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Réunion - Le Conseil des ministres arabes de l’Intérieur clôture aujourd’hui ses travaux Les exactions israéliennes et le refus de l’amalgame entre Arabes et terrorisme au cœur des discours (PHOTO)

L’espace de 48 heures, Beyrouth a retrouvé son rôle pionnier dans le monde arabe. En accueillant la dix-neuvième réunion des ministres de l’Intérieur, elle est certes devenue la capitale de la sécurité régionale, mais aussi la première tribune pour plaider contre l’amalgame entre terrorisme et monde arabo-musulman et dénoncer «le terrorisme d’État» israélien. Mais ceux qui attendaient des discours enflammés ont été déçus. Le ton était plus à la défense qu’à l’attaque. Seul, le ministre libanais Élias Murr, qui préside la réunion, a été plus loin que ses homologues, évoquant la dignité arabe et le droit des Palestiniens à un État et au retour sur leur terre, refusant ainsi leur implantation au Liban. La réunion clôture ses travaux aujourd’hui en publiant ses recommandations, destinées à renforcer la coopération arabe pour la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Transformé en camp retranché, l’hôtel Phoenicia est devenu le centre de la sécurité arabe. Dix-sept délégations, comptant parmi leurs membres les principaux responsables de la police et autres services sécuritaires de la région, une nuée de journalistes et un service d’ordre courtois mais omniprésent, sans compter le personnel de l’hôtel entièrement mobilisé pour la circonstance, bref, une véritable ruche, où nul ne pouvait entrer sans avoir auparavant montré patte blanche. Bien-être et sécurité des délégations Le ministre de l’Intérieur libanais, l’un des rares parmi ses homologues à n’occuper ses fonctions que depuis quatorze mois, a voulu faire les choses en grand, sans toutefois faire appel à l’armée, pour bien montrer que les forces qui relèvent de son autorité sont en mesure d’assumer leurs responsabilités. Le périmètre de l’hôtel a été fermé à la circulation, les principaux axes routiers placés sous contrôle sévère, des affiches contre la drogue et en faveur de la sécurité routière collées dans la salle de presse, munie de 5 ordinateurs pour capter l’attention des journalistes. Dans l’immense salle Carthage de l’hôtel, tout est prévu pour assurer la sécurité et le bien-être des délégations arabes. Une tribune est installée pour l’émir Nayef ben Abdel Aziz, président honoraire du Conseil des ministres de l’Intérieur et véritable père spirituel de cette rencontre, le ministre Murr, et le secrétaire général du conseil, le Saoudien Mohammed Ben Ali Koumane. Tout autour, les places des délégations s’alignent par ordre alphabétique, avec un coin pour les présidents des Ordres de la presse et des rédacteurs et, en face d’eux, le secrétariat général du Conseil des ministres et l’inévitable Nasri Khoury, secrétaire général du Conseil supérieur libano-syrien. Devant chaque place, des friandises, des jus et des boissons gazeuses pour que les ministres aient quelque chose à se mettre sous la dent pendant les séances de travail. Les journalistes seront moins gâtés, mais auront droit, en primeur, aux bouteilles de boissons gazeuses commandées par le ministère de l’Intérieur, portant des indications routières pour familiariser jeunes et moins jeunes avec le code de la route. C’est que le ministre Murr ne désespère pas de parvenir à sensibiliser les Libanais à l’importance des indications routières. Quatre absents et un empêchement forcé Mais ce jour-là, la priorité est ailleurs et tous les efforts sont concentrés sur la réussite de cette réunion, qui se concrétiserait par l’adoption d’une position arabe commune par rapport au terrorisme et aux exigences américaines à cet égard, ainsi que par rapport à un appui concret à l’Autorité palestinienne. Les premiers accrocs ont commencé à se faire sentir avec la défection de la Libye, qui a boycotté la réunion parce qu’elle se tient au Liban, et celle de la Somalie, suite à l’affaire du bateau Princess Sarah. Parmi les absents aussi, les îles Comores et Djibouti. Par contre, même si le ministre palestinien de la Justice, Freih Abou Madine (le ministre de l’Intérieur étant Yasser Arafat), a été empêché par les Israéliens de quitter Ramallah, son adjoint, Ahmed Saïd Tamimi est présent, puisqu’il se trouvait au Liban pour les réunions préparatoires. C’est une mesure exceptionnelle, le règlement interne du Conseil des ministres arabes interdisant que l’un d’eux se fasse représenter. Mais le Liban semble attirer les mesures d’exception... M.Tamimi est d’ailleurs très courtisé par les journalistes, pendant les 90 minutes d’attente avant le début de la séance d’ouverture. Prévue pour dix heures, celle-ci ne s’ouvre qu’à 11h30. Les rumeurs les plus fantaisistes commencent à circuler pour expliquer le retard. Cela va de la grasse matinée de certains ministres au retard du ministre algérien Noureddine Zarhouni, arrivé le matin même, aux discussions de dernière minute autour du communiqué final et de l’exception palestinienne, etc. 90 minutes de retard sur le programme Profitant de ce temps mort, «les réfugiés palestiniens du Liban» distribuent à la presse un communiqué contenant leurs revendications et portant comme en-tête : «L’OLP, l’Armée de libération nationale palestinienne-Commandement de la place de Beyrouth», ramenant les Libanais à plus de 20 ans en arrière. La délégation palestinienne s’empare aussitôt du communiqué distribué visiblement sans coordination avec elle, pour en vérifier le contenu... Les Arabes ont beau tenir tous le même langage au sujet d’Israël, susceptibilités et zizanies continuent à empoisonner leur fameuse solidarité. 11h30. L’émir Nayef et le ministre Murr font une entrée remarquée et surtout très protégée. L’événement est de taille : c’est en effet la première fois qu’un ministre chrétien préside la réunion, son pays étant le lieu d’accueil. D’ailleurs, lorsque le ministre Murr, au cours de la réunion précédente, a voulu présenter la candidature du Liban, l’appui de l’émir Nayef a été déterminant pour qu’il obtienne gain de cause. Toujours est-il que la séance commence par la récitation de versets du Coran par cheikh Yamout avant les discours. D’abord, celui du secrétaire général, suivi de l’allocution de l’émir Nayef et enfin celle du ministre Murr. Puis la séance ouverte à la presse est levée au bout d’une demi-heure. Des plaidoiries et de la révolte Le thème du terrorisme occupe, comme prévu, une place centrale dans les discours qui ressemblent à des plaidoiries en faveur de l’islam et des Arabes. Politiques, ils se cantonnent dans les généralités sans aborder les mécanismes communs de sécurité, les problèmes de circulation des hommes et des armes, le démantèlement des réseaux de crime organisé, et encore moins, le sort des organisations arabo-musulmanes qualifiées de terroristes par les Américains. Les discours des ministres de l’Intérieur ont surtout le ton d’un cri de révolte face à l’opprobre subi en Occident par tout ce qui ressemble à un Arabe ou un musulman, depuis le 11 septembre. C’est d’ailleurs la première réunion du genre depuis ces tragiques événements et le secrétaire général du Conseil, le Dr Koumane, dénonce vivement la persécution quasi systématique des communautés arabes en Occident, au cours des derniers mois. Les ministres arabes expriment aussi leur indignation face «au terrorisme d’État israélien» contre les Palestiniens et l’émir Nayef s’écrie : «Si ce que fait Israël dans les Territoires n’est pas du terrorisme, que l’on nous dise alors en quoi consiste celui-ci». L’émir Nayef ajoute que les Arabes «sont victimes du terrorisme, mais ils se retrouvent sur le banc des accusés, alors que ce concept n’existe pas dans l’islam». Le Dr Koumane rappelle à ce sujet que les Arabes réclament depuis des années la tenue d’une conférence internationale pour définir le terrorisme et élaborer une convention internationale pour lutter contre lui, dans le genre de la convention signée par les pays arabes en 1998 et entrée en vigueur en 2000. Rappelons que cette convention n’a pas été ratifiée par tous les pays arabes, et l’émir Nayef a pressé ceux qui ne l’ont pas encore fait d’y adhérer afin de permettre une meilleure coopération dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Même le ministre irakien, Mahmoud Diab Ahmad, ne tient pas des propos incendiaires, se contentant de rappeler que son pays est victime du terrorisme américain depuis des années, à travers notamment le blocus et les mesures injustes qui lui sont imposés. Diab demande la levée du blocus contre l’Irak tout en précisant que ni l’islam ni le christianisme n’appuient le terrorisme. Le ministre syrien, le général Ali Hammoud, prononce un discours entièrement politique, rappelant que son pays ainsi que tous les Arabes ont vivement condamné les attentats du 11 septembre et ont appelé à une action commune contre le terrorisme sous l’égide des Nations unies. «Depuis 1985, nous réclamons une conférence internationale pour distinguer le terrorisme de la résistance légitime». Il relève aussi la qualification de terroristes de certaines organisations palestiniennes installées à Damas, «ils accusent la Syrie d’abriter des terroristes, alors qu’on oublie que c’est Israël qui les a chassés de leur terre». Il rappelle aussi les crimes israéliens au Liban, notamment les massacres de Sabra et Chatila et ceux qui sont quotidiennement perpétrés dans les Territoires. «Ceux qui veulent lutter contre le terrorisme dans notre région doivent viser le terrorisme israélien en premier et dernier lieu», dit-il. Le général Hammoud énumère ensuite les mesures à prendre par le Conseil des ministres arabes concernant des lois contre le terrorisme, l’extradition des criminels, la sécurité civile, la protection de l’environnement et l’élaboration d’une stratégie arabe pour la libre circulation. Mais seul le ministre Murr, qui s’exprime au nom du président de la République, évoque le droit des Palestiniens à un État et à une terre, rappelant que le Liban a été le premier pays à lutter contre le terrorisme, à Denniyé (Liban-Nord) en décembre 1999. «Nous sommes contre le terrorisme et nous l’avons prouvé», dit-il, avant de parler des liens indissociables entre la sécurité et la liberté à des ministres dont les régimes sont en général loin d’être libéraux. «Pour lutter contre le terrorisme, déclare le ministre Murr, il faut aussi éliminer les raisons qui en favorisent l’émergence, notamment l’injustice entre les peuples et les nations». Pour Murr, l’oppression ne peut assurer la justice et la logique de la force ne peut apporter la paix. Il a rappelé à ses homologues que les peuples arabes attendent d’eux une plus grande coopération en vue d’aboutir à une société sûre, sans violence et sans drogue, capable de se développer. Bien que la lutte contre la drogue soit l’un des principaux thèmes de cette réunion, les ministres arabes en parlent peu pendant les séances du matin, préférant s’étendre sur le terrorisme. Après un déjeuner chez l’ambassadeur d’Arabie saoudite, ils sont passés aux débats véritables, lors d’une séance qui a duré de 17h30 à 20h, histoire de revoir une dernière fois les recommandations qui seront publiées aujourd’hui, au cours de la séance finale. Devant les journalistes qui les guettent, les ministres arabes gardent une grande discrétion, répondant difficilement aux questions qui fusent dès qu’ils apparaissent. Selon l’émir Nayef, les prisonniers arabes d’el-Qaëda ne sont pas tous à Guantanamo, et l’Arabie saoudite compte réclamer une amélioration de leurs conditions de détention. C’est d’ailleurs sur ce pays que comptent les Arabes pour dialoguer avec les États-Unis et défendre leur cause. Les décisions les plus importantes des ministres de l’Intérieur ne seront sans doute pas révélées, les problèmes de sécurité restant un sujet tabou pour les régimes arabes. Scarlett HADDAD
L’espace de 48 heures, Beyrouth a retrouvé son rôle pionnier dans le monde arabe. En accueillant la dix-neuvième réunion des ministres de l’Intérieur, elle est certes devenue la capitale de la sécurité régionale, mais aussi la première tribune pour plaider contre l’amalgame entre terrorisme et monde arabo-musulman et dénoncer «le terrorisme d’État» israélien. Mais...