Pascal Dufour, représentant le chef de la délégation européenne, M. Patrick Renauld. Il a rappelé qu’en 1995, à Barcelone, puis en Bologne, les conférenciers avaient insisté sur l’importance de ce vecteur privilégié de compréhension et d’échanges entre les différentes cultures et civilisations. D’où le projet Manumed qui vise à encourager et développer l’inventaire, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine écrit. «Notre objectif, a ajouté M. Dufour, est de parvenir à l’idée d’un patrimoine euro-méditerranéen commun, afin d’en faire l’outil d’une politique d’ouverture, de tolérance, de paix et de stabilité dans la région». Le directeur administratif de L’Orient-Le Jour, Camille Ménassa, a mis, quant à lui, l’accent sur l’information et le rôle des médias pour faire parvenir les messages. Aux responsables pour les mettre en garde contre un laxisme qui peut mener à la perte de notre mémoire nationale. Et au grand public pour le sensibiliser au patrimoine. Camille Ménassa attire également l’attention sur l’importance du tourisme culturel comme source de revenu. Il donne, à titre d’exemple, le chiffre d’affaires «billetterie» réalisé par le Musée du Louvre : 25 millions de dollars l’an. Quatre séances de travail ont eu lieu au cours de cette journée. Placées sous les thèmes «prévention du patrimoine» ; «préventions et moyens scientifiques» ; «orientations pratiques» et «constat d’état», elles ont été dirigées respectivement par May Seigneurie, directrice de la Bibliothèque orientale ; Ragi Abou Chacra, doyen de la faculté des sciences ; Levon Nordiguian, conservateur du musée de la préhistoire libanaise, et Georges Brunel, conservateur général du patrimoine de la Ville de Paris. Ont pris la parole Anna Czajka qui dirige la restauration des Archives nationales ; mère Agnès Mariam de la Croix, présidente de la Maison d’Antioche ; Monica Ardemagni, directrice des actions de sensibilisation à l’Iccrom, Italie ; Denis Guillemard, directeur de la Maîtrise des sciences et techniques, section conservation et restauration des biens culturels, à l’université Paris I ; Jean-Pierre Mohen, directeur du Centre de recherches et de restauration des musées de France ; Isabelle Pallot-Frossard, conservateur en chef des laboratoires des Champs-sur-Marne ; Philippe Roisse (Manumed) et Myriam Serck, chef du département de la conservation à l’Institut royal du patrimoine, Belgique. La mère Agnès Mariam de la Croix a expliqué que la Maison d’Antioche a été fondée pour s’occuper du patrimoine (écrit) non pris en compte par les institutions publiques. Son plan d’action est basé sur le Partenariat et la coordination dans le cadre d’un réseau d’experts. S’inspirant du rapport Meda Team, premier programme régional du partenariat euro-méditerranéen, la Maison d’Antioche a signé un programme multilingue (dont le persan et le syriaque) dans le cadre duquel 12 projets ont été menés depuis 1997. Parmi lesquels, Audit, Corpus, Cours du Maghreb, Expo 2000, Fêtes du Soleil, Herit, Journées euro-med et musées sans frontières. Vers une bibliothèque virtuelle prévue en 2003 à découvrir sur www.manumed.org. Parallèlement, Monica Ardemagni devait indiquer que la protection du patrimoine n’est pas seulement une affaire de spécialistes, «elle doit impliquer le public. Sa participation est un outil de la conservation de l’héritage». Elle ajoute que le patrimoine a besoin d’«usagers» parce que, s’il n’est pas utilisé, il devient inutile, et, par conséquent, il finit par être abandonné. Aussi, «les défis des conservateurs seraient de trouver l’équilibre entre l’utilisation du patrimoine et sa conservation». Il faut savoir sensibiliser le public en l’informant que le patrimoine est «unique», «irremplaçable», «porteur de valeurs», mais aussi «fragile» et donc pas éternel ; sa conservation nécessite des «ressources économiques et humaines considérables» ; sa sauvegarde nous concerne tous, elle suppose un effort collectif. «En éduquant le public, on peut changer sa mentalité et le transformer de consommateur prédateur en consommateur protecteur», a conclu Mme Ardemagni qui a remis à cette occasion le «Media save art a world» à notre consœur du an-Nahar, May Abboud Abi Akl. Planchant quant à lui sur «la déontologie de la conservation», M. Georges Brunel a emprunté à Brandi une réflexion théorique sur la restauration, règles qu’on retrouvera dans la Charte de Venise (1964). En substance, le conservateur du patrimoine de la Ville de Paris dit que la restauration ne devrait concerner que la matière, transmetteur d’art. Son vieillissement, ou ce qu’on appelle la patine, confère la noblesse à l’œuvre et favorise la formation de l’image en «mettant en sourdine la violence de la matière». Par ailleurs, «restauration» veut dire uniquement : nettoyage, consolidation, retouche. «Un travail qui n’est assimilable en aucune manière à celui d’artiste ou d’artisan. Le restaurateur devant se placer toujours dans le temps de réception de l’objet, l’œuvre ne doit pas retrouver sa forme originale, perdue dans les vicissitudes de l’histoire», souligne Brunel. Aussi, «les ajouts, théoriquement valables, sont toutefois à peser. Quant aux réfections, elles sont à faire disparaître en tant que faux, sauf quand l’original est trop mutilé», a-t-il conclu. L’altération des œuvres d’art étant liée à l’environnement et à l’action de l’homme (climat, pollution, guerre, etc.), la vraie formule de la conservation est de «prévenir», a fait observer M. Denis Guillemard. Il n’y a pas de recettes «clés en main». Chaque pays devrait adapter ses paramètres. Par ailleurs, le recours aux méthodes scientifiques permet de découvrir les aspects inconnus d’une œuvre, son «existence intime», son état d’évolution. Ainsi grâce à l’infrarouge ou à l’ultraviolet, ou encore à la radiographie, on a pu découvrir les retouches faites au cours des siècles sur certaines œuvres du Louvre. Un portrait flamand a dévoilé une partie d’un fragment d’un tableau représentant plusieurs personnages sous-adjacents. Après une gammagraphie, les spécialistes ont découvert toutes les parties recollées de la Vénus d’Arles. Au chapitre physico-chimique, les laboratoires développent de nouvelles méthodes pour cibler les recherches sur les textiles anciens, mais aussi pour étudier la nature de la composition des perles grises datant du 4e millénaire avant J.-C. ou celle des émaux médiévaux. De même une machine de 36 mètres dotée d’un accélérateur de particules calcule et analyse la composition des statuettes de Tanagra. Les travaux se poursuivront aujourd’hui samedi, au campus des sciences médicales, rue de Damas. Les experts plancheront sur les stratégies de la formation et de la conservation de l’héritage... Pour ne pas laisser s’achever la complainte sur les ruines. May MAKAREM
Coup d’envoi hier du deuxième colloque international sur la «Conservation du patrimoine, prévention et moyens scientifiques», organisé par l’Université Saint-Joseph en collaboration avec la Maison d’Antioche. Étaient présents à la séance inaugurale MM. Sélim Abou, recteur de l’université ; Ghassan Salamé, ministre de la Culture ; Pascal Dufour, représentant le...