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Actualités - OPINIONS

TRIBUNE - Quand le pouvoir échappe au Pouvoir

Honte à qui peut chanter tandis que Rome brûle S’il n’a l’âme et le cœur et les yeux de Néron. Jamais État n’aura été si activement fossoyeur de sa propre autorité ni gouvernement si lamentablement victime de ses agirs contradictoires. À en croire certains de ses membres, des décisions sont prises, comme à l’accoutumée, par des puissances occultes, à l’insu des ministres ou des responsables concernés. Et comme par hasard, le pire est décidé, exécuté en l’absence du ministre de l’Intérieur, pour la deuxième fois en l’espace de trois mois et dans des circonstances similaires. Coïncidence troublante. Quand le ministre de l’Intérieur est à l’extérieur, se coupe-t-il totalement de l’intérieur ? Le pays lui devient-il étranger ? Serions-nous restés à l’âge des pigeons voyageurs ou du courrier par diligence ? Non ! Nous ne pouvons continuer à avaler des couleuvres ou à faire le dos rond quand il s’agit des valeurs les plus précieuses à sauvegarder et d’une frange de la population active, notre jeunesse universitaire, promesse de renouveau, à élever et à protéger. Avoir peur et se taire, c’est se faire complice, comme l’a si violemment dénoncé le métropolite de Beyrouth. Du reste, les universitaires de tous bords, en décrétant une grève de solidarité avec notre Université, ont bien voulu signifier que, quelle que soit la pression et inique la répression, les campus universitaires demeureront des lieux de pensée libre et des espaces de résistance à toute volonté – locale, inspirée ou exogène, insidieuse, intruse ou assassine – d’étouffement de toute aspiration à l’indépendance réelle et à la décision autonome. Il nous est arrivé de nous élever, dans ces mêmes colonnes, contre tout alignement mimétique, contre des mentalités dangereusement contaminées, issues du totalitarisme, contre les méthodes qui visent à raboter les aspérités et les différences, contre les empêcheurs de penser en rond, contre l’unicité des discours et des parcours. S’en prendre aux universitaires en violant les enceintes sacrées et les campus protégés par la Loi, c’est vouloir étouffer les libertés en leur état naissant, dans les lieux mêmes où se prend la distance critique et où s’apprend le vouloir-vivre démocratique. Si l’objectif prioritaire de l’État est, selon les propres termes du président de la République, d’établir et de consolider la sécurité dans le pays, comment penser que celle-ci puisse s’épanouir dans la contrainte, au mépris des droits les plus élémentaires des personnes et des ensembles humains qui font, dynamiquement, la vie de la nation. Non ! la répression sans visage ne fait pas peur ; elle agace, elle irrite et de ce fait stimule les énergies personnelles et favorise les mouvements de solidarité. Qui est aujourd’hui l’ennemi du Liban ? Qui en menace l’unité et la sécurité ? Les étudiants de l’USJ ? Tous les étudiants du Liban et sa jeunesse, candidate permanente au chômage et à l’émigration, conséquence d’un fait accompli et d’un diktat humiliant ? Qui est l’ennemi de l’État, sinon l’État lui-même dans sa structure aporétique, dessinée par Taëf et imposée à la nation ? Un État stérile parce que tricéphale, un gouvernement figé, paralysé, parce que nourrissant en son sein les germes de son impuissance et de sa destruction. Un État honteusement manipulé, et de ce fait sans pouvoir. Les ennemis du Liban ne sont pas les étudiants libanais, mais tous ceux qui, directement ou indirectement protégés par l’État, n’ont d’autre objectif que de le discréditer au moment où il a tant besoin du soutien des pays démocratiques. Les ennemis du Liban sont tous ceux qui, sous couvert de fraternité et de proximité, œuvrent pour un non-Liban, celui dont les libertés d’opinion, de pensée et d’association auront disparu. Mais ce non-Liban ne verra pas le jour tant qu’il restera un étudiant capable de braver casques, matraques et blindés pour crier sa dignité et celle de son pays et qui donnera, en offrande, ses souffrances et ses blessures, peut-être sa vie, pour que le voile de la honte et de l’hypocrisie enfin se déchire. Vice-recteur à la recherche de l’Université Saint-Joseph
Honte à qui peut chanter tandis que Rome brûle S’il n’a l’âme et le cœur et les yeux de Néron. Jamais État n’aura été si activement fossoyeur de sa propre autorité ni gouvernement si lamentablement victime de ses agirs contradictoires. À en croire certains de ses membres, des décisions sont prises, comme à l’accoutumée, par des puissances occultes, à l’insu...