Rechercher
Rechercher

Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Social - Ouverture du second forum antimondialisation à Beyrouth - Bové et Ben Bella dénoncent les injustices du nouvel ordre planétaire

«Globaliser les luttes pour globaliser les espoirs». En prononçant cette phrase-clé qui résume l’action des groupes antimondialisation qui prolifèrent dans le monde, José Bové a montré un sens parfait de la formule en plus de sa détermination de militant. Devant plusieurs centaines de personnes, intellectuels, nostalgiques de la gauche et étudiants en mal de révolte, Bové a participé, aux côtés d’Ahmed Ben Bella, Samir Amine, Élias Saba et Christophe Aguitton, membre du groupe français Attac à l’ouverture du second forum antimondialisation qui se tient depuis hier à Beyrouth. Deux forums pour dire pratiquement la même chose, à 24 heures d’intervalle, parce que les organisateurs n’ont pas pu s’entendre pour conjuguer leurs efforts, c’est le propre du Liban, mais cela ne diminue en rien l’impact des discours prononcés à ces deux occasions. Pour la séance inaugurale du forum international sur la globalisation et le commerce mondial (qui se prolongera jusqu’à jeudi, avec la participation de plus de 200 ONG), le public est venu très nombreux et l’immense salle Issam Farès de l’AUB était comble, jeunes et vieux ayant même été contraints à s’asseoir sur les marches pour suivre les intervenants. Peu d’officiels toutefois dans l’assistance, mais essentiellement des intellectuels, des gauchistes et des jeunes à la recherche de nouveaux idéaux, un public somme toute bon enfant, qui n’a certes pas l’air redoutable. Des envies de détruire le monde... Présentés par Amine Farchoukh, les orateurs se sont succédé à la tribune, d’abord l’ancien président algérien Ahmed Ben Bella puis José Bové, suivi de Samir Amine et d’Élias Saba, le ministre syrien du Plan Issam Zaïm et le Sud-Africain Martin Khor initialement prévus s’étant excusés. Moins politisé que celui qui l’a précédé au cours du week-end, mais toujours aussi hostile à la mondialisation actuelle, définie par l’ancien ministre Élias Saba comme étant la forme la plus moderne de l’impérialisme, le forum qui s’est ouvert hier a tenu à condamner la réunion de l’OMC qui doit se tenir à Doha, le 9 novembre. D’ailleurs, c’est par là que Ben Bella a commencé son discours, demandant aux pays arabes de refuser d’accueillir les réunions de l’OMC, puisqu’elles ne peuvent plus le faire dans les pays du Nord grâce à la pression des groupes antimondialisation. Le leader algérien a aussi insisté sur l’urgence d’une lutte assidue des ONG et des militants arabes contre la mondialisation qu’il a qualifiée de piège, surtout après les attentats du 11 septembre qui ont fait que le pays le plus riche affronte le pays le plus pauvre. Il a aussi estimé que le choix de Beyrouth pour le lancement de l’action antimondialisation dans le monde arabe est idéal, en raison du dynamisme, de son pluralisme et donc de sa richesse. Selon le leader algérien, le terrorisme passé et actuel est dû au nouvel ordre mondial qui a multiplié les injustices de l’Indochine, à la Palestine en passant par l’Irak. Il a eu ce mot terrible : «J’ai 84 ans, mais à cause de l’injustice qui règne dans le monde, j’ai parfois envie de le détruire et de me détruire ensuite». Évoquant, enfin, la campagne américaine contre l’Afghanistan, Ben Bella a déclaré : «En étant contre l’islam et les Arabes, ils m’obligent à me tenir aux côtés de Ben Laden…». Bové : J’irai à Doha Avec ses moustaches qui le font ressembler au héros de BD Astérix, José Bové a tenu un discours plus ciblé, dénonçant surtout les méfaits de la mondialisation pour les divers secteurs professionnels, notamment chez les agriculteurs. Il s’en est aussi pris aux Organismes génétiquement modifiés (OGM), qui permettent aux firmes transnationales de contrôler l’agriculture de la planète. Avec des mots simples et des formules qui portent, Bové a séduit l’auditoire pourtant pas forcément francophone. Le leader de la Confédération paysanne française a annoncé son intention de se rendre à Doha, même s’il est conscient qu’il ne pourra pas manifester là-bas, «le pays étant une monarchie qui ne laisse pas de place à l’opposition». S’adressant aux Arabes, il les a pressés de résister et de ne pas accepter ce que l’on va essayer de leur imposer à Doha. Selon lui, la mondialisation possède deux atouts : le marché et les finances d’une part, les armes et les guerres de l’autre. Et, aujourd’hui, les deux sont utilisés. «Nous assistons à une mise au pas du monde par le biais d’une globalisation militaire qui a commencé en Irak, s’est poursuivie avec le génocide palestinien et aujourd’hui se répète en Afghanistan». Cherchant à expliquer ses positions propalestiniennes, Bové a précisé qu’en tant que militant contre la globalisation, il ne peut qu’être solidaire avec le peuple palestinien. «Je me suis promené à Chatila et ce que j’y ai vu est inhumain. Personne n’accepterait qu’un membre de sa famille vive dans ces conditions». Bové a ensuite évoqué sa visite à l’ancienne prison de Khiam et là les images fortes l’ont beaucoup marqué. «La lutte pour la dignité et les droits des peuples passe par le soutien aux Palestiniens. En France, la société civile a lancé un comité de soutien qui se rend régulièrement en Palestine pour se solidariser avec les souffrances de ce peuple. Tout ça parce que les chefs d’État occidentaux n’ont pas le courage de dire à Sharon ça suffit…». La forme moderne de l’impérialisme Bové a été bien sûr très applaudi et c’est l’intellectuel égyptien Samir Amine qui a ensuite pris la parole. Pour lui aussi, la globalisation a commencé en Irak, s’est poursuivie en ex-Yougoslavie et se manifeste aujourd’hui en Afghanistan. Selon lui, le but réel des États-Unis n’est nullement le régime des taliban ou Ben Laden, c’est simplement le contrôle des pays de l’Asie centrale. «À cause du pétrole de la mer Caspienne qui est le prolongement de celui du monde arabe, mais aussi parce qu’ils possèdent une position stratégique qui permettra aux États-Unis de menacer militairement la Chine et l’Iran». M. Amine a établi un lien direct entre le projet capitaliste sauvage et la recrudescence de la violence chez les populations. «La dictature du capitalisme suscite des réactions violentes. L’impérialisme a pris de nouvelles formes. Il est aujourd’hui collectif États-Unis, Europe occidentale et Japon et il s’agit en fait d’un conflit de civilisation (au singulier) qui oppose le capitalisme multinational et ceux qui le servent et les peuples qui le subissent». En guise de conclusion, il a appelé à une nouvelle mondialisation, basée sur les droits de l’homme et ceux des peuples. Dernier à prendre la parole, l’ancien ministre Élias Saba, pour qui la mondialisation est la forme la plus moderne de l’impérialisme qui vise à contrôler les ressources du monde. Selon lui, le commerce est devenu mondial, mais les décisions politiques obéissent encore aux chefs nationaux. Ce qui entraîne une lutte entre les deux pôles. Le fossé ne cesse de se creuser entre les nantis et les pauvres, les forts et les faibles. Saba s’est interrogé sur l’interdiction faite aux travailleurs de circuler librement, alors que les capitaux eux peuvent le faire. Même situation pour les technologies modernes, interdites d’installation dans les pays pauvres. Selon lui, il faut revoir toute la structure de la mondialisation, ainsi que le mandat presque total donné actuellement aux États-Unis. «Les pays du Sud et les populations pauvres doivent se préparer à créer un nouvel ordre mondial dans lequel ils ne seraient plus marginalisés. Ils n’ont pas d’autre choix que d’unifier leurs efforts». Le forum cherche à étudier tous les aspects de la globalisation afin d’en dénoncer les failles, mais aussi de proposer des solutions de rechange.
«Globaliser les luttes pour globaliser les espoirs». En prononçant cette phrase-clé qui résume l’action des groupes antimondialisation qui prolifèrent dans le monde, José Bové a montré un sens parfait de la formule en plus de sa détermination de militant. Devant plusieurs centaines de personnes, intellectuels, nostalgiques de la gauche et étudiants en mal de révolte,...