BEAUX LIVRES - Art et histoire du monde arabe

Historiens de renom, photographes minutieux et éditeurs de talent : voilà le trio parfait qui crée un «beau livre». En ajoutant à ce travail la contribution de la technique, toujours plus développée, certains ouvrages atteignent la perfection. La sélection des fêtes s’axe autour du monde arabe : neuf publications, à découvrir à la librairie Dédicace, qui déploient les merveilles de la céramique, de la calligraphie, des bijoux, des animaux sacrés, des mosquées, des temples et des églises. Tous sont à se procurer les yeux fermés et à feuilleter les yeux grands ouverts. « Le Levant : histoire et archéologie du Proche-Orient », éditions Könemann Textes clairs, photographies d’une rigueur et d’une originalité d’angle exemplaires, légendes détaillées, cet ouvrage à la facture très soignée se découpe en six chapitres chronologiques, chacun assuré par le spécialiste de la période décrite : L’âge du bronze par Philippe Marquis, Les Phéniciens par Éric Gubel, L’époque gréco-romaine par Jean-Baptiste Yon, Les Nabatéens par Laïla Nehmé, Le Proche-Orient protobyzantin par Pierre-Louis Gatier et L’islam et les croisades par Marie-Odile Rousset. Un livre très complet, tant dans l’iconographie que dans les exposés historiques. Ceux qui le découvriront se feront une idée plus élargie et plus précise de cette région placée entre le continent eurasiatique, l’Afrique et la péninsule arabique, et bordée par la Méditerranée. Jean Mathé et Annie Crozat-Mathé, « Syrie-Jordanie, entre golfe Persique et Méditerranée », éditions La Renaissance du Livre Gros plan, avec ce format beaucoup plus modeste que celui des éditions Könemann, sur deux pays voisins, la Syrie et la Jordanie. Les photos y sont belles et les textes denses, malheureusement dans une mise en page quelque peu touffue. La quasi-totalité de ce livre est consacrée à la Syrie, parcourue sous tous ses angles (méditerranéen, septentrional, méridional, mésopotamien et désertique), ce qui permet de découvrir beaucoup de paysages et de villes. Détail intéressant : ce couple de voyageurs-photographes donne de larges descriptions géologiques, géographiques et agricoles : une approche originale qui peut paraître importante pour certains. À signaler, dans les dernières pages, une chronologie rapide et utile suivie d’un «glossaire histoire-archéologie-islam» très complet tout en restant accessible aux simples découvreurs. « La Méditerranée et l’art, de Mahomet à Charlemagne », éditions Citadelle & Mazenod Les amateurs de beaux ouvrages connaissent le travail parfait de la maison d’édition Mazenod, spécialisée dans le livre d’art. Il suffit de feuilleter ce volume, qui fait suite à La Méditerranée des Croisades, pour se rendre compte qu’il est d’une facture vraiment exceptionnelle. Mazenod est «le» spécialiste des reproductions photographiques d’œuvres d’art et c’est un plaisir de découvrir les nuances de tons des icônes, les détails des sculptures sur pierre ou de ceux des bijoux anciens. Sans oublier la netteté des clichés de fresques, miniatures et autres dessins coloriés. Papier glacé agréable à toucher et à feuilleter, caractères typographiques reposants à lire, mise en page classique et efficace. Philippe Germond et Jacques Livet, « Bestiaire d’Égypte », éditions Citadelles & Mazenod Des neuf livres de cette sélection, le Bestiaire d’Égypte est le plus impressionnant. Issu, là aussi, de la maison Mazenod, il est le résultat admirable du travail de deux passionnés d’Égypte. Ceux-ci se sont penchés sur un aspect particulier de sa civilisation ancienne : les animaux sacrés. Les textes mènent à l’essentiel tandis que les photos sont une référence du genre. Un petit bijou éditorial, qui fait redécouvrir l’Égypte en quittant les sentiers battus des pyramides de Guizèh et de la Vallée des Rois. Sans réellement en sortir puisque les dieux ont choisi de s’incarner dans une vache, un chat ou un ibis. Gérard Degerorge et Yves Porter, « L’art de la céramique dans l’architecture musulmane », éditions Flammarion Dans un autre registre et dans une autre époque, un autre aspect artistique du monde arabe : la céramique. Les ouvrages de qualité sur le sujet ne manquent pas. Celui-ci ne déroge pas à la règle et a le mérite de présenter, à travers cinq chapitres, cette technique telle qu’elle a été travaillée dans les différentes régions du monde (qui sortent quelque peu du cadre géographique arabe) : «L’Orient pré-mongol», «Le Maghreb et l’Espagne», «L’Iran et l’Asie centrale, XIVe-XIXe siècles», «L’Anatolie et le Levant des Seldjoukides aux Ottomans» et «Le sous-continent indien sous domination musulmane». Autres points forts de l’ouvrage : une «Introduction à l’architecture musulmane» suivie d’un long exposé sur «la céramique architecturale : matériaux, techniques et artisans» sans oublier de très riches annexes composées d’une carte et d’une chronologie du monde musulman, d’un glossaire et d’index de noms et de sites. Les photographies en gros plan des céramiques reproduisent fidèlement les couleurs d’origine. « L’Orient de Saladin, l’art des Ayyoubides », éditions Gallimard et Institut du monde arabe Il s’agit du luxueux catalogue de l’exposition qui se tient à Paris, à l’Institut du monde arabe, jusqu’au 10 mars 2002. Comme tous les ouvrages encadrant un événement de ce genre, celui-ci est extrêmement détaillé. L’intégralité des pièces présentées y est largement expliquée avec références, provenance, année et lieu de découverte à l’appui, à travers les treize chapitres composés par les spécialistes internationaux, eux-mêmes encadrés d’une introduction et d’un épilogue. Toute la période du règne des Ayyoubides est couverte, ses aspects en sont étudiés à travers ses monnaies, ses bols, ses aiguières ou ses linteaux. Le travail éditorial est irréprochable et l’iconographie très fournie. Les catalogues sont la bonne solution pour se consoler de ne pas voir l’exposition, et l’ouvrage peut sans aucun doute trouver sa place dans une bibliothèque de qualité. « L’art du livre arabe, du manuscrit au livre d’artiste », éditions Bibliothèque nationale de France Encore un catalogue d’une exposition en cours jusqu’au 13 janvier 2002 à Paris, à la Bibliothèque nationale de France. Celle-ci possède un fonds arabe impressionnant : plus de 7 200 manuscrits, dont près de 160 sont exposés pour la première fois. Là aussi, un beau travail d’édition, de reproduction et de textes, répartis en 11 onze chapitres courts et denses, abordant aussi bien la «transmission des textes» que les différents supports, écritures ou reliures utilisés au fil des siècles (du XIe au XXe). Les légendes des pièces exposées sont très développées, ce qui fait de cet ouvrage au thème original un outil de référence. « Le grand livre des proverbes arabes », éditions Presses du Châtelet Cet ouvrage est en fait un dictionnaire thématique composé à partir des mots-clés qui créent des proverbes. S’il est rédigé en français, l’accompagnement en arabe n’a pas été négligé et c’est ce qui constitue le grand atout du Grand livre des proverbes arabes : en effet, chacun des mots est écrit en arabe et soutenu par la transcription phonétique. Coupant la monotonie des pages blanches où l’on peut lire les proverbes, deux sections admirables consacrées aux calligraphies de Ghani Alani. Celles-ci donnent une toute ampleur aux adages qu’elles transforment en paroles d’éternité. L’artiste irakien a également rédigé pour ce dictionnaire deux textes dont l’un est autobiographique : «La calligraphie est cachée dans l’enseignement du maître» et «Sur les pas d’un calligraphe» sont des compléments à découvrir, en marge du simple répertoire des proverbes. France Borel et John Bigelow Taylor, « Orfèvres lointains, bijoux d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et d’Amérique », éditions Hazan Pour clôturer cette sélection, un beau livre de rêve sur un thème original et élaboré à partir de l’extraordinaire collection de bijoux de Colette et Jean-Pierre Ghysels, construite au fil de trente années de voyages à travers les continents. Des pièces inouïes, dont certaines n’ont jamais été vues auparavant et créées avec les matériaux les plus étonnants. Le texte passionnant de France Borel renseigne sur l’histoire et l’impact de la parure chez les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et d’Amérique. Bref, tout un panorama déployé grâce à des photographies parfaites qui font longtemps rêver. Pour les amateurs de curiosité, les voyageurs sur place et les croqueurs-croqueuses de bijoux, un beau livre à la hauteur de leur imagination. Et même plus.