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Actualités - ANALYSES

Un gouffre financier littéralement effarant - Le rapport de Mouawad met les points sur les i

Un trou de mille cents milliards de livres libanaises ! Il faut mettre les chiffres en lettres, pour mieux visualiser le passif de l’Électricité du Liban (EDL). Une dette de 733 millions de dollars, accumulée au fil des ans et des impérities. Comment en est-on arrivé là ? Les explications abondent et s’accompagnent d’autant de justifications plus ou moins recevables. Reste cette simple question : que signifie exactement une république dont, en dix ans, ni le gouvernement ni le Parlement n’ont pris la peine de se pencher sur un tel dossier ? Sauf pour des palliatifs épisodiques, qui étaient autant de fuites (d’argent) en avant, aggravant le mal au lieu de l’alléger. Peut-on s’en sortir ? Sans doute, si les causes sont enfin traitées sans arrière-pensées politiciennes. À ce propos, le rapport remis aux autorités par le directeur général de l’office, M. Georges Mouawad, souligne les éléments suivants : – À partir de fin 98, les prix des carburants se sont mis à grimper. D’où un coût, pour l’exercice comptable de l’an 2000, de 565 milliards de LL et de 610 milliards pour l’année en cours. L’on n’a pas accepté de faire fonctionner les centrales de Deir Ammar et du Zahrani au gaz naturel, ce qui aurait réduit la facture. – La note syrienne pour l’énergie livrée au Liban s’est élevée de 45 milliards de LL en 98 à 118 milliards pour cette année. Une dépense que l’État aurait pu éviter. Car il a suffisamment investi pour que le pays s’autosuffise, en grevant du reste à cette fin le budget de l’office. – Qui assume en outre les échéances non payées par les concessionnaires autorisés dans certaines régions, enveloppe qui représente 275 milliards. Sans qu’aucun effort de recouvrement ne soit accompli par les services financiers qualifiés auprès des débiteurs. – L’exemption décrétée en faveur des localités frontalières par le Conseil des ministres a coûté jusqu’à présent 40 milliards. Il faut y ajouter 50 bons milliards, à cause de l’article 75 de la loi de finances 2001 qui gracie totalement les arriérés impayés. En bonne logique, si l’État veut se montrer aussi prodigue, il doit le faire à ses propres frais et non à ceux de l’EDL comme c’est le cas. D’autant qu’une décision de la sorte est de toute évidence de nature politique et non technique. – D’ailleurs, les administrations publiques se comptent elles-mêmes parmi les principaux mauvais payeurs, puisqu’elles doivent à l’office quelque 180 milliards. Sous prétexte que les crédits nécessaires n’ont pas été prévus dans les budgets de ces services. Ce qui est faux, le fait étant que ces fonds sont détournés vers d’autres créneaux. – Selon des sources financières, la dette des usagers en rupture de quittances ordinaires ou hors-circuit se chiffre à la bagatelle de 600 milliards de LL. Sans que les autorités compétentes ne précisent clairement les raisons qui les empêchent de permettre une perception régulière de cette lourde note. – Le pillage du courant constitue quelque 30 % de l’énergie produite. La loi sévère qui a été promulguée pour y mettre fin n’a été suivie d’aucun effet pratique. C’est-à-dire qu’aucune sanction n’a été prononcée contre un coupable quelconque, malgré les 1 500 procès intentés dans ce cadre par l’EDL. Qui a néanmoins tenté d’encourager le civisme en assumant pour moitié les frais d’installation de compteurs. La loi de finances a tout balayé en réduisant le barème des taxes. Après ces constats arithmétiques, le rapport de M. Mouawad passe aux propositions de solution. Le directeur général estime qu’il faut mettre en application un plan de six mois. Délai au cours duquel l’État obligerait les concessionnaires à s’acquitter de leur dû, faute de quoi il remettrait la main sur La Qadisha. Parallèlement, le Trésor prendrait à sa charge les dettes d’équipement. Les avances antérieures pour les carburants seraient virées au compte du capital de l’office. La Banque du Liban cesserait de payer les importateurs en devises fortes. La perception serait améliorée, d’abord en contraignant les administrations publiques à payer leurs quittances. Les autorités lutteraient sévèrement contre les branchements illicites. Elles établiraient un barème mieux étudié et veilleraient à réduire les coûts. Cela étant, il est certain que le ministre des Ressources a de son côté des solutions à proposer. En tout cas, le traitement doit s’effectuer rapidement. Sans s’enliser dans des conflits empoisonnés entre responsables. S’il existe vraiment du gaspillage à l’office, il faut s’en assurer par le biais d’une commission parlementaire d’enquête. Ou par celui de la justice. Le seul recours à la commission parlementaire des Travaux publics ne suffit pas. À ce niveau de gravité, la population ne comprendrait pas que l’Assemblée ne consacre pas l’un de ses débats de fond à ce dossier. Sans oublier que l’État doit trouver moyen de mettre un terme à l’injustice chronique qui veut que des Libanais paient pour d’autres. Sans une détermination de traitement politique dans le bon sens, il est évident qu’il ne servirait à rien de changer le conseil d’administration ou le directeur général de l’EDL. D’ailleurs, à ce propos, le président démissionnaire du conseil d’administration, M. Fouad Hamdane, rappelle que les statuts de l’office sont les mêmes depuis 1957 et nécessitent un sérieux dépoussiérage. Et la privatisation ? Elle baigne dans le flou actuellement. En l’état actuel des choses, d’ailleurs, l’électricité ne trouverait repreneur qu’à bas prix. Selon certaines mauvaises langues, ce serait d’ailleurs à cet effet, ou pour favoriser les importateurs de fuel comme le recours à l’énergie syrienne, qu’on aurait laissé le dossier se dégrader autant.
Un trou de mille cents milliards de livres libanaises ! Il faut mettre les chiffres en lettres, pour mieux visualiser le passif de l’Électricité du Liban (EDL). Une dette de 733 millions de dollars, accumulée au fil des ans et des impérities. Comment en est-on arrivé là ? Les explications abondent et s’accompagnent d’autant de justifications plus ou moins recevables. Reste...