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Actualités - CHRONOLOGIE

Congrès - Témoignages des médiateurs nordiques sur l’ombudsman Lorsque la médiation est confrontée au clientélisme (PHOTOS)

Le Liban sera-t-il le second pays arabe, après la Tunisie, à se doter d’un ombudsman ? S’il est encore prématuré de répondre à la question, on peut du moins affirmer que l’idée de la création de cette institution a fait son chemin au Liban, les experts ayant déjà lancé une campagne il y a près d’un an. C’est en tous les cas ce qu’a rappelé l’un des promoteurs de ce projet, Georges Assaf, président de l’Institut des droits de l’homme au barreau de Beyrouth, lors d’un congrès de deux jours organisé en Jordanie par l’ambassade du Danemark à Damas en collaboration avec le consulat général danois à Amman. MM. Hans Hansen et Arne Fiflet, ombudsmen respectivement du Danemark et de la Norvège, ont animé deux jours durant les travaux de ce congrès. Comment concevoir la tâche de l’ombudsman dans les pays arabes et comment concilier une institution aussi sophistiquée avec nos administrations corrompues, rongées par le clientélisme et le népotisme ? Comment éviter les récupérations politiques par les pouvoirs en place d’une institution par définition indépendante et neutre ? Telles étaient les interrogations majeures qui ont inspiré les débats durant les deux jours de rencontre. Représentant du citoyen auprès de son administration, l’ombudsman, dit encore médiateur de la République ( en France), constitue le catalyseur par excellence des attentes des administrés. Proche des citoyens, il a pour fonction de résoudre leurs litiges avec l’administration, le citoyen se trouvant démuni, souvent ignorant face à la lourde machine que représente l’Administration de l’État. C’est sur l’institution du médiateur de la République et sur ses différentes fonctions et caractéristiques qu’ont planché les juristes nordiques conviés à Amman dans le cadre de ce congrès. Plusieurs délégations (égyptienne, palestinienne, jordanienne et libanaise) ont pris part aux travaux de ce séminaire, dont l’objectif était de sensibiliser, d’informer et de susciter le débat autour de l’ombudsman, «une institution qui aura peut-être des chances de voir le jour dans vos pays», comme l’a fait remarquer ambassadeur danois Ole Wohlers Olsen dans son allocution d’ouverture. Qualifiant l’ombudsman de «défenseur du peuple par excellence», M. Olsen a souligné qu’il intercède au nom des citoyens et veille au bon fonctionnement de l’administration. Il a rappelé les expériences entreprises par certains pays – notamment arabes – pour venir à bout des problèmes de corruption et instituer les règles de transparence, celles-ci étant propres aux sociétés démocratiques, a-t-il relevé. Dans la description de la personnalité de l’ombudsman, Julius Bomholt, un juriste danois, parle «d’un homme dont l’autorité innée s’impose sans moyens d’action extérieurs, d’une personnalité qui peut être hautement placée sans être ébranlée dans son être. Ce qui nécessite avant tout un grand démocrate sincère». De là découlent les principales caractéristiques dont jouit le médiateur, à savoir d’abord une indépendance totale et une neutralité dans le travail qui lui confèrent un halo de respectabilité et une impartialité exemplaire. Pas de décisions contraignantes MM. Hansen et Fiflet rappellent à plusieurs occasions que le prestige dont jouit l’ombudsman est d’autant plus important que ses décisions ne sont pas légalement contraignantes. «Il a toutefois une telle autorité que ses recommandations sont généralement suivies», a affirmé M. Fiflet. Pour Hans Hansen, à travers sa fonction, l’ombudsman «garantit que l’administration sert véritablement ses objectifs, notamment publics, et qu’elle rend compte de ses actions, une condition sine qua non aux sociétés démocratiques». D’où la difficulté d’une telle mission dans les sociétés dites en transition, où la fonction du médiateur sera rendue plus difficile par l’existence de systèmes administratifs «dysfonctionnels». Car si l’ombudsman reste «une pièce maîtresse du renforcement de l’État de droit», «il ne saurait en aucun cas servir de substitut à une réforme administrative». Les intervenants rappellent en outre que «l’institution de l’ombudsman ne peut être non plus un palliatif au système judiciaire». «Les tâches de l’ombudsman, sa position dans le système constitutionnel et sa façon de fonctionner font en sorte qu’il incarne une continuation, un développement et un renforcement de l’élément judiciaire de notre système constitutionnel», souligne Arne Fiflet. Continuation mais non substitut. «Il peut être considéré comme une alternative et un supplément au système judiciaire», dit-il. L’ombudsman de Norvège évoque une des caractéristiques essentielles de cette institution, qui est «le renforcement du principe de la séparation des pouvoirs. Elle contribue au système du contrôle mutuel et illustre l’exemple de “pouvoir qui arrête le pouvoir”». Dans la pratique, les recommandations du médiateur interviennent toujours, en dehors d’un procès, en ce sens qu’elles ne peuvent avoir d’incidence sur le cour de la justice. «En effet, la démarche est tout autre ; la fonction du médiateur ne peut en aucun cas empiéter sur la procédure judiciaire», explique M. Hansen, en rappelant que l’institution de l’ombudsman ne constitue pas une quatrième instance de contrôle venant s’acquitter aux trois autres contrôles, administratif, parlementaire et juridictionnel. Il s’agit d’un rectificatif des déviations ou des dysfonctionnements administratifs, venant d’une personne dont les recommandations ont beaucoup plus un poids moral qu’un pouvoir contraignant. Dépourvu de pouvoir réel, il a toute l’autorité qu’il faut pour faire avaliser des recommandations. En cela, il tire sa force et sa légitimité de l’autorité du Parlement qui l’investit et devant lequel il doit rendre compte, explique Hans Hansen. «Cela n’affecte en rien l’indépendance du médiateur, qui détient un pouvoir d’investigation sur lequel le Parlement n’a aucune emprise». Convaincre les responsables C’est précisément les questions de la désignation du médiateur, sa latitude d’indépendance et sa neutralité qui susciteront le plus de débats lors des sessions de travaux du congrès. Car comment garantir l’autonomie de cette institution dans des pays où les récupérations politiques font la loi ? Comment faire pour que l’ombudsman – érigé en garde-fou des administrés pour répondre à leurs doléances et corriger les injustices – remplisse sa tâche, lorsque l’on sait qu’au Liban, cette mission est l’apanage des députés qui doivent leur succès à des services personnels rendus à leur clientèle politique ? Bref, des interrogations que le citoyen libanais est en droit de se poser après avoir vécu de près les multiples réformes administratives avortées. Georges Assaf rappellera que ce sont ces problèmes précis qui sont actuellement en cours de discussion au sein d’un comité ad hoc constitué par décision du ministre d’État pour le Développement administratif, à la suite du dernier congrès international qui avait eu lieu il a quelques mois à Beyrouth. Deux projets de loi ont été élaborés. L’un, d’inspiration française, est préparé par le ministère du Développement administratif, l’autre par le barreau de Beyrouth. «Le comité planche actuellement sur l’unification de ces projets et espère parvenir à une formule médiane qui regrouperait des caractéristiques mixtes, à savoir françaises et danoises», explique Georges Assaf. Formés de juristes et d’administratifs, le comité a pour mission d’aplanir les difficultés concernant la désignation ou l’élection de l’ombudsman ainsi que les détails afférents au fonctionnement de cette institution. «Le plus important, dit M. Assaf, est de parvenir à convaincre les responsables politiques et l’opinion qu’il ne s’agit pas d’instituer un autre pouvoir officiel, ou un organe de contrôle supplémentaire qui viendrait s’ajouter aux organes déjà existants. Sinon, on n’aura rien fait». Également parmi les conclusions retenues lors du dernier congrès organisé au Liban, l’idée de faire participer certaines organisations autonomes – le Conseil supérieur de la magistrature et les barreaux de Beyrouth et de Tripoli – ainsi que la société civile à la désignation du médiateur «afin que cette institution ne devienne pas l’enjeu du pouvoir».
Le Liban sera-t-il le second pays arabe, après la Tunisie, à se doter d’un ombudsman ? S’il est encore prématuré de répondre à la question, on peut du moins affirmer que l’idée de la création de cette institution a fait son chemin au Liban, les experts ayant déjà lancé une campagne il y a près d’un an. C’est en tous les cas ce qu’a rappelé l’un des promoteurs...