Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSES

VIE POLITIQUE - Baabda s’efforce d’arbitrer les tensions - Le bras de fer Berry-Hariri bloque toujours les nominations

Le président Émile Lahoud a beau rappeler à l’ordre républicain des pôles qui jouent à catch-catch, au mépris de la cohésion du pouvoir, les luttes d’influence multilatérales persistent. Le match principal de ce festival pugilistique se déroule, bien entendu, au niveau des présidents Nabih Berry et Rafic Hariri. Dont la rivalité se trouve attisée, comme l’appétit de deux affamés, par les grisants arômes que dégage le gâteau des nominations. Pièce montée posée sur la table (du Conseil des ministres) sans que le couteau de découpage n’entre en action. Faute d’un consensus, qui continue à fuir, comme l’horizon, au fur et à mesure qu’on croit s’en rapprocher. C’est que, comme toujours en Orient, le bazar se complique de marchandages annexes. Ainsi, le président Berry se braque contre les coupes sombres (30 % en moins) effectuées dans le budget de son cher, au double sens du mot, Conseil du Sud. Il exige que le Trésor continue à se montrer aussi généreux à l’égard de cet organisme que du temps de l’occupation israélienne. Alors que les différences structurelles sautent aux yeux, l’État n’ayant plus besoin de passer par le truchement du Conseil pour monnayer, bien mal d’ailleurs, les besoins de la région méridionale. Mais outre cette poire pour une soif électorale difficile à étancher en présence du Hezbollah, M. Berry exige que l’on ne touche à aucun des acquis de la communauté chiite en général. Et du mouvement Amal, de ses protégés ou de ses sympathisants en particulier. Ce qui rend techniquement les nominations, déjà ardues, encore plus difficiles à effectuer. Étant donné qu’il existe en premier lieu une bonne trentaine de postes-clés vacants à pourvoir, où l’assortiment des candidats communautaires ne répond pas toujours aux conditions de compétence requises. Autrement dit, si l’on a besoin d’un directeur général pour les anciens combattants, par exemple, il n’est pas certain qu’on en trouve un de qualifié dans les rangs de la collectivité x, y ou z. M. Berry, en bon joueur d’échecs, ne se contente pas de défendre les positions de sa communauté. Il déborde également, au besoin, par esprit prophylactique sur les domaines en principe réservés à autrui. Ainsi, il a commencé par contester l’attribution de la direction du Conseil du développement et de la reconstruction à un sunnite. Il a fini par admettre le principe. Mais pour s’opposer aussitôt au choix initial de M. Hariri, qui voulait rétablir dans ses anciennes fonctions l’un de ses lieutenants, M. el-Fadl Chalak. Il a été ensuite question, à titre de compromis, d’un notable, un ingénieur de la famille Itani. Mais l’accord ne s’est toujours pas fait. Le sujet est d’importance, quand on sait que le budget du CDR est de quelque 1,2 milliard de dollars et que contrairement aux ministères, il ne dépense pas ses crédits sur les salaires ou les frais de bureaux uniquement, mais sur des projets juteux. Parallèlement, M. Berry a rué dans les brancards pour ce qui est du ministère de l’Information. Ce département, qui parlait de saquer des parasites, va finalement recruter (!) de nouveaux contractuels. Plus exactement, il va reprendre 580 de ses propres fonctionnaires, 179 chrétiens et 401 musulmans. Le président de la Chambre monte sur ses grands chevaux. Il exige qu’on lui garantisse avant toute chose le maintien du personnel chiite, fort nombreux dans ce créneau. Il étend en outre, pour contrer toute surenchère, son ombre tutélaire à l’ensemble du camp mahométan, en demandant que sa quote-part d’ensemble soit augmentée. Ce qui n’a pas manqué d’indisposer aussi bien les leaderships druzes que chrétiens. Vaines tentatives D’autre part, MM. Berry et Hariri ne sont toujours pas parvenus à s’entendre sur le choix entre l’option package deal, qui permettrait de promulguer toutes les désignations en un seul panier, et la procédure au coup par coup, au cas par cas. Qui produirait de multiples étapes, et autant d’occasions d’empoignades entre politiciens. Les deux hommes, dont le différend n’est pas d’ordre personnel (c’est encore heureux), ne refusent pas de se rencontrer. Ils l’ont même fait à plusieurs reprises, en tête-à-tête ou sous la houlette de M. Lahoud, comme le jour de l’indépendance. Sans arriver à accorder leurs violons. L’exemple que leur a offert le chef de l’État, qui leur a rappelé que lui-même ne soutenait aucun candidat, n’a pas semblé les impressionner outre mesure. Et s’ils ont souscrit aux propos de l’hôte de Baabda, ce n’est certainement que du bout des lèvres. Sans rien retenir en pratique de cette leçon qui se résume en deux règles simples : oui à la compétence, à la probité, à l’expérience ; non au clientélisme, au partisanisme, au sectarisme. Le président de la République a indiqué que nul pôle politique ne devrait avoir en poche une liste de favoris, la présélection devant être laissée à la sagacité des organismes professionnels, Conseil de la fonction publique en tête. M. Lahoud a également souhaité que les ministres ne présentent pas de candidats népotiques. C’est-à-dire qui leur seraient apparentés, ou liés par renvoi d’ascenseur, à des collègues. En somme, le régime a tenté de lutter contre le système traditionnel de partage. Mais bien des cadres, dont les ministres Sleimane Frangié et Khalil Hraoui, se sont déclarés ouvertement hostiles à un changement des coutumes établies. En faisant valoir qu’il est après tout impossible de trouver un fonctionnaire qui soit détaché de toute appartenance. Car les oiseaux rares ne seraient, du fait même de leur isolement ou de leur discrétion, connus de personne pour être présentés comme candidats. Cela ressemble un peu à la blague du bonhomme à qui on demande s’il appartient aux services secrets et qui répond : chut, c’est secret, je n’ai pas le droit de le dire. À dire vrai, les traditionalistes ne manquent pas de corriger en quelque sorte le tir. En soulignant que si les choix à partir des colorations restent inévitables, ne serait-ce qu’au nom des sacro-saints équilibres, on peut toujours les effectuer en tenant compte avant tout de la compétence, de l’honnêteté et du sens du service public des impétrants.
Le président Émile Lahoud a beau rappeler à l’ordre républicain des pôles qui jouent à catch-catch, au mépris de la cohésion du pouvoir, les luttes d’influence multilatérales persistent. Le match principal de ce festival pugilistique se déroule, bien entendu, au niveau des présidents Nabih Berry et Rafic Hariri. Dont la rivalité se trouve attisée, comme l’appétit de...