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Actualités - ANALYSES

RÉCESSION - Le pays frise la cote d’alerte - Le pouvoir mise toujours sur Paris II

C’est de bonne guerre, et même c’est indispensable pour rassurer une population aux abois : la propagande officielle maintient que la faillite ne cogne pas à la porte, comme les coups du destin à l’entame de la Cinquième de Beethoven. Que l’avenir économique n’est pas si sombre, que le Liban n’est pas en train de sombrer, qu’il garde des réserves, c’est le mot. Mais, en privé, les responsables se montrent nettement plus réservés. En soulignant en chœur, c’est encore heureux, que l’entente actuelle entre les dirigeants doit faciliter le traitement de la crise ambiante. Pour peu que la lune de miel passe le redoutable écueil des nominations, ce piège du partage pâtissier ou fromager. Cependant, comme le souligne un ministre averti, la cohésion étatique reste une condition tout aussi nécessaire qu’insuffisante par elle-même. Car, sans béquilles extérieures, le pays ne peut pas se remettre sur ses jambes. En clair, si par malheur Paris II ne devait pas se tenir, ce serait le saut, à pieds joints, dans un néfaste inconnu. Une perspective d’autant plus redoutable, et d’autant plus plausible, que les États-Unis, indisposés par l’affaire du Hezbollah, ne paraissent pas particulièrement bien disposés à l’égard du Liban, quoi qu’en dise le président Rafic Hariri. Qui du reste fournit lui-même la preuve, par la frénésie de ses relances-plaidoyers à l’étranger, que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes au niveau des rapports avec Washington. Un obstacle de taille puisque les Américains se classent parmi les principaux bailleurs de fonds potentiels du Liban. Mais il existe d’autres difficultés. D’ordre intérieur. Tout comme une hirondelle ne fait pas seule le printemps, l’harmonie entre les dirigeants n’assure pas le gouvernement d’une quiétude totale, tant s’en faut. On sait qu’il se heurte, sur le plan économique, à l’hostilité déclarée de l’équipe précédente, qui ne lui ménage pas ses critiques. Et, en outre, de nombreux parlementaires s’étonnent de l’inexistence d’un plan (sous-entendre à long terme) proclamé. Ils ajoutent que l’opinion doit être informée à l’avance des mesures draconiennes qu’elle aurait à subir. En soulignant que les Libanais ne sont pas prêts à accepter une réédition du «coup», donné sans préavis, des 3 000 LL supplémentaires sur le bidon d’essence. Ces députés indiquent que tout dispositif de sauvetage bien planifié et bien explicité au public recevrait leur appui. En regrettant que la ligne suivie jusqu’à présent paraisse aussi cahotique, voire peu sensée. À preuve, affirment-ils, que les crédits disponibles se trouvent essentiellement consacrés à couvrir des dépenses administratives toujours aussi somptuaires, toujours aussi grevées par le gaspillage, plutôt que de financer des projets utiles pour la relance de l’économie. Le résultat final, selon ces dépités, serait que l’État se verrait contraint, encore une fois, de s’endetter massivement au-dehors. Nombre de loyalistes du haut du panier, c’est-à-dire proches de Baabda, n’hésitent pas à leur faire écho en privé. En relevant que le chef de l’État a toujours répété au président du Conseil qu’il est certes désireux de coopérer au plus haut point pour le redressement économique du pays. Mais qu’à son avis un plan de longue haleine, triennal ou quinquennal, s’impose. Le président de la République, ajoutent ces sources, citait volontiers devant le président du Conseil les chiffres alarmants rapportés par divers visiteurs. Et se voyait répondre invariablement qu’il n’y a pas de crise économique, que les difficultés sont en voie de traitement, que la situation reste sous contrôle. M. Hariri ajoutait, ajoute toujours d’ailleurs, qu’il n’est pas autrement inquiet et qu’il a réponse à toutes les questions que les soucieux peuvent se poser. Pour laisser entendre de la sorte qu’il n’est nul besoin d’un plan de longue durée à la manière des États socialistes. Cependant, les organismes économiques eux-mêmes, qui ne sont pas enclins par nature aux carcans dirigistes, s’étonnent que le président du Conseil puisse nier l’existence d’une crise économique. Les pôles de ces instances pensent qu’il serait utile de rendre publique une ligne directrice bien déterminée, c’est-à-dire un plan qui n’en porterait pas le nom puisque la chose hérisse les libéraux au pouvoir. De source bien informée, on indique que certains banquiers ont relancé récemment M. Hariri. Pour lui demander pourquoi les vrais chiffres de la dette publique et du déficit budgétaire ne sont pas publiés. Et pourquoi il refuse d’élaborer un plan de redressement à longue échéance. Selon cette source fiable, le président du Conseil aurait répondu en substance : «Pourquoi voudriez-vous que j’abatte toutes mes cartes, que je capitule, que je révèle la réalité des chiffres, que je publie un plan. Tout cela, ce serait des armes que je remettrais moi-même à l’opposition pour attaquer mon gouvernement. Car l’élaboration d’un plan mettrait le cabinet à la merci de toutes les flèches. Il ne faut pas omettre non plus la portée politique du dossier». D’où les banquiers concernés ont cru pouvoir conclure que M. Hariri ne se considère pas encore à l’abri de secousses provenant du sein même du pouvoir. Ce qui fait se récrier les loyalistes proches de Baabda. Ils soutiennent en effet que le budget 2002 a tout le soutien du régime. Que ce projet doit initier un sain traitement du problème, suivi et conforté par la privatisation de certains secteurs. Mais, à ce propos, nombre de ministres se montrent réticents. En indiquant qu’à leur avis, avant de se lancer dans une telle opération, il vaut mieux voir d’abord ce que Paris II va donner. Car dans l’état actuel des choses, les investisseurs ne sont pas intéressés. Et privatiser reviendrait donc à brader. Ainsi le ministre des Télécommunications, M. Jean-Louis Cardahi, révèle que tout en étant fin prêt pour des privatisations du cellulaire ou du téléphone fixe, il préférerait que l’on attende des circonstances plus favorables. De son côté, le président de l’Association des industriels, M. Jacques Sarraf, poursuit sa campagne en faveur de la création conjointe par l’État et le secteur privé d’une cellule de crise. Économique.
C’est de bonne guerre, et même c’est indispensable pour rassurer une population aux abois : la propagande officielle maintient que la faillite ne cogne pas à la porte, comme les coups du destin à l’entame de la Cinquième de Beethoven. Que l’avenir économique n’est pas si sombre, que le Liban n’est pas en train de sombrer, qu’il garde des réserves, c’est le mot. ...