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Actualités - OPINION

Sourde inquiétude quant à la solidité de la présente trêve

C’est encore heureux : le malheur unit. Ou, si l’on préfère les clichés encore plus éprouvés (c’est le mot), à quelque chose malheur est bon. La crise économique a fini par toucher aussi les dirigeants. Au cœur plutôt qu’à la popoche, bien trop garnie pour s’en trouver dégonflée. Émus par la détresse criante de tant de leurs compatriotes plongés dans la misère, par les angoisses d’une classe moyenne qui n’est plus que l’ombre d’elle-même et par les soupirs affamés d’un Trésor à la panse vide, les responsables se résignent à suspendre leur sempiternel match de catch. Un mouvement de bonne volonté spontané ? Sans aucun doute, car nul ne peut mettre en doute l’humanité des princes qui nous gouvernent. Encore que l’on peut se demander dans quelle mesure les admonestations assénées de tous côtés, la pression d’une opinion révoltée par l’insoutenable légèreté de l’être public ont influé sur le comportement des gérants de la République. Toujours est-il que, se laissant généreusement faire douce violence, ils acceptent d’enterrer la hache de guerre. Non sans admettre implicitement qu’il s’agit d’une simple trêve. Car les deux principaux protagonistes en lice, MM. Nabih Berry et Rafic Hariri, avouent qu’ils n’ont pas lessivé le contentieux qui les oppose. Et, sans accord de base, le risque de voir les tiraillements reprendre, à tout moment et sous n’importe quel prétexte, reste considérablement élevé. Une crainte qu’expriment en chœur les politiciens, les religieux, les organisations sociales. Et, surtout, le pain quotidien, c’est-à-dire le marché. Qui se demande comment la livre, jusque-là soutenue à grands frais par la Banque centrale, pourrait résister à la fois à une pression fiscale accrue via la TVA et aux dégâts énormes que cause chaque round de la guerre des deux roses. On le sait, on le répète inlassablement depuis des années, la confiance, qui est l’ossature même de tout crédit, est fille de la stabilité, politique autant que sécuritaire ou financière. Si les professionnels du cru, dirigeants en tête, devaient continuer à se chamailler, les mesures dites de redressement ne serviraient à rien. Et pourraient même aggraver la crise. Ainsi, la TVA, l’accord avec l’Europe, la conférence moratoire de Paris II, le budget 2002, les privatisations pourraient générer d’effroyables contre-effets si l’entente n’est pas réalisée au sein du pouvoir. Le climat de désunion annihilerait tout effort de sauvetage, en entraînant une dilapidation automatique des éventuelles rentrées de fonds. Sans cohésion étatique, l’on ne peut ni apurer les comptes ni épurer l’Administration et encore moins les ruineuses mœurs politiques. Le rééquilibrage, si difficile en soi, de la balance financière dépend directement de la normalisation des relations entre gens du pouvoir et autres pôles influents. Qui doivent, de toute urgence, renoncer aux rapports de force disloqués au profit de cette union qui fait la force d’une nation, si tant est qu’elle a conscience d’elle-même. Or au stade actuel, les litiges entre présidents sous-tendent ou provoquent bien d’autres frictions déstabilisatrices. Pour la simple raison que lorsque le consensus ne prévaut pas à la tête de l’État, on ne peut en trouver trace nulle part ailleurs. Ainsi, faute de concertations préalables suffisantes, le programme de redressement gouvernemental suscite une vive controverse dans les cercles politiques ou socio-économiques. On sait que certains estiment que la démarche haririenne est un peu trop pragmatique. Qu’il faudrait un plan triennal ou quinquennal. Et qu’en tout cas, les mesures prises au coup par coup ne constituent pas une protection suffisante contre les ravages provoqués par les dissensions intérieures. Bien entendu, les loyalistes répliquent qu’il faut en tout cas traiter le problème économique. Pour souhaitable qu’elle soit en termes de confiance, l’harmonie entre les responsables ne leur paraît pas vraiment indispensable. Plus exactement, ils soulignent que les désaccords ne doivent pas empêcher la tentative de sauvetage, mais au contraire la stimuler. Ajoutant qu’on ne peut rester les bras croisés à attendre que les remous intérieurs se calment ou que la paix s’instaure dans la région. Cependant les haririens reconnaissent volontiers qu’ils seraient bien aises de voir le projet de budget passer sans encombre à la Chambre. Ce qui signifie en clair qu’ils souhaitent l’appui, ou tout le moins la neutralité bienveillante, du perchoir. D’autant qu’il faut également tenter de régler le casse-tête de l’électricité, dont le ministre de tutelle est berriyiste. Et préparer à tête reposée aussi bien Paris II que les privatisations. Émile KHOURY
C’est encore heureux : le malheur unit. Ou, si l’on préfère les clichés encore plus éprouvés (c’est le mot), à quelque chose malheur est bon. La crise économique a fini par toucher aussi les dirigeants. Au cœur plutôt qu’à la popoche, bien trop garnie pour s’en trouver dégonflée. Émus par la détresse criante de tant de leurs compatriotes plongés dans la...