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Actualités - REPORTAGE

Nizar Hamzé : Les Américains ont avancé le plus de définitions sur le terrorisme

Pour Nizar Hamzé, islamologue et professeur de sciences politiques à l’AUB, un certain nombre de définitions sur le terrorisme circulent depuis 1969 au sein de la communauté intellectuelle. Parmi les premiers textes juridiques, on relève la convention de Tokyo sur les actes terroristes commis à bord des avions. Ce texte a été élaboré en relation avec les activités de l’OLP, rappelle le professeur. «Depuis, les définitions ont évolué, condamnant successivement la prise d’otages, les détournements d’avions, pour aboutir à des tentatives de définition plus contemporaines, telles que celles élaborées par le département d’État américain ou l’Assemblée générale de l’ONU», précise Nizar Hamzé, faisant allusion à la résolution de 1995, fondée sur des résolutions précédentes du Conseil de sécurité. Nizar Hamzé, à l’instar de nombreux analystes, reconnaît que le problème n’est pas tant dans la définition que dans l’aspect politique que revêt cette question. «Ce qui apparaît être du terrorisme ou des actions criminelles aux yeux de certains est considéré comme une lutte pour la liberté et, par extension, une résistance pour les autres», dit-il. L’autre aspect du problème réside au niveau de l’application des normes au niveau local et de l’imposition des sanctions pour certains actes qui seraient alors considérés «subjectivement» comme relevant du terrorisme. Au regard du droit international, une convention s’impose pour homogénéiser les textes de loi, poursuit M. Hamzé, d’autant plus que les résolutions n’ont pas les mêmes effets juridiques. S’il est vrai que le concept de terrorisme a été explicité de manières différentes, confirmant à chaque fois qu’il s’agit indéniablement «d’un acte de violence», aucune définition commune n’a encore été élaborée sur la scène internationale, fait remarquer l’islamologue. Il existe toutefois une définition qui, du point de vue du droit international public, a eu un grand écho dans les milieux concernés, dit-il. Il s’agit de la définition Whiteheads, juriste et ancien secrétaire d’État adjoint. Ce dernier a défini le terrorisme comme étant «une forme sophistiquée de violence politique. Elle n’est exercée ni par hasard ni sans objectif. Elle constitue une stratégie et un outil par tous ceux qui rejettent les normes et les valeurs des peuples civilisés partout dans le monde», note M. Hamzé. «Cette définition est en elle-même valable puisqu’elle couvre les actes des individus, des groupes et des États, ce qui n’était pas le cas dans les précédentes définitions. Elle apporte en outre des précisions techniques quant aux méthodes utilisées, précise le politologue. Mais sa faiblesse réside dans le terme “civilisé” qui a créé toute une controverse. Ce terme concerne-t-il la civilisation occidentale ou bien les peuples qui croient aux principes démocratiques sans qu’ils soient pour autant affiliés à l’Occident ?», s’interroge le professeur. Rappelant que ce sont en fin de compte les Américains qui ont le plus fourni la société internationale en définitions sur le terrorisme, Nizar Hamzé en cite une autre, celle proposée par le département d’État en 1983 et qui dit : «Le terrorisme est une violence préméditée et politiquement motivée, exercée contre des cibles de non-combattants par des sous-groupes nationaux ou des agents clandestins relevant d’un État». Toutefois, fait remarquer M. Hamzé, si le concept de terrorisme s’est développé depuis 1969 jusqu’au 11 septembre dernier, les objectifs et la nature des actes terroristes ayant à leur tour évolué, c’est sur une seule et même définition qu’il faut s’entendre aujourd’hui. Nizar Hamzé conteste toutefois l’hypothèse selon laquelle les Américains utilisent le spectre du terrorisme pour mieux pratiquer leur politique hégémonique sur le monde. «En réalité, il y va de l’intérêt des États Unis et des pays occidentaux en général de s’entendre sur une convention internationale qui précise les règles du terrorisme et établit une coopération au niveau international. Le problème est le malentendu qui existe avec d’autres pays, notamment avec les pays en voie de développement qui risquent de considérer que ces définitions sont d’inspiration “occidentale” plutôt que découlant du droit international», affirme le politologue. Le problème se pose surtout dans ses implications au niveau de la question de l’autodétermination et de la résistance, deux principes consacrés par les démocraties occidentales. Si celles-ci parviennent à approuver une définition précise sur le terrorisme , «certains mouvements de libération contre l’occupation risqueraient de tomber sous le coup de ces définitions», d’où l’hésitation de ces dernières à s’enfermer dans des définitions qui iraient à l’encontre de leurs propres principes. «Il y a aujourd’hui une confusion entre les intérêts politiques des États-Unis et les moyens légaux que détiennent ces derniers face au terrorisme», précise M. Hamzé. Parallèlement aux actes terroristes, les guerres n’impliquent-elles pas également la mort de personnes civiles innocentes ? Si le terrorisme est un acte de violence qui n’est pas exécuté au hasard, et si l’on considère, comme certains l’ont affirmé, que les bombardements de Hiroshima et de Nagazaki sont une réponse à Pearl Harbour, pour certains l’utilisation de la violence dans cet acte de guerre précis a été excessive, estime M. Hamzé. «Même durant la guerre du Golfe, on a parlé d’utilisation démesurée de la force au regard du nombre de civils tués. Si l’on sort du contexte de la guerre, ces actes doivent être punis, dit-il . Entre le terrorisme et les conventions de guerre, il existe toute une zone d’ombre». Ainsi, estime Nizar Hamzé, la question n’est plus légale mais bel et bien politique. D’ailleurs , dit-il, beaucoup d’analystes ont considéré la réaction à Pearl Harbour comme relevant d’un acte purement terroriste. «La question reste entière. Qu’est-ce que le terrorisme ? Et qui est à même de punir de tels actes ?». Certainement pas le système juridique international, qui reflète les rapports de force en présence, constate l’analyste. Toutefois, le retour en arrière n’est plus possible. Désormais, les procédures légales sont en gestation et la tendance internationale est à la coopération entre les États, estime notre interlocuteur, une coopération politique, militaire mais aussi au niveau des services de renseignements. «Ici nous sommes désormais dans la sphère politique. Si un jour le droit international devait être appliqué, cela dépendra des rapports de force en présence. Cela ne veut pas dire pour autant que les petits n’auront pas leur mot à dire. Mais le combat est inégal. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le terrorisme existe». Je.J.
Pour Nizar Hamzé, islamologue et professeur de sciences politiques à l’AUB, un certain nombre de définitions sur le terrorisme circulent depuis 1969 au sein de la communauté intellectuelle. Parmi les premiers textes juridiques, on relève la convention de Tokyo sur les actes terroristes commis à bord des avions. Ce texte a été élaboré en relation avec les activités de...