Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

DÉBAT BUDGÉTAIRE - Bras de fer entre deux tendances politiques Les rumeurs sur un changement ministériel se transposent à l’hémicycle(photos)

Le débat budgétaire, qui s’est poursuivi hier pour la quatrième journée consécutive, a pris une tournure politique qui a presque occulté les critiques, toujours violentes, adressées à la gestion économique et financière du gouvernement Hariri. Ce qui s’est passé en réalité, c’est que les bruits qui circulaient à voix basse au cours des trois derniers jours dans les coulisses du Parlement sur un éventuel changement ministériel, qui serait souhaité par M. Hariri, se sont transposés à l’hémicycle, conférant automatiquement au débat le caractère d’un bras de fer entre deux tendances politiques : l’une juge indispensable un remaniement ministériel pour donner une dimension et un souffle nouveau à une équipe en perte de vitesse. L’autre trouve que le changement souhaité doit s’opérer au niveau des mentalités et non pas des personnes Et si l’on avait quelques doutes au cours des derniers jours sur les mobiles des critiques adressées par des députés haririens au gouvernement et qui ont alimenté les plaisanteries du président de la Chambre, elles ont été balayées par Nasser Kandil, membre du bloc Hariri, mais dont on dit qu’il est proche du chef de l’État. Le député s’en est pris vivement, mais sans les nommer, à ses collègues loyalistes «qui se lavent les mains d’une partie du gouvernement et défendent une autre», dans la perspective d’un changement au niveau de quelques portefeuilles. Il a aussi dénoncé «les tiraillements par procuration» en parlant toujours de ce même remaniement, sur lequel, dit-on, le général Émile Lahoud et M. Rafic Hariri ne sont pas d’accord, surtout en ce qui concerne le timing. C’est ce qu’on soulignait hier matin, de sources parlementaires, dans les coulisses de la Chambre, en rappelant que le président s’était exprimé franchement mercredi contre un changement gouvernemental. Réunion politique par excellence donc, place de l’Étoile, où pour la première fois peut-être depuis 1989, des députés proches de la Syrie critiquent la structure du système mis en place par Taëf parce qu’elle se pose en obstacle devant un redressement économique. C’est un député du Hezbollah, Mohamed Raad, un autre du PSNS, Sélim Saadé, et un troisième connu pour être un allié de la Syrie, Nasser Kandil, qui ont soulevé ce point au cours de leurs interventions respectives. «Les défaillances de l’action du gouvernement ne reflètent pas seulement une crise de gouvernement, mais une crise de formule funeste pour un système structuré Dieu sait comment, qui n’engendre que des crises et au sein duquel il n’est pas possible de miser sur des solutions. Au sein de ce système, les devoirs ne sont pas accomplis. Au sein de ce système, il est difficile de déterminer les responsabilités et il est pratiquement impossible de demander des comptes. Il est peut-être possible d’exercer un contrôle, mais pas sur tout, et si nous voulons réclamer des comptes, nous pouvons finir par nous trouver au banc des accusés», affirme M. Raad, après avoir dressé un véritable réquisitoire contre l’action du gouvernement dans les domaines social, économique et financier. «Je vais limiter mon intervention à la crise financière qui est l’une des plus dangereuses émanations de ce système politique creux et stupide». C’est par ces mots que M. Saadé commence son intervention. «Si je tiens ces propos, ajoute-t-il, c’est parce que le système issu de Taëf se fonde sur la lutte, les querelles, les interdits, les chicanes et le chantage communautaire et sectaire». «La structure du système politique a un impact négatif sur le marché» financier, renchérira plus tard M. Kandil. Le ras-le-bol exprimé au sujet de ce qu’est devenue la situation politique, économique et financière dans le pays est tel qu’au terme de la réunion un député ne peut s’empêcher de souligner la débandade des blocs parlementaires qui risque, au cas où elle ne serait pas contenue, de provoquer la chute du gouvernement. Il se reprend en se disant persuadé qu’à la dernière minute le nécessaire sera entrepris pour rétablir l’ordre dans les rangs parlementaires, afin que le vote se déroule sans problèmes, lundi en principe, et que le gouvernement sorte sans grands dommages d’une réunion au cours de laquelle il a été jusqu’à présent sérieusement malmené. Hariri : « Mêmes les loyalistes nous critiquent » Ce n’est pas la première fois que l’équipe du chef du gouvernement est prise à partie sous la coupole du Parlement. Mais c’est bien la première fois que M. Hariri intervient pour demander avec insistance l’autorisation de répondre aux critiques parlementaires, avant même que le débat ne finisse. «Il y a beaucoup d’injustice dans le déroulement» du débat, s’exclame-t-il pendant que le chef du bloc du Hezbollah, M. Raad, énumérait ses griefs à l’encontre de la politique gouvernementale. «Les députés parlent à longueur de journée devant les caméras, depuis lundi, et nous ne pouvons répondre que cinq jours après l’ouverture de la réunion. Même les députés loyalistes sont devenus à moitié opposants, sans doute pour obtenir un peu de popularité, pourtant il y a d’autres moyens pour devenir populaires». Le parlementaire était pourtant de loin moins agressif que les orateurs qui l’avaient précédé à la tribune. M. Hariri semblait indisposé de manière générale par ce que ses proches appellent «les contrevérités», à savoir les prédictions apocalyptiques de l’opposition, les chiffres avancés pour mettre en doute la crédibilité de ceux qui figurent dans le projet de budget et dans son préambule, et surtout les accusations portées sur le dysfonctionnement du gouvernement et les griefs de ministres écartés des prises de décision importantes. Deux députés loyalistes, Ghattas Khoury et Atef Majdalani, tentent de défendre le gouvernement dans la matinée, en mettant l’accent (M. Majdalani notamment) sur le bien-fondé des orientations économiques de l’Exécutif, mais leur argumentation ne fait pas le poids par rapport à la violence des critiques exprimées et la cohérence des analyses des finances publiques, faites chiffres à l’appui. Eux aussi expriment d’ailleurs des réserves sur le suivi de certains dossiers, comme le règlement du problème de la pollution de l’air, en dépit du vote d’une loi en ce sens, ou la réorganisation du secteur de la santé, primordiale en vue d’alléger le poids des difficultés socio-économiques auxquelles la population est confrontée. Quoi qu’il en soit, le ras-le bol exprimé au cours des trois derniers jours par des parlementaires, qui ont critiqué presque tous les aspects de la vie politique et leur impact négatif sur le redressement économique, a culminé avec le discours de M. Kandil, qui, tout en désapprouvant les tentatives parlementaires de paver la voie à un changement ministériel, a lui-même fustigé le style d’action de l’Exécutif, exposant avec force détails les mesures que les gouvernements Hariri successifs auraient pu prendre depuis des années pour initier une croissance économique. Ce que le député de Beyrouth reproche au gouvernement c’est de gérer le dossier économique «avec une mentalité désuète, sur base, non pas des nouvelles théories économiques, mais des vieilles dont l’endettement fait partie». Pour lui, les alternatives qui se posaient au gouvernement pour engager le pays sur la voie du développement sans se ruiner sont nombreuses. Il en cite une dizaine se rapportant à l’exploitation de l’énergie solaire et éolienne, au déroulement des formalités administratives à travers un guichet spécial dans les banques, ou à l’exploitation des biens-fonds maritimes publics pour laquelle il préconise la création d’une société privée. L’enchevêtrement des prérogatives Mais c’est surtout le volet politique de son intervention qui a donné lieu à diverses interprétaions, dans la mesure où le député souligne l’enchevêtrement des autorités exécutive et législative. «Le problème, dit-il, c’est dans les rapports entre le Parlement et le gouvernement. Nous n’avons pas le droit de paralyser les institutions et de paralyser tout ce qui touche de près à la vie de la population en raison de nos tiraillements politiques. Nous devons cesser de nous lancer des boules de feu qui risquent un jour de faire sauter le pays». Il insiste sur le fait que les conflits entre les pôles du pouvoir accentuent les difficultés financières de l’État, en raison des pressions qu’elles entraînent sur la livre, et dénonce la mentalité politique qui prévaut dans le pays. «Est-ce que les tiraillements qui nous poussent à réclamer le départ du gouvernement vont nous permettre de nous entendre sur la composition d’un nouveau cabinet ?», s’interroge-t-il, après avoir stigmatisé «la compétition dans laquelle les blocs parlementaires représentés au gouvernement, dont celui dont je fais partie, semblent engagés pour faire chuter le gouvernement». «La réalité est que ceux qui dénigrent le gouvernement s’en prennent à une partie (des ministres) qui ne les représente pas et défendent ainsi celle qui les représente. Ceci démontre la poursuite des tiraillements par procuration», ajoute le député. Auparavant, le bloc des députés de la Békaa-Ouest, au nom duquel M. Sami Khatib s’est exprimé, avait appelé au départ du gouvernement, après avoir estimé qu’il est en perte de vitesse et que le général Émile Lahoud avait «bien fait de souligner ses lacunes» en Conseil des ministres, dimanche. MM. Misbah Ahdab et César Moawad abondent presque dans le même sens. Le premier tient un discours plutôt politique dans lequel il appelle à une unification des rangs de l’opposition qu’il présente comme étant un «instrument de changement», après avoir mis en doute la capacité du gouvernement à trouver des solutions à la crise économique, «alors qu’il n’est même pas capable de régler les problèmes politiques qui pèsent de tout leur poids sur l’économie». M. Ahdab se prononce en faveur d’une entente nationale «qui assurera au gouvernement des assises solides pour lancer un programme de redressement approprié». En tout, huit députés auront pris la parole au cours de la séance matinale qui se termine pour laisser place aux discussions bilatérales sur l’intervention véhémente de M. Nasser Kandil. «Et si l’explication de toute cette éloquence se trouvait dans la présence des caméras ?», s’interroge un député. La question mérite peut-être d’être posée. Tilda Abou Rizk
Le débat budgétaire, qui s’est poursuivi hier pour la quatrième journée consécutive, a pris une tournure politique qui a presque occulté les critiques, toujours violentes, adressées à la gestion économique et financière du gouvernement Hariri. Ce qui s’est passé en réalité, c’est que les bruits qui circulaient à voix basse au cours des trois derniers jours dans les...