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Actualités - INTERVIEWS

Rencontre - René de Obaldia : « Dire des choses graves sur un ton léger »

En moins de trente ans, troisième visite au Liban d’un des plus grands auteurs français à qui l’on doit Du vent dans les branches de sassafras, plaisamment intitulé Western de chambre, accordant une grande place à la parodie et que le public libanais a chaleureusement applaudi sur une scène beyrouthine dans les années 70. Aujourd’hui, René de Obaldia est revenu parmi ses amis (il ne tarit pas d’éloge sur l’attention, la générosité et la délicatesse des Libanais) dans le cadre du Xe Salon du livre en tant que membre du jury du prix des Cinq continents de la francophonie. «Prix voué à la reconnaissance et la promotion d’un jeune auteur ou “auteuresse”», dit René de Obaldia dans un large sourire comme pour marquer sa malicieuse propension à l’humour. Et d’ajouter : «C’est une excellente initiative d’autant plus que le jury est divers et absolument libre. Nous avons reçu beaucoup d’ouvrages et seulement treize ont été sélectionnés avant la remise du prix». Romancier et dramaturge, René de Obaldia excelle à pousser la rigueur logique jusqu’au non-sens, l’humour jusqu’à la cruauté, la virtuosité de langage jusqu’au délire verbal. Est-il un maître du théâtre de l’absurde ? «Ce qui m’habite, c’est la tragédie optimiste, confie-t-il. Beaucoup d’humour certes, mais c’est le rêve qui l’emporte sur un fond tragique ! D’ailleurs, Maurice Nadeau, lors de la parution de mon roman Tamerlan avait parlé de “poète tragique”. Là aussi, ma manière d’aborder le roman présageait, pour certains, la ruine du roman traditionnel. Probablement à cause de cette importante décharge poétique qui va au-delà du réel». C’est vrai, on a peut-être tendance à l’oublier un peu, la poésie est omniprésente dans ce langage de fantaisie truffé d’invention. En 1949 c’est avec un long poème Midi (prix Louis-Parrot) qu’Obaldia entre en littérature mais ce sont surtout ses pièces de théâtre qui illustreront son nom. «Écrire est pour moi une nécessité, une vocation, déclare l’auteur de Génousies, et la poésie m’intéresse beaucoup…». Adorant la musique, Obaldia se plaît à faire des comparaisons, des analogies avec ses écrits – partitions qu’il classe volontiers en musique de chambre, impromptu (sept pièces d’ailleurs sont réunies sous le titre Impromptus à loisir), quatuor et divertimento (attribué surtout à Du vent dans les branches de sassafras). En refusant les étiquettes, Obaldia ne fait que confirmer les avis des critiques, pour qui son œuvre protéiforme présente une originalité rare dans le théâtre et le roman contemporains. Mais qu’est-ce qui intéresse au fond l’auteur de l’Exobiographie ? «C’est l’homme, dit-il. Je me demande ce qu’est l’homme !». «J’ai conclu que je ne sais rien, répond-il sans se départir de son sérieux. De l’ignorance la plus noire, je suis parvenu à la connaissance la plus crasse». Et qu’en est-il de votre connaissance des auteurs libanais, arabes ? «Schéhadé était un grand ami, et tenez, le titre de son dernier recueil Nageur d’un seul amour est admirable. Et j’apprécie la plume de Vénus Khoury-Ghata». Écrit-il en ce moment ? «Je fermente, dit-il très pince-sans-rire et sans l’ombre d’un sourire. Par ailleurs le huitième tome de théâtre groupant mes pièces en un acte tels Psychanalyse d’un chien et Jeux télévisés est sorti. Mais la nouveauté est du côté de Grasset où l’on vient de rassembler mon théâtre complet (plus de 1 000 pages) en un seul volume». Vous qui avez un prestigieux et exceptionnel parcours littéraire, que conseillez-vous à tout jeune auteur en herbe ? «Préserver une certaine hygiène de vie, avoir une vie intérieure, un pouvoir de solitude, et surtout lire le livre de Rilke Lettre à un jeune poète», dit cet octogénaire (il est né à Hong Kong en 1918) dont les créations ont le don précieux de faire rire et divertir. Tout en ayant une exigence d’absolu et mettant à son service une pensée vigoureuse, une solide culture et une sorte de distanciation entre lui et ses écrits, René de Obaldia livre ce délicieux aveu, petit secret qui jette la lumière sur une inspiration et une manière d’être : Dans mon œuvre théâtrale, j’ai une complicité avec mes lecteurs ; des lecteurs d’une race qui aime peut-être qu’on dise des choses graves sur un ton léger. Le dernier mot est à Chesterton que je cite : «Les anges volent parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère»… Belle formule et séduisante pirouette «obaldienne» pour clore un entretien, tirer la révérence et éteindre les feux de la rampe.
En moins de trente ans, troisième visite au Liban d’un des plus grands auteurs français à qui l’on doit Du vent dans les branches de sassafras, plaisamment intitulé Western de chambre, accordant une grande place à la parodie et que le public libanais a chaleureusement applaudi sur une scène beyrouthine dans les années 70. Aujourd’hui, René de Obaldia est revenu parmi ses...