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Actualités - OPINION

Taëf et la troïka : une réforme plus que jamais nécessaire

Depuis le retour de la paix, pas une seule année sans disputes tragi-comiques entre les dirigeants. Aux dépens, financiers et socioéconomiques, du pays. Ce cycle infernal est-il également fatal ? Découle-t-il du texte même de Taëf ? D’une application erronée ? D’une simple question de personnes et d’inconciliabilité d’humeurs ? Selon un ancien responsable, tous ces facteurs d’échec se trouvent réunis. Dans l’ancien système, les conflits n’opposaient généralement que deux présidents, le chef de l’État et le Premier ministre. On les réglait souvent par des arrangements à l’amiable. Et quand on n’y parvenait pas, il y avait changement de gouvernement. Le président de la République, disposant alors de pouvoirs quasi régaliens, portait son choix sur un Premier ministre qui lui convenait. Et qui, la plupart du temps, ne pouvait pas espérer garder ou retrouver son poste sans les faveurs et l’appui du premier magistrat de l’État. Qui avait donc les coudées franches, puisque les consultations parlementaires précédant la désignation d’un nouveau chef de gouvernement n’étaient pas impératives. De ce fait même, le président de la Chambre ne pouvait pas, en tant que tel, jouer de rôle primordial en ce qui concerne le domaine gouvernemental, ni peser sur les décisions de l’Exécutif. Sauf, évidemment, dans la mesure relative où, par ailleurs, il était lui-même un leader de dimension nationale, un chef de région ou de communauté politique, dont il fallait tenir compte au nom des sacro-saints équilibres intérieurs. En pratique cependant, le chef du Législatif était toujours à l’écoute de la présidence de la République. Qui le briefait sur ses volontés, pour ne pas dire qu’elle lui donnait ses instructions, toutes les semaines, lors de la traditionnelle audience du mardi. Autant sinon plus que le chef du gouvernement, le président de la Chambre était redevable de ses hautes fonctions au chef de l’État qui maîtrisait généralement la majorité parlementaire. Il n’y avait donc pas de problème de cohésion entre la tête de l’Exécutif, pouvoir concentré entre les mains du président de la République, et de l’Assemblée nationale. Une harmonie sans faille, comme le prouvent les annales de la place de l’Étoile qui racontent l’histoire, peu mouvementée, des couples Béchara el-Khoury-Sabri Hamadé, Camille Chamoun-Adel Osseirane, Fouad Chéhab-Sabri Hamadé ou Sleimane Frangié-Kamel el-Assaad. Aujourd’hui, le président de la Chambre est tout à fait libre de ses mouvements. Il règne en maître sur l’institution, puisqu’il bénéficie d’un mandat qui couvre toute la législature. Et il intervient à tout bout de champ dans le fonctionnement de l’Éxécutif, autant par le biais du quota confortable de ministres dont il dispose en personne, que par la possibilité de bloquer toutes les initiatives du gouvernement, d’en faire dormir les projets dans ses tiroirs. Une puissance accentuée par le fait que l’Exécutif ne peut plus dissoudre la Chambre, sauf dans des cas de figure pratiquement impossibles comme le refus de siéger. Sans compter, enfin, que le découpage des circonscriptions électorales a été taillé à l’exacte mesure de l’actuel président de la Chambre. Qui bénéficie, tout seul, d’un mohafazat entier pour y faire élire un bloc consistant. Bref, tout baignait dans l’huile jadis, car le système était alors pour ainsi dire présidentiel. Taëf y a donné un sérieux coup de balai. En redistribuant les prérogatives entre les trois présidences, de manière si vague que les empiètements, et par conséquent les déchirements, en devenaient inévitables. Chacun était, et reste, autorisé à interpréter les textes à sa convenance. Ce qui a réduit à néant le double principe de la séparation et de la coopération des pouvoirs. Et il fait peu de doute que tout aurait implosé depuis longtemps sans les perpétuels arbitrages syriens. D’autant que la Constitution, à cause de ses propres défauts, a été dans le fond mise de côté. En effet, au lieu que le pouvoir de décision exécutif revienne au Conseil des ministres, comme l’ordonne la loi fondamentale, il s’est retrouvé captif du régime parallèle dit de la troïka. Qui est la négation même de l’État des institutions. Aussi les choses ne vont bien dans le pays que lorsque les présidents sont tous trois d’accord, ce qui est rare. Le plus souvent on voit deux d’entre eux se liguer contre le troisième, les alliances se tissant au gré des circonstances. Parfois, le bras de fer n’oppose que deux protagonistes et le troisième tente alors de jouer les conciliateurs. Comme c’est le cas aujourd’hui, la lutte mettant aux prises le président de la Chambre et le président du Conseil tandis que le président de la République s’efforce de les ramener à la raison (d’État). On reste cependant dans un cadre de troïka, ce qui est source de crise, sinon ministérielle, ce qui peut finir par arriver, du moins politique. Avec les néfastes retombées connues sur une situation socioéconomique déjà peu enviable, tandis que les réserves en devises de la Banque centrale, et la confiance risquent de fondre comme neige au soleil. La question des atomes peu crochus, relève en conclusion l’ancien dirigeant, ne peut être réglée que par une refonte du système. Pour qu’il redevienne présidentiel ou semi-présidentiel, soit à la manière des États-Unis, soit à la sauce française. Émile KHOURY
Depuis le retour de la paix, pas une seule année sans disputes tragi-comiques entre les dirigeants. Aux dépens, financiers et socioéconomiques, du pays. Ce cycle infernal est-il également fatal ? Découle-t-il du texte même de Taëf ? D’une application erronée ? D’une simple question de personnes et d’inconciliabilité d’humeurs ? Selon un ancien responsable, tous ces...