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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Table ronde à l’usj - Le 11 septembre, événement inépuisable - Lecture islamo-chrétienne des attentats de New York et de Washington

Il n’était pas difficile de prévoir que la table ronde sur le thème «Lecture des événements du 11 septembre» organisée à la faculté des sciences religieuses de l’Université Saint-Joseph ferait salle comble. Le petit auditorium de 400 places qui l’accueillait s’est facilement rempli, preuve s’il en faut encore que les attentats du 11 septembre ont jeté le monde entier dans un intense effort de réflexion. Voici un événement à tout dire inépuisable, qui continuera longtemps encore d’être un défi à la rationalité et une nourriture pour l’imaginaire. Lecture islamo-chrétienne et multidisciplinaire présentée par Christophe Varin, vice-président du Cemam (Centre d’études du monde arabe moderne), la table ronde a donné la parole à Jad Hatem, qui a analysé l’événement sous l’angle d’une régression socioreligieuse, Saoud el-Mawla, qui a parlé de l’islam au carrefour, au P. Jean-Marc Aveline, qui a fait part de son expérience du dialogue islamo-chrétien dans la région de Marseilles et de l’impact des événements du 11 septembre sur ce dialogue, enfin au P. Francis Leduc qui a abordé la question en moraliste. Pour Jad Hatem, chef du département des sciences des religions à la faculté des sciences religieuses de l’USJ, les attentats du 11 septembre sont l’irruption spectaculaire, sur la scène politique mondiale, d’un phénomène identifié comme une régression socioreligieuse de l’islam vers des pratiques anté-islamiques, idolâtriques, où le religieux se nourrissait de sacrifices humains – on enterrait, alors, les filles à leur naissance –, à l’image du dieu Chronos du panthéon grec, dévorant ses propres enfants. Hatem rapproche les pratiques d’Oussama Ben Laden de celle de Hassan ibn Rabbah, le fondateur de la secte ismaélienne des assassins. Certes, fait-il valoir, il existe dans le Coran et les «hadith» des versets faisant l’apologie du jihad armé, mais il souligne l’indigence intellectuelle de doctrinaires aux lectures littéralistes qui réduisent la religion à cette lecture, souvent à des fins politico-religieuses, disposant souverainement des vies humaines de leurs adeptes, suivant un mécanique élémentaire mettant en jeu des motivations simples de récompense et de punition, de paradis et d’enfer. Pour Saoud el-Mawla, responsable de l’observatoire du dialogue islamo-chrétien de la faculté des sciences religieuses, l’image que l’on se fait de l’islam est trop noire. C’est suivre une pente facile que de diaboliser la religion musulmane, de confondre islam et islamisme. Il précise, du reste, que ce n’est pas l’islam qui est «au carrefour», mais les musulmans, ou la pensée islamique. Saoud el-Mawla ajoute candidement que les musulmans admettent, depuis un siècle au moins, qu’ils sont «en retard», que la question du choc des civilisations date, pour eux, du siècle dernier. Le mouvement islamiste, poursuit el-Mawla, n’est pas par essence antioccidental, mais son problème est de trouver un juste milieu lui permettant de s’insérer dans la modernité, tout en gardant son identité. Et de souligner qu’il existe une véritable «peur musulmane» de l’hostilité nourrie par l’Occident à l’égard de l’islam. Une peur confirmée par toutes sortes de commentaires publiés par la presse au lendemain de l’attentat du 11 septembre. Il cite pêle-mêle Josette Alia, Maxime Rodinson, Jean-Claude Barreau : «Il n’y a pas de tolérance dans l’islam» ; «l’islam n’est pas une religion modérée» ; «depuis Mahomet, l’islam est conquête». «L’alternative que propose l’Occident aux musulmans, c’est de renier l’islam», souligne Saoud el-Mawla. Or, ajoute-t-il, citant le célèbre verset «pas de contrainte en religion», l’islam pensé et vécu comme justice, charité, miséricorde existe bel et bien. Car pour les musulmans, le changement se fait d’abord en soi, avant d’être dans le monde. Selon le conférencier, c’est un contexte sociopolitique qui a créé el-Qaëda, et pour le faire, la religion a été manipulée. Mais le problème reste : comment concilier ces deux impératifs : préserver les acquis de la modernité, tout en préservant son identité. Et el-Mawla de conclure sur une formule admirable : «Le religieux ne sera sauvé que s’il est interreligieux». Un choc, un avertissement et un appel Le P. Jean-Marc Aveline, vicaire épiscopal du diocèse de Marseille et directeur de l’Institut des sciences et de théologie des religions, va aborder les événements du 11 septembre sous l’angle pastoral. Ces attentats ont été vécus, dit-il, à trois niveaux : comme un choc, comme un avertissement et comme un appel. Comme un choc, c’est évident. Mais comme un avertissement ? En quel sens ? Pour le P. Aveline, le choc du 11 septembre doit pousser l’Occident à un effort d’analyse, à remettre en question «les fausses évidences» sur lesquelles il repose. C’est un peu le procès de la culture occidentale qui est fait là . Depuis l’attentat, les principales figures religieuses des communautés présentes à Marseille se réunissent tous les mois, pour réfléchir en commun sur les défis posés à leur entente, souligne-t-il. Enfin, le 11 septembre est un appel à l’engagement dans le dialogue des cultures. Le P. Aveline note que, dans les écoles de Marseille, la situation s’est profondément dégradée. Il note que «les stéréotypes se renforcent en fonction inverse de l’ampleur de la culture». Il met en garde contre la naïveté d’un «front commun des religions contre la laïcité» et les risques de «récupération politique» des ressentiments et peurs qui ont refait surface à l’occasion de ces attentats. Il dresse aussi un bilan critique du dialogue interreligieux. Enfin, il note en vitesse les domaines où doit se déployer l’effort de l’Église et de la société : lutte pour la justice et la réduction du fossé économique qui sépare les hommes, effort d’éducation (l’une des tâches les plus importantes), enfin le besoin d’un sérieux travail théologique non pour déboucher sur le relativisme, mais «pour mieux habiter le mystère de nos différences». Le P. Francis Leduc, professeur à l’Institut supérieur des sciences des religions de l’USJ, clôture la conférence en proposant de lire des événements par le biais de la notion d’«ambiguïté éthique». Le P. Leduc commence par déplorer le fait que les États-Unis semblent avoir «manqué l’occasion», notamment de réfléchir au fossé qui sépare les pauvres des nantis, de comprendre comment les terroristes sont devenus tels. La notion d’«ambiguïté éthique», enchaîne-t-il, repose sur la conviction qu’il n’y a pas d’action parfaite ni de perfection morale, mais que l’on est là dans le domaine de l’ambiguïté, que toute action n’est pas «ou bien» bonne, «ou bien» mauvaise, mais comporte du bon et du mauvais. Dans l’action, dit le P. Leduc, il n’y a pas de blanc et de noir, mais du gris. Cette ambiguïté touche aussi à nos actes quotidiens. Nos actes de charité ne sont pas toujours altruistes. La table ronde se termine par une série de questions-réponses dont il ressort clairement que les événements du 11 septembre demeurent d’une brûlante actualité, et qu’ils sont d’une densité telle qu’ils représentent comme un «trou noir» des principales contradictions du siècle qui s’ouvre.
Il n’était pas difficile de prévoir que la table ronde sur le thème «Lecture des événements du 11 septembre» organisée à la faculté des sciences religieuses de l’Université Saint-Joseph ferait salle comble. Le petit auditorium de 400 places qui l’accueillait s’est facilement rempli, preuve s’il en faut encore que les attentats du 11 septembre ont jeté le monde...