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Actualités - CHRONOLOGIES

CONCERT - Charles Aznavour et Michel Fugain au Forum de Beyrouth - Nostalgie, quand tu… les tiens

À quoi reconnaît-on une grosse pointure du show-business ? Elle fait, par sa seule présence muette, un tabac à l’applaudimètre. Et si, soixante-quinze minutes et une quinzaine de chansons plus tard, l’émotion est toujours à son comble, cela veut dire que vous étiez «For-mi-daaableuu» Monsieur Aznavour. À 19h,30 ce samedi 27 octobre, nous étions déjà mille personnes à nous amasser devant le Forum de Beyrouth. À 20h 30, près de 5 000 étaient là, certains déjà assis, piaffant d’impatience, presque irrités d’avoir à attendre trois quarts d’heure et le … trois quart du public qui se pressait pour gagner ses places. Michel Fugain assurait la première partie de cette soirée. Un Fugain fugace puisqu’il n’a chanté (la vie, chaaante) que durant 45 petites minutes. Mais on ne va quand même pas se plaindre. Et ce pour deux raisons. Un : il est venu, il a tenu promesse et honoré son contrat. Deux : de sources bien informées, on a appris qu’il n’aurait pas décliné une invitation pour un éventuel retour. Mais chut… On ne vous a rien dit. Enthousiaste, accompagné d’une formation tout aussi sympathique, Michel Fugain a insufflé la joie de vivre avec ses titres entraînants Comme l’oiseau, Viva la vida, Une belle histoire… À l’entracte qui a duré une bonne trentaine de minutes (le temps que tout ce monde se rende au bar à boissons ou grille une cigarette), les robes longues côtoyaient les jeans moulants, les vestes en cuir et les pashminas roses. C’était également l’occasion de discuter, de partager son avis sur les sujets brûlants d’actualité : embouteillages, pas d’endroit pour garer, sonorisation défaillante à l’arrière de la salle, public trop, beaucoup trop bruyant. Public frangi koukouz Le public ? Parlons-en. Il formait un échantillonnage aussi représentatif que significatif. Il y avait là une grande partie de la communauté arménienne du Liban ; beaucoup de francophones (ou franji koukouz) et pas mal de jeunes… accompagnés de leurs parents (ou vice-versa). Adulé et par l’ancienne et par la nouvelle génération, Le Maître en chanteur a, une fois encore, fait l’unanimité du public libanais . Charles Aznavour, accompagné d’un orchestre de 12 musiciens – dont un quatuor à cordes féminin – et de deux choristes à la voix cristalline, Claude Lombard, son inséparable complice et Katia… Aznavour, sa fille, l’artiste d’origine arménienne se doit de commencer son récital par une chanson qui le raconte, Les émigrants. Bien qu’une grande partie du public soit concernée par ce titre, on ne l’écoute que d’une oreille distraite. Les commentaires vont bon train : «il a quel âge maintenant ? Il a dû sûrement se faire un lifting . Et son costume, t’as vu, c’est toujours le même complet bleu nuit». Oui, sa voix n’a pas pris l’ombre d’une ride. Oui, à 77 ans, le grand petit n’a rien perdu de sa superbe. Oui, oui, et oui, son talent de comédien est toujours là. Tout cela se ressent dans ses chansons qu’il vit plus qu’il ne chante. La preuve ? Tout emporté qu’il est à interpréter un homme titubant, accablé sous le poids de son malheur, il trébuche et s’étale sur la scène. Sa fille accourt. Aidée du chef d’orchestre, elle le relève. Moment d’émotion, l’assistance se lève. Inquiète. Maestro dans l’art de l’»«entertainment», Charles Aznavour pêche le micro. «Cette chute n’était pas prévue au programme… Attendez, je m’assure que tout est en place», dit-il en se tâtant les dents. Il reprend son souffle et ajoute : «en ce moment, je suis au régime sans sel et sans alcool. Donc cette substance n’a rien à voir avec ce qui vient de se passer». Les rires fusent. Et le concert se poursuit comme si de rien n’était. Quel courage, quelle détermination. Pour cette soirée, Aznavour a choisi de regarder dans le rétroviseur. Il se justifie devant le public : «On m’a demandé de chanter les anciennes chansons. J’ai alors réappris des titres que j’ai interprété ici il y a plus d’un demi siècle» . Acte donc : de For me : formidable à Emmène-moi en passant par J’aime Paris au mois de mai, La Bohème, La Mamma ou Paris au mois d’août, il n’a pas épargné ses fonds de tiroir. Une fois encore, il chante le désenchantement consenti, les plaisirs un peu vénéneux de la vie ordinaire. Pour le grand plaisir de ses fans, évidemment. Car Aznavour n’est jamais aussi bon que lorsqu’il fait du Aznavour. Entendez par là qu’il se montre sous son meilleur jour quand il chante l’amour, la nostalgie ou les femmes avec ce mélange d’ironie et de poésie qui lui est propre. Mais il n’a quand même pas pu s’empêcher de lancer «un bébé d’un an, la seule nouvelle chanson au programme de ce soir» tirée de son album Aznavour 2000 et intitulée Dans tes bras. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur ce merveilleux personnage. Ce n’est que lorsqu’il chante hier encore j’avais 20 ans…, qu’il nous fait prendre conscience de la plénitude de sa vie, et parallèlement de la précarité de l’existence. Il ressort de cette superbe chanson à la fois une hymne à la vie et une grande nostalgie des années qui défilent à une folle allure… Des applaudissements éclatent, retentissent, couvrent sa voix. Tempête dehors, tonnerre d’applaudissements dedans. Francofolies, partie remise La soirée double concert Charles Aznavour-Michel Fugain devait porter le label de «Francofolies de Beyrouth», une «franchise» libanaise aux Francofolies de la Rochelle, premier festival de la chanson française et francophone. Mais l’organisateur, Nagi Baz de Buzz Productions, a préféré considérer le Festival des Francofolies comme partie remise. Cet événement devant accompagner le sommet de la francophonie qui a été reporté à octobre 2002.
À quoi reconnaît-on une grosse pointure du show-business ? Elle fait, par sa seule présence muette, un tabac à l’applaudimètre. Et si, soixante-quinze minutes et une quinzaine de chansons plus tard, l’émotion est toujours à son comble, cela veut dire que vous étiez «For-mi-daaableuu» Monsieur Aznavour. À 19h,30 ce samedi 27 octobre, nous étions déjà mille personnes...