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DÉBAT BUDGÉTAIRE - Au jour II, les critiques contre l’Exécutif se poursuivent et atteignent le Législatif Des solutions à la crise, et non des taxes, réclament les députés (PHOTO)

Avant que la cloche ne sonne, hier matin place de l’Étoile, les coulisses de l’hémicycle bruissaient – beaucoup de rumeurs : l’intervention, la veille à la LAU, de Walid Joumblatt, un éventuel remaniement gouvernemental à l’issue du débat budgétaire, la solution proposée la veille, dans l’hémicycle, par Nassib Lahoud… Quoi qu’il en soit, au jour II de ce débat, qui a commencé un peu plus tard que 10h30, la majorité des députés (ils étaient 18 à prendre hier la parole) a poursuivi ses critiques contre le budget ou le gouvernement, demandant à celui-ci, notamment, de se dépêcher de trouver des solutions au lieu de continuer à imposer de nouvelles taxes. Quant aux députés haririens, ils ont essayé, comme ils le pouvaient, de rétablir l’équilibre. les députés commencent à remplir l’hémicycle. Ou du moins, à se parsemer, ça et là, sur leurs bancs respectifs – il semble que le mot d’ordre ait été «grasse matinée». Et Rafic Hariri fait son entrée, marchant lentement, difficilement, son dos le torture, mais son sourire est intact, et hier, diablement sincère. Sous le regard de tous. On peut tout reprocher à cet homme, et on ne s’en prive pas, mais force est de reconnaître que cet homme, qu’il neige, vente ou fasse les quatre soleils, ne peut pas s’empêcher de travailler. À sa façon certes, mais il travaille. Le Premier ministre, suivi de très près par Marwan Hamadé, remonte les travées de l’hémicycle et va s’installer, comme du temps du mandat Hoss, là-haut, aux côtés d’un des meilleurs «go between» de la République, son ami Mohsen Dalloul. Le premier à prendre la parole : Farid el-Khazen. Le jeune «cheikh» – Nabih Berry dixit – est le quinzième député à intervenir, au démarrage du deuxième jour du débat budgétaire 2002. Et il attaque d’emblée. «Pourquoi ce budget ? À quoi sert-il ? Est-ce vraiment un budget ?» Il aligne les questions, puis assène la réponse : «Ceci n’est pas un budget, mais sans doute un constat d’impuissance totale. Pour ne pas dire une déclaration de faillite». Se demandant finalement comment cela pouvait être un budget «puisque, d’avance, la moitié de la somme qui lui a été allouée va à la dette». La catastrophe «Une grande catastrophe nous attend, et ce budget ne fait rien pour l’éviter. Ni ce gouvernement ni les politiques suivies. Pour éviter la catastrophe, il faut changer les méthodes, changer les politiques, cesser de leurrer les gens, cesser le vol et le gaspillage, et travailler dans le cadre d’un réel et global plan de sauvetage», préconise-t-il, pendant qu’Omar Karamé, saignant du nez, sort de l’hémicycle. Et apostrophant un Fouad Siniora qu’il ne voyait pas – et pour cause, il était assis aux côtés de Rafic Hariri – et demandant s’il n’y avait pas un ministre des Finances dans la salle, Farid el-Khazen s’emploie à écorcher la TVA, puis à exhorter au dialogue interne, «la seule bouée de sauvetage aujourd’hui», selon lui. C’est Farès Boueiz qui va, lui aussi, secouer l’hémicycle. Avec un discours sans concession aucune tant à l’égard du gouvernement que du Parlement ou de la justice. Il ne débattra pas du budget «parce que ce n’est pas un véritable budget, ce n’est qu’une suite de chiffres qui n’ont aucun sens», mais il s’emploiera à rappeler au Premier ministre que cela faisait bien longtemps qu’il lui avait prédit l’escalade régionale, qu’il lui avait dit qu’il ne pourrait pas gouverner tout seul. Oubliant qu’il avait passé neuf ans au pouvoir, et oubliant toutes les joutes furieuses qui l’avaient opposé à Rafic Hariri, il rassure ce dernier, «je parle en toute amitié et avec tout le respect dû à votre personne, vos capacités et votre carnet d’adresses international». Accusant l’équipe Hariri de parier sur un miracle, et de ne faire que «gagner du temps», Farès Boueiz se retourne vers le maître des lieux, Nabih Berry, pour lui dire que ce qui arrive au gouvernement aujourd’hui abolit tout distinguo entre loyalisme et opposition, entre Exécutif et Législatif. Il demande un retour en arrière, une remise en question de la Chambre, qui «ne contrôle plus le gouvernement qu’avec des mots, qui n’en provoque plus la chute, et pire, qui ne fait plus que suivre le gouvernement et les pouvoirs au nom de l’intérêt national supérieur ou de la situation régionale. Le Parlement ne fait preuve que de complaisance, là où il devrait exprimer les revendications des citoyens». Puis le député du Kesrouan constate : «C’est comme si on demandait au gouvernement de ne plus s’occuper que d’art ou de ballet, il est absent de toute décision politique, ce n’est plus qu’un gouvernement protocolaire». Il déplore : «Les institutions ne font plus leur travail, chacune s’occupe de celui de l’autre». Et énumère les exemples : «Pourquoi ce n’est pas le Premier ministre, ou le ministre des AE, qui a signé le partenariat euro-libanais – un accord, d’abord, politique ? Qu’a donc à voir le ministre de la Culture avec la préparation du sommet arabe – même si, pour les télévisions, lui et le ministre des AE souriaient ensemble ?» Y ajoutant celui de l’attentat Hobeika, et déplorant, dans une allusion claire au nouveau président du Conseil supérieur de la magistrature Nasri Lahoud, que «ce juge aujourd’hui très haut placé n’ait même pas attendu de descendre de sa voiture, pour nommer la partie incriminée, impliquant ainsi toute une institution». Et c’est là que Farès Boueiz pose la question qui fait mal : «Avec un Exécutif lui-même gouverné, un Législatif complaisant, un judiciaire qui se mêle de ce qui ne le regarde pas et des services de sécurité qui se mêlent de démocratie au lieu de s’occuper de sécurité, comment voulez-vous que le Libanais ou que l’investisseur aient confiance ?» Et de conclure, s’adressant à Rafic Hariri : «Je vous le dis en toute amitié, prenez une décision courageuse devant l’Assemblée, avant d’être obligé de la prendre devant la rue. Démissionnez. Et dites que vous ne revenez qu’à des conditions de réformes administratives très précises. Ou alors qu’ils choisissent d’autres gouvernements, qu’ils dénichent d’autres présidents du Conseil». S’attirant ainsi une cinglante mais souriante réflexion du n°2 de l’État : «Toi tu as de l’ambition…». Après le député druze de Hasbaya Anouar el-Khalil (voir par ailleurs), c’est au tour de son collègue du Kesrouan Nazem Khoury d’occuper la tribune. Il rend d’abord hommage au gouvernement pour la signature de l’accord de partenariat libano-européen. Émet ensuite des réserves sur le mécanisme d’application et d’exécution de la TVA, ainsi que sur la célérité de sa mise en vigueur, puis propose de revoir la loi sur l’échelonnement des dettes des commerçants. Et après avoir proposé l’institution d’une caisse d’entraide sociale – à l’instar de l’exemple tunisien –, il s’attaque au dossier politique. Et résume parfaitement ce qu’il ne faudrait pas faire : «Le dialogue interne ne devrait pas se transformer en fronts, et l’entente nationale ne devrait pas et ne pourrait pas équivaloir à un consensus sur les erreurs commises au nom de l’entente», dit-il, mettant sévèrement en garde contre toute tentative d’attiser un quelconque fanatisme. Concernant les nominations administratives, il en condamne la coloration sectaire, «ce sont des nominations monochromes», précisant, en corollaire, qu’aucun des deux pouvoirs – exécutif ou législatif – ne devrait se mêler des prérogatives de l’autre. Que ces deux pouvoirs «ne sont la propriété d’aucune communauté». De même, poursuit-il, «chaque média est devenu une tribune pour une voix politique bien précise, ou une communauté bien définie. Sauf pour l’État», insiste Nazem Khoury. Quant au député du Akkar Wajih Baarrini, il dénonce la situation «inacceptable» de l’électricité, celle des enseignants, de l’environnement, de la santé, etc. Tout cela au sujet du Akkar – une région, reconnaissons-le, un peu laissée en friche par l’État. Son collègue de Wadi Khaled, Jamal Ismaïl, reprendra d’ailleurs les mêmes chevaux de bataille. Ensuite, Mohammed Hajjar, du bloc Joumblatt, est incontestablement le premier à trouver que le plan économique du gouvernement est impeccable. Pour lui, il n’est pas possible d’analyser le projet de budget en faisant abstraction des séquelles et de la facture de la guerre. «Ce gouvernement a un plan et n’opère pas par tâtonnements», dit-il en se félicitant de la détermination de l’Exécutif à diminuer les dépenses et à accroître les recettes pour réduire le déficit budgétaire et pour réaliser un excédent primaire. À l’instar de Mohammed Hajjar, et après l’intervention de Salah Honein (voir par ailleurs), le député de Aley Antoine Andraos, haririen élu sur la liste joumblattiste, sera un des premiers à ne pas se lancer dans une attaque en règle du gouvernement. «Le déficit et la dette ne sont pas venus de nulle part. C’est le résultat des différentes politiques ou mandats antérieurs. Mais je ne peux, logiquement, que relever une réelle amélioration, tant au niveau de la hausse de la moyenne de croissance ou de la baisse des dépenses. Dans tous les cas, pour le déficit et la dette, c’est une responsabilité commune, et non celle d’un seul homme ou d’un seul gouvernement», souligne-t-il. Enfin, le «cheikh el-chabeb» comme l’appellent ses collègues, l’amuseur public comme il se qualifie lui-même, Adnan Arakji rejoint la tribune. Sous un tonnerre d’applaudissements et de hourras. Son démarrage sera interrompu plusieurs fois par l’arrivée du président de la Douma dans l’hémicycle. «Je vais résumer au maximum, dans la mesure du possible», s’excuse déjà le très drôle député de Beyrouth. Il prendra un peu de temps avant de retrouver sa déclamation habituelle, qui galvanise d’habitude (de rire) ses collègues, peut-être intimidé par la présence de la délégation russe. Décernant d’abord un satisfecit au gouvernement Hariri, il s’emploiera ensuite à demander des nouvelles de la loi sur les biens-fonds maritimes, des Renseignements, des communications téléphoniques internationales, de la loi sur la protection de l’environnement, etc. En soirée, les députés haririens essaient de rétablir l’équilibre Premier à prendre la parole au cours de la séance nocturne, Jean Oghassapian énumère les éléments positifs et négatifs de la politique du gouvernement. Il se félicite de la signature de l’accord d’association libano-européenne, de la prochaine tenue de Paris II, de la confiance des agences de notation dans la gestion gouvernementale, du soutien officiel au secteur privé et de la mise en vigueur de la TVA. Il reproche à l’Exécutif de n’avoir pas réglé les problèmes socio-économiques, d’avoir tardé à lancer les projets de privatisation, avant de mettre l’accent sur la nécessité de mettre un terme à l’endettement, de stimuler la production libanaise, de sanctionner l’exploitation illégale du domaine maritime et d’exploiter les ressources humaines libanaises pour freiner l’émigration. Pas un mot sur le dossier économique ou financier dans l’intervention de Mohsen Dalloul, qui se lance dans un interminable discours dont il semble lui-même ignorer l’idée maîtresse. Bassem Yammout lui succède à la tribune. Le parlementaire s’emploie d’emblée à défendre la politique gouvernementale, s’en prenant aux détracteurs de l’équipe Hariri. Il s’étonne de ce que les opposants n’aient tablé que sur les éléments négatifs du plan du gouvernement et qu’ils aient passé sous silence ses réalisations économiques «qui lui avaient valu les félicitations des capitales étrangères et des organismes financiers internationaux». Il en expose plusieurs. Il commence par l’établissement d’un plan complet pour stimuler les investissements au Liban, en soulignant que «les indicateurs économiques de 2001 reflètent le succès et le bien-fondé des orientations gouvernementales». Il note ensuite que la croissance est devenue positive en 2001 (1,5%) après avoir été négative. Selon ses explications, «le secteur industriel a enregistré une croissance de 22 % avec la création de 4 224 nouvelles opportunités de travail, alors que le secteur du tourisme a enregistré une croissance de 12 % et que le déficit budgétaire a été ramené à 47 %, sachant que le gouvernement prévoyait un déficit de près de 50 %». Élie Skaff fait éclater de rire la salle lorsqu’en relatant une histoire se rapportant aux nominations aux postes administratifs de première catégorie, il indique que le ministre de l’Industrie a pris un candidat qu’il lui avait présenté «à la maison pour l’examiner». Nabih Berry s’étrangle de rire : «Répète ce que tu viens de dire», insiste-t-il, mais le député se reprend, s’empêtrant dans ses mots, pour expliquer que le ministre voulait tester ses connaissances et ses aptitudes professionnelles et académiques. Le député de Zahlé réprouve ensuite une série d’actes liés à la gestion de presque chaque ministère. Comme Bassem Yammout, Mohammed Kabbani défend la politique gouvernementale et établit d’emblée un lien entre la situation économique et la vie politique dans le pays. Il rappelle les objectifs fixés par le gouvernement pour assainir les finances publiques et souligne «l’inquiétude» de la population quant à l’avenir économique du pays, en mettant en garde contre «les rumeurs propagées pour saper la confiance dans l’économie nationale». Sixième intervenant en soirée, le député Antoine Ghanem : «Que pouvons-nous faire face à un État incapable de faire les réformes administratives ou d’assurer la stabilité législative ou encore de récupérer ses biens-fonds maritimes ? Les divergences entre les opinions des responsables dans les régimes démocratiques est une bonne chose, un signe de bonne santé. Mais au Liban, tout cela a une autre saveur : les divergences butent sur tout et restent sans solution. Jusqu’à ce qu’une initiative de la Syrie vienne tout régler – qu’elle en soit remerciée», assène, sarcastique, le député de Baabda. Avant-dernière intervention, celle du député hezbollahi Mohammed Yaghi, qui s’arrête sur les problèmes sociaux – le dossier des contractuels, l’enseignement professionnel, l’électricité, la ville de Baalbeck, ou le domaine de la santé. Enfin, Abdallah Farhat reproche au gouvernement de ne pas accorder d’intérêt au développement de l’industrie et de l’agriculture, bien qu’elles soient considérées comme des éléments principaux de la croissance économique. Commentant la mise en vigueur de la TVA, le député estime que le marasme économique actuel rendrait cette taxe inefficace parce qu’elle requiert une consommation forte ou moyenne. Ziyad MAKHOUL
Avant que la cloche ne sonne, hier matin place de l’Étoile, les coulisses de l’hémicycle bruissaient – beaucoup de rumeurs : l’intervention, la veille à la LAU, de Walid Joumblatt, un éventuel remaniement gouvernemental à l’issue du débat budgétaire, la solution proposée la veille, dans l’hémicycle, par Nassib Lahoud… Quoi qu’il en soit, au jour II de ce...