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Actualités - ANALYSES

La scène locale ranimée à la matraque

C’est décidément une éruption saisonnière. En août, on embastille à tour de bras. Et en novembre on bastonne du cuir jeune. De quoi rire jaune. D’autant que comme par hasard, les galipettes se produisent en l’absence du ministre concerné. En été, alors que les SR lançaient leurs rafles, c’était le ministre de la Défense, M. Khalil Hraoui, qui était absent. À la veille de l’indépendance (pieux souhait s’il en fut), ce sont les FSI tout feu tout flamme qui se sont distinguées, tandis que M. Élias Murr, en charge de l’Intérieur, se trouvait hors du pays. En tout cas la trêve forcée issue du 11 septembre semble maintenant terminée. Peut-être parce qu’on considère localement, à tort ou à raison, que les jeux sont maintenant faits en Afghanistan. Les opposants accusent le pouvoir d’y aller un peu trop lestement de la matraque. Et les loyalistes reprochent aux contestataires de vouloir déstabiliser le pays, alors que les dangers planent de tous côtés. Toujours est-il que les cartes connaissent une brusque redistribution. Ainsi, M. Walid Joumblatt, après son spectaculaire rapprochement avec le régime, se remet à tirer à boulets rouges, sinon à bout portant sur les services. La coalition PSP-Kornet Chehwane-Forum démocratique se trouve de la sorte reconstituée du jour au lendemain. Ce que disent les opposants Pourquoi ? Parce que, répondent en chœur les opposants réunifiés, «l’État reprend ses mauvaises habitudes répressives. Comme si le 11 septembre ne lui avait rien appris. Ou, plus exactement, comme si cette date fatidique avait valeur de blanc-seing pour l’instauration d’un système de pouvoir dit sécuritaire, c’est-à-dire dominé par les services». «L’une des preuves, que M. Joumblatt a d’ailleurs été le premier à relever, ajoutent-ils, est que l’on a tenu à organiser les cérémonies officielles du 22 novembre au siège du ministère de la Défense. Alors même qu’aucun manuel d’histoire ne mentionne un rôle quelconque des forces régulières en 1943». Ces sources ajoutent que «l’on voit mal ce qui peut justifier la violation d’une enceinte universitaire par les forces de l’ordre. Prendrait-on les étudiants de l’USJ pour des adeptes de Ben Laden ? Comment des agents d’un État qui se veut souverain, démocratique et autonome peuvent-ils lacérer des placards chantant l’indépendance nationale et les libertés constitutionnelles ? Comment peut-on arracher des murs des images de ce qui s’était produit le 7 août devant le Palais de justice, alors que le pouvoir avait fait son mea culpa à ce sujet ? Comment un fonctionnaire, à savoir le mohafez du Mont-Liban, peut-il interdire un dîner politique, approuvé comme conforme aux lois par un autre fonctionnaire, en l’occurrence le caïmacam de Jbeil ? Pourquoi n’interdit-on pas également des agapes données dans d’autres régions, comme à Tripoli, et au cours desquelles les orateurs ont la dent dure contre le pouvoir ? Est-ce que chaque iftar doit être signalé et bénéficier d’une autorisation préalable ?» «Les réponses, soulignent les opposants, sont contenues dans les questions elles-mêmes. Le simple fait de les poser nous amène à constater que la loi n’est ni la même pour tous ni appliquée à bon escient. C’est, encore et toujours, la politique des deux poids, deux mesures». En ce disant, les opposants font une sorte de demi-aveu : ils n’ont pas eu tout à fait raison de croire qu’un rabibochage avec le pouvoir devenait possible, maintenant que tout le monde devait tenir compte des retombées du 11 septembre. D’ailleurs, de loin mais en serrant de près cette réalité d’inconciliabilité, le patriarche Sfeir s’est remis de son côté à critiquer sévèrement la situation présente. Qui offre dès lors, grâce si l’on peut dire aux débordements policiers du 21, l’avantage de se clarifier, de remettre les pendules à l’heure et l’opposition dans sa case de contestation. Amère mais non désespérée. Car, comme en août dernier, il faudra encore voir ce que le chef du gouvernement et son équipe en pensent vraiment. Le point de vue des loyalistes Pour leur part, les loyalistes bon teint, qui ne trouvent rien à redire aux réactions musclées de la police, affirment en substance que «certains font délibérément de la provocation, pour déstabiliser la scène locale et rompre la cohésion du pouvoir». Selon ces défenseurs de l’ordre, sinon de la loi, «tout comme en août, les services ont leurs raisons pour prendre des initiatives sur le terrain. Il existe des parties qui continuent à faire de mauvais paris sur des changements régionaux ; en tentant de créer des foyers de pression pour l’État, qui ne peut en aucun cas laisser faire. Car l’intérêt national bien compris, la sécurité de chaque Libanais, comme la stabilité aussi bien économique que sociopolitique, sont dans la balance. Comme en août, et bien que les circonstances internationales ne paraissent pas avantageuses, il faut veiller au grain. En essayant d’éviter les bavures, ou les secousses. Mais cela n’est pas toujours possible à chaud, sur le terrain, surtout quand il y a des provocateurs». Selon ces sources, très versées dans le détail des lois, «le dîner de Jbeil a été interdit parce que les organisateurs n’ont pas présenté une demande dans les règles aux autorités compétentes. À ce propos, si certains pensent que l’État agit contre eux à dessein, ils ne peuvent s’en prendre à lui qu’à travers le tamis des lois, en prouvant, s’ils le peuvent, qu’il les transgresse à leurs dépens». Ou à leur soulagement sinon à leur profit comme un certain Toufayli et autres Abou Mahjane. Toujours est-il que les loyalistes affirment que l’enceinte universitaire de l’USJ, «sise dans le mohafazat du Mont-Liban, a été investie parce que l’on y avait affiché des slogans contraires à la loi, susceptibles de provoquer des dissensions et des heurts sur la scène intérieure. Le parquet a donc donné ordre de supprimer ces placards». «Cependant, reconnaissent ces cadres, une erreur a été certainement commise lors de l’exécution. Car l’ordre judiciaire aurait dû être appliqué après concertation avec la direction de l’Université, ce qui n’a pas été fait. Mais cette bévue, qui a coïncidé avec la fête de l’Indépendance, a été exagérément montée en épingle et exploitée par l’opposition. Qui oublie que grâce aux forces régulières, le Liban jouit d’une sécurité et d’une stabilité de terrain sans faille, alors qu’il y a des manifestations de rue dans bon nombre d’autres pays. Et alors que les menaces sharoniennes restent aussi lourdes dans la région». «Il faut comprendre, concluent les loyalistes, que la situation est délicate et n’autorise pas des secousses internes. Il faut promouvoir le langage de la raison et du dialogue, comme le souhaite le chef de l’État, qui a plus d’une fois rencontré Mgr Sfeir». Quant au ministre concerné, M. Élias Murr, il a fait savoir à son retour qu’il n’était pas satisfait de la manière dont les choses s’étaient passées. D’autant qu’on n’en avait pas référé, avant d’agir, à son intérim.
C’est décidément une éruption saisonnière. En août, on embastille à tour de bras. Et en novembre on bastonne du cuir jeune. De quoi rire jaune. D’autant que comme par hasard, les galipettes se produisent en l’absence du ministre concerné. En été, alors que les SR lançaient leurs rafles, c’était le ministre de la Défense, M. Khalil Hraoui, qui était absent. À la...