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Actualités - CHRONOLOGIE

Violente dispute Mikati-Karamé sur fond de rivalité électorale

Ils sont tous les deux députés sunnites de Tripoli et ce n’est pas leur seul point commun. Ce qui les lie surtout, c’est l’animosité qui régit leurs rapports et le mépris qu’ils semblent éprouver l’un pour l’autre. Le ministre des Travaux publics, Najib Mikati, et l’ancien Premier ministre Omar Karamé ont eu du mal à cacher leur inimitié, se lançant des insultes et des accusations rarement échangées sous la coupole du Parlement. D’emblée, le ministre, épinglé par M. Karamé dans son intervention devant la Chambre, jeudi dernier, s’en prend à l’ancien chef de gouvernement avant de répondre, point par point, à ses remarques sur sa gestion du secteur des Travaux publics et sur les projets de son département au Liban-Nord. Il commence par signaler que certaines critiques qui lui avaient été adressées étaient «diffamatoires», mais qu’il n’avait pas voulu y répondre «pour ne pas s’engager dans une querelle byzantine». M. Karamé proteste mais le ministre l’ignore et poursuit : «Si je clarifie certains points d’ordre général, je le fais pour le Parlement et pour l’opinion publique. Personnellement, je refuse d’exploiter cette tribune pour répondre aux critiques personnelles dont vous connaissez les motifs. Nous sommes d’ailleurs habitués à ces méthodes, qui se poursuivront parce qu’elles sont l’œuvre de personnes qui vivent en dehors du temps et qui pensent qu’elles peuvent, par une blague faite par-ci et une calomnie lancée par-là, altérer la vérité, semer le doute et nuire à tous ceux qui ont rejeté leur tutelle, oubliant que le passé est révolu». Karamé bondit : «Je pensais que vous étiez le garant de la dignité de ce Parlement. Comment pouvez-vous permettre ce genre de propos ? dit-il à l’adresse du président Hariri. «Il m’accuse de plaisanter alors que je n’ai fait qu’exposer des faits et des chiffres. Des documents attestent qu’il possède un avion. Est-ce de la calomnie si je parle d’un avion ? Il profère des insultes, ce qui n’est pas permis dans l’hémicycle, surtout de la part de quelqu’un qui a été parachuté» dans la vie publique. M. Mikati ne le regarde même pas. Se tournant vers M. Berry, il fait remarquer qu’il n’a interrompu aucun député et qu’il souhaite qu’on le laisse continuer. Le président de la Chambre a du mal à calmer l’ancien chef de gouvernement et à le convaincre de se rasseoir. «Vous ne vous prenez pas au sérieux, j’espère, poursuit M. Karamé, à l’adresse du ministre. Nous verrons bien ce que vous deviendrez dès que vous cesserez d’être ministre. Si quelques personnes vous rendent visite aujourd’hui encore, elles ne remettront plus jamais les pieds chez vous à l’avenir». «De tels propos ne sont pas permis. Je vous prie, prenez place», s’impatiente M. Berry, l’air visiblement décontenancé. «S’il veut répondre, qu’il se contente de chiffres et de faits». Rien ne semble pouvoir arrêter le député qui trépigne sur place, furieux. «Mais puisque je vous dis qu’il n’y a aucun mal à faire allusion aux blagues. Ce n’est pas une insulte, voyons», tente M. Berry encore une fois. M. Karamé finit par se rasseoir sans se calmer pour autant et ne rate aucune occasion pour interrompre le ministre et lui lancer quelques piques du style : «On s’en fiche» ou : «Comme c’est intéressant», jusqu’à ce qu’il explose de nouveau au moment où M. Mikati lui reproche d’avoir ironisé en parlant d’un pont construit à l’entrée de Tripoli, avant de vanter les avantages de ce pont. «Mais il n’a rien à voir avec ce pont. Il en parle comme s’il l’avait lui-même construit alors que les travaux avaient commencé bien avant qu’il ne soit ministre et qu’ils étaient financés par l’Arabie saoudite». C’en était trop pour M. Berry qui hurle presque : «Vous faites partie de la vieille garde parlementaire. Vous n’avez pas le droit de l’interrompre». MM. Karamé et Mikati hurlent en même temps. L’espace de quelques minutes, c’est une cacophonie parfaite. L’hémicycle prend l’allure d’une tour de Babel. On ignore par quel miracle le calme est rétabli, mais pour quelques minutes seulement, le temps que M. Mikati évoque le dossier des empiétements sur le domaine public maritime et la construction d’un bâtiment qui abritera les quatre directions du ministère, le port de Tripoli. Il s’arrête ensuite au dossier de la téléphonie qui lui a valu d’être vivement critiqué par M. Karamé parce qu’il est l’un des actionnaires d’une société associée à la compagnie hollandaise qui gère, avec Cellis, le réseau GSM. «Je n’ai jamais mêlé mes fonctions publiques et privées», dit-il juste avant que M. Karamé ne l’interrompe : «Votre argent, vous l’avez ramené du Koweït». «Mais je n’ai jamais été au Koweït», réplique le ministre pris de court. M. Berry croit pouvoir éviter que la discussion ne dégénère de nouveau en lançant : «Moi-même j’ai été au Koweït. Nous avons tous travaillé à l’étranger». Il pousse presque un soupir de soulagement quand M. Mikati poursuit : «Dites-moi, Monsieur le président, est-ce que je vous ai jamais relancé au sujet du téléphone cellulaire, comme certains le prétendent» ? «Non», répond M. Berry et le député du Liban-Nord revient à la charge : «C’est trop comique». M. Mikati est hors de lui. Le visage cramoisi, il s’écrie : «C’est de la bouffonnerie. Pour la mémoire de Rachid Karamé et par respect pour l’héritage qu’il porte, il ne doit pas faire le clown». C’en est trop pour M. Karamé qui perd carrément le contrôle de ses nerfs. Les cris de M. Berry qui le rappelle à l’ordre couvrent à peine sa voix. «Ferme ta gueule, espèce de voleur», hurle-t-il à l’adresse du ministre qui crie à son tour. Dans la confusion qui suit, le président de la Chambre parvient quand même à placer quelques mots en s’adressant à M. Karamé : «Ce n’est pas à vous de tenir ce genre de propos. Le ministre ne dit rien d’injurieux et vous n’avez pas le droit…». Il marque une pause puis poursuit en se disant désolé parce que le débat a pris cette tournure, au terme d’une dernière intervention de M. Mikati.
Ils sont tous les deux députés sunnites de Tripoli et ce n’est pas leur seul point commun. Ce qui les lie surtout, c’est l’animosité qui régit leurs rapports et le mépris qu’ils semblent éprouver l’un pour l’autre. Le ministre des Travaux publics, Najib Mikati, et l’ancien Premier ministre Omar Karamé ont eu du mal à cacher leur inimitié, se lançant des insultes...