Audeh : « Mon pays est devenu le foyer de toutes les corruptions »

C’est en l’église de Notre-Dame de la Dormition, à Ras-Beyrouth, que le métropolite de la capitale, Mgr Élias Audeh, a célébré mardi la messe de la présentation de Jésus au Temple qui coïncide avec la fête de saint Basile-le-Grand. Dans une homélie prononcée à l’issue de la lecture de l’Évangile, Mgr Audeh s’est étendu sur la signification de la Circoncision, insistant sur l’importance de ce symbole qui consiste à verser son sang, comme le Christ l’a fait sur la Croix. Passant ensuite à la politique, Mgr Audeh a souhaité «une circoncision des cœurs, pour que meure notre ancien corps, celui des mauvais désirs et des mauvais penchants, et que nous puissions revivre dans le Christ». «Je prie le Seigneur de bénir ce pays, de le purifier de toute corruption et de changer la mentalité de ceux qui encouragent la corruption. Je dis cela parce que j’estime que ma patrie est devenue le foyer de toutes les corruptions. J’espère me tromper, mais j’ai le sentiment que la corruption s’est enracinée dans mon pays jusqu’aux os», a encore dit le métropolite de Beyrouth. Et d’ajouter : «Nous avons tous entendu parler du licenciement de certains fonctionnaires et de leur remplacement par d’autres. Les causes de ces licenciements ont-elles été rendues publiques ? Lequel de ces fonctionnaires a-t-il été traduit en justice ? Tout licenciement constitue la sanction d’une faute commise et le coupable doit nécessairement être jugé. Pourquoi n’avons-nous pas entendu parler de jugement ? Est-ce pour éviter de soulever des scandales ? Des scandales dans lesquels seraient impliqués les responsables ? Nous savons pertinemment que certains directeurs généraux ont été démis de leurs fonctions pour avoir refusé de se rendre coupables d’infractions exigées par leurs responsables. Nous savons aussi que certains fonctionnaires honnêtes et consciencieux ont été sanctionnés pour avoir refusé d’obtempérer aux ordres de leurs supérieurs et ont été démis de leurs fonctions. Même le plus consciencieux des responsables porte préjudice à son pays en détournant les yeux de ce qui se passe à ce niveau. J’aurais souhaité que les fonctionnaires concernés disent toute la vérité, mais je comprends leur silence car ils ont une famille à nourrir». «Nous n’ignorons rien des combines sur base desquelles des indemnités ont été versées à de faux déplacés et des sommes destinées à la construction d’églises fictives. J’invite l’État à déférer devant la justice tous les fonctionnaires démis de leurs fonctions. Nous refusons que les fonctions soient exploitées au profit d’intérêts personnels, tout comme nous refusons tout préjudice porté sans jugement contre quelque personne que ce soit», a poursuivi Mgr Audeh. Toujours sur le plan des nominations, Mgr Audeh s’est demandé «comment près de deux cents fonctionnaires peuvent être nommés au cours d’une seule session. La simple lecture de deux cents noms requiert plus de temps. Ou bien ne les ont-ils pas lus ?». Pour le métropolite de Beyrouth, «il n’est pas permis de porter des accusations infondées contre qui que ce soit». «J’appelle l’État, a-t-il insisté, à réintégrer dans leurs fonctions tous ceux qui en ont été démis, ou alors de les déférer devant la justice et de rendre publics les jugements, tout en espérant qu’aucun dossier ne sera perdu en cours de route. Vous rappelez-vous l’affaire de l’assassinat des quatre juges ? Quels ont été les résultats de l’enquête ? Ceux qui ne dénoncent pas la corruption n’en sont pas moins corrompus. Nous continuerons à défendre les fonctionnaires jusqu’à ce qu’un terme soit mis aux atteintes à la dignité humaine de ceux qui ont été limogés pour des raisons inconnues. Notre État verse des salaires aux fonctionnaires mis à la disposition du ministre ou de la présidence du Conseil, pour se plaindre ensuite de la dilapidation de fonds et prétendre restreindre les dépenses».